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Suisse - 18 septembre 2003
Par Silvia Cattori
Il dénonce avec courage ce qu’il a constaté en Palestine occupée.
Jean Ziegler, le rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, s’est rendu en Palestine, en juillet 2003. Son constat est sans concession. Les faits que Jean Ziegler a consignés dans son rapport de mission, ne sont pas inconnus des gens avertis.
Mais sous l’estampille des Nations Unies, ils prennent tout leurs poids et pourraient porter un grand coup à la politique de grignotage de l’Etat d’Israël. C'était la première fois qu'Israël autorisait l’entrée d’un rapporteur spécial de l'ONU dans les territoires palestiniens sous son contrôle.
Jean Ziegler a remis son rapport début août 2003 à Genève, au Haut-commissariat aux droits de l'homme et aux parties concernées. Rapport qui devrait être présenté à l’Assemblée générale de l’ONU à New York, lors de la session d’automne. Sauf si Israël - qui voit d’un très mauvais œil la diffusion de ce texte - parvient à imposer un autre timing pour tenter d’en
affaiblir la portée. En effet, Israël, avec l’arrogance et l’aplomb qu’on lui connaît, a multiplié les protestations et avancé l’idée que le Haut-commissariat n’a pas respecté la procédure, qu’il aurait divulgué ce rapport au public avant qu’Israël ne puisse en prendre officiellement
connaissance.
Jean Ziegler est formel : la faim, la malnutrition, que connaissent les Palestiniens sous occupation militaire, sont la conséquence directe de la politique d’apartheid et de punitions collectives de l’Etat d’Israël et non pas d’une cause naturelle. Son constat démontre, avec une précision d’horloger, la mécanique inventée par Israël pour anéantir tout un peuple.
Ce qui revient à dire, en termes plus crus, qu’Israël par sa « politique de la famine » a mis méticuleusement en place un système destiné à exterminer tout un peuple à petit feu.
En clair, le rapport souligne que l'effondrement de l'économie palestinienne est induit par les mesures destinées à l'asphyxier : « Plus de 60% de Palestiniens vivent sous le seuil de grande pauvreté, presque autant sont totalement dépendants de l'aide internationale, plus d'un ménage palestinien sur deux n'a plus accès qu'à un repas par jour ». Ce qui porte atteinte à leur dignité d’hommes, jette le père qui ne peut pas nourrir sa famille, au désespoir.
Dans son rapport de 25 pages, Jean Ziegler ne mâche pas ses mots. Il fait même montre d’un courage, d’une fermeté et d’une franchise qui sont sans égal dans le jargon des Nations Unies. Ses affirmations, aussi précises que saisissantes, devraient faire grand bruit et mettre Israël sur le banc des accusés, si les médias donnaient à ce texte l’importance qu’il mérite. Tout y est : les violations du droit à l’alimentation et des droits humains, le scandale de la construction du mur de l’apartheid, la dépossession des terres et des sources d’eau, les humiliations, les déportations… …
Les causes directes de cette détérioration rapide de la situation alimentaire qui « affecte de malnutrition plus de 22% des enfants de moins de cinq ans (…) atteint d'anémie grave plus de 15% des enfants du même âge avec toutes les conséquences physiques et intellectuelles néfastes sur leur développement » sont donc, aux dires de Jean Ziegler, sciemment provoquées par Israël. Elles sont d’autant plus choquantes que nous sommes-là sur des
terres fertiles et riches d’une population ingénieuse qui avait un niveau de vie décent, avant septembre 2002.
Jean Ziegler démontre avec force exemples qu’Israël – parallèlement aux offensives militaires meurtrières - a utilisé l’arme silencieuse de la faim, de la mort douce. Que cette politique de destructions et de fermetures qui a mis l’économie par terre, empêche les gens d’aller travailler, les paysans d’aller dans leurs champs, est « directement responsable de la lente agonie du peuple martyr de Palestine ».
