Envoyer cet article
Serbie - 3 février 2015
Par The Guardian
Le gouvernement de Serbie a discrètement accordé la citoyenneté à Mohammed Dahlan, un rival clé du président palestinien Mahmoud Abbas et conseiller du prince héritier d'Abou Dhabi. Dahlan, sa famille et cinq de ses principaux supporters politiques se sont vus accorder la citoyenneté entre février 2013 et juin 2014, selon des documents de la Gazette officielle de l'Etat analysés par le Balkan Investigative Reporting Network (BIRN).
Mohammed Dahlan décoré de la Médaille du Drapeau serbe par le président serbe Tomislav Nikolić, Belgrade, avril 2013 (Tanjug)
Le gouvernement peut accorder la citoyenneté, lors de sessions du cabinet à huis-clos, à des étrangers réputés avoir servi "les intérêts de l'Etat", sans donner plus d'explications.
On porte au crédit de Dahlan d'avoir facilité des investissements de plusieurs milliards d'euros promis par Abu Dhabi en Serbie. Cependant, le gouvernement de Belgrade a refusé d'expliquer si c'est la raison pour laquelle la citoyenneté lui a été accordée, ainsi qu'à 11 autres Palestiniens au cours des deux dernières années.
Des observateurs chevronnés du Moyen-Orient ont suggéré que Dahlan pourrait avoir l'intention d'utiliser la Serbie comme base de lancement de son défi de leadership contre Abbas, l'actuel président de l'Autorité palestinienne (AP).
Beaucoup ont considéré Dahlan, ancien chef de la sécurité de l'AP, comme le successeur probable de Yasser Arafat, mais il a perdu face à Abbas. Ce dernier l'a accusé de corruption et il a été exclu du Fatah en 2011.
L'AP a lancé une action en diffamation contre Dahlan, qui vivait alors en exil aux Emirats arabes unis (EAU), après qu'il a critiqué la direction d'Abbas et les forces de sécurité de l'AP en Cisjordanie . Il a été condamné à deux ans de prison par contumace en mars 2014.
Des milliers de partisans de Dahlan sont descendus dans les rues de Gaza en décembre 2014 pour protester contre l'ouverture d'une nouvelle procédure judiciaire à son encontre, cette fois sur des accusations de corruption.
Dahlan a publiquement réfuté ces accusations mais il a refusé de répondre aux questions que lui a adressées BIRN. Ses soutiens contestent les affaires, et les considèrent comme rien de plus que des simulacres de procès aux motivations politiques, tandis qu'Abbas et l'AP affirment avoir produit des rapports détaillés sur ses agissements préjudiciables présumés.
Un porte-parole de M. Abbas a déclaré : "Selon toutes les règles nationales et internationales, quand quelqu'un veut obtenir le passeport d'un autre pays, ils [le gouvernement] doivent vérifier pour s'assurer qu'il a un dossier et une histoire propres et non se contenter de le lui donner. Ils n'ont pas interrogé le côté palestinien sur leur histoire et si ces gens étaient ou non des criminels.
"Nous allons envoyer une lettre au Président et au Premier ministre serbe pour arrêter ça."
BIRN révèle que Dahlan loue une villa luxueuse (photo ci-dessous) dans le quartier de Belgrade préféré des diplomates. Elle occupait jusqu'à récemment la maison de l'ancien président serbe Boris Tadić, et la sécurité de la villa a été renforcée avant l'arrivée de Dahlan à Belgrade.
Le gouvernement serbe, interrogé par BIRN, a refusé de donner les raisons pour lesquelles il a accordé la citoyenneté à Dahlan, à sa famille et à ses partisans.
Cependant, Dusan Simeonovic, ancien ambassadeur en Egypte et en Palestine, a dit à BIRN que la démarche était "clairement un signe de gratitude pour la rôle de Dahlan dans la réalisation d'investissements en provenance des Emirats."
Contournant le processus standard de naturalisation, le gouvernement peut accorder la citoyenneté à un individu s'il juge que le faire est dans l'intérêt national de la Serbie, selon la loi sur la citoyenneté du pays.
Selon ce système, un ministre propose un nom, qui est ensuite soumis à un vote lors d'une session du gouvernement à huis-clos. La décision est signée par le Premier ministre ou par son adjoint et est publiée dans le journal officiel.
Ce processus a suscité des controverses à plusieurs reprises, y compris l'an dernier quand Sergey Kurchenko, un homme d'affaires ukrainien qui est sous le coup de sanctions de l'UE, a été fait ressortissant serbe suite à une décision gouvernementale. Le ministre de l'Intérieur serbe a refusé de confirmer des rapports médiatiques précédents selon lesquels la citoyenneté de Kurchenko a été révoquée suite au tollé.
Ce système a été utilisé 52 fois au cours des cinq dernières années, le plus souvent pour délivrer des passeports à des musiciens et à des sportifs-ves.
Beaucoup de pays de l'UE ont mis en place des dispositifs de naturalisation de sportifs de premier plan et ont fourni citoyenneté et résidence permanente à de grands investisseurs étrangers. Ceux-ci sont toutefois généralement soumis à un certain nombre de critères stricts - ne pas faire l'objet d'une enquête criminelle par exemple - et les dossiers sont traités par des fonctionnaires plutôt que par des hommes politiques.
La position de la Serbie diffère en ce que le gouvernement peut approuver la citoyenneté tant qu'elle sert "l'intérêt de l'Etat", indépendamment de toute autre condition.
Dahlan a contribué à forger de nouveaux liens diplomatiques et économiques entre le prince héritier Cheikh Mohammed bin Zayed d'Abu Dhabi et le gouvernement serbe. Il a été décoré par le président Tomislav Nikolić de la Médaille du Drapeau serbe en avril 2013 pour son rôle dans "le développement et le renforcement de la coopération pacifique et