Les membres de la mission menée par Jean Ziegler en Palestine sont revenus en état de choc et surpris du fossé qui sépare la réalité vue sur le terrain de la perception qu’on en a à l’extérieur : « Alors que les médias vous parlent avec une régularité lancinante des assassinats ciblés, des attentats suicides (…) mais de cette tragédie sourde, lente, de la grave malnutrition
qui détruit une grande partie du peuple palestinien, il n’est rien dit... ».
On comprend que, face à l’étendue d’une pareille catastrophe humanitaire, «pire que tout ce qu’il pouvait imaginer », Jean Ziegler n’ait pas mis de gants pour la dénoncer. Evoquant le mur de séparation illégal qui emprisonne les gens, Ziegler affirme qu’il faut le stopper « qu'il constitue une autre violation du droit à l'alimentation par l’Etat hébreu qui s’annexe, de facto, des milliers d'hectares de terres fertiles». Ici il ajoute : « Ce mur, haut de huit mètres, est la dernière trouvaille de Sharon qui, forcé par les dispositions de la feuille de route d’accepter à terme un Etat palestinien, fait enfermer 41 % des terres de la Cisjordanie … »
Jean Ziegler est formel : ce désastre humanitaire sans précédent, découle directement de la violence de l’occupation israélienne. «Il est inacceptable que des mesures militaires visant à protéger la sécurité de la population israélienne soient imposées de telle façon qu'elles mettent en danger la sécurité alimentaire de toute la population palestinienne. Il ne peut pas y avoir de justification pour limiter les déplacements qui empêchent les gens d'avoir accès à de la nourriture et à de l'eau, à moins de vouloir utiliser l'arme de la faim, de la policy of starvation. (…) L'imposition généralisée du couvre-feu, des fermetures de routes, du système des permis, sont la source de la crise humanitaire ».
Plus loin il dénonce « les mesures de sécurité totalement disproportionnées prises par l’Etat hébreu (…) la stratégie de bantoustanisation de la Palestine, accompagnée des destructions sans précédent d'arbres, de systèmes d'irrigation et d'infrastructure qui privent beaucoup de Palestiniens de leur droit à la nourriture… », donc à la vie.
Au moment où j’écris ces lignes la polémique fait rage et s’amplifie autour du rapport de Jean Ziegler. Les autorités israéliennes n’en acceptent pas le contenu, le jugent politiquement biaisé, accusent Jean Ziegler de s’être «livré à une attaque politique qui ne mène nulle part » et ont annoncé qu’elles vont élever des protestations auprès de l’ONU.
De son côté, Jean Ziegler affiche un calme olympien. Le calme de l’homme pour qui seules la vérité et la justice comptent. Il nous dit avec fermeté : « Mon mandat est très précis. Le respect du droit à l’alimentation solide et liquide. Tout ce qui est au-delà (…) ne me regarde pas. Je constate une catastrophe humanitaire effroyable qui s’aggrave à cause des mesures
d’occupation. Je n’ai fait là qu’exécuter mon mandat à la lettre. J’ai constaté la détérioration drastique de la situation alimentaire de la population palestinienne et les raisons qui l’ont provoquée. Je n’ai fait que rappeler les obligations de la puissance occupante à l’égard des
populations qu’elle contrôle. Je n’ai donc fait que mon travail ». Voilà un homme qui s’est battu toute sa longue vie, qui a ramassé des coups et ne s’est jamais couché. Bravo !
Tous ceux qui se battent durement depuis des années en Palestine et hors de Palestine pour que la vérité sorte au grand jour, peuvent tirer un grand coup de chapeau à Jean Ziegler. Il ne va pas manquer d’être la prochaine cible d’Israël et de connaître la peur et les intimidations que connaissent tous ceux qui dénoncent sa politique criminelle.
Jean Ziegler savait à quoi il s’exposait. Il aurait pu choisir d’aller dans un pays moins intimidant. Quantité de pays attendent sa venue. Mais après le Brésil et le Bengla Desh, il a choisi d’aller en Palestine occupée, de rendre par là justice au peuple palestinien, qu’Israël veut affamer. Il était prêt à en payer le prix. Le prix de la probité et de la dignité humaine.
Exclusif : consultez le texte intégral du rapport Ziegler sur le Réseau Voltaire
Source : Réseau Voltaire
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Silvia Cattori
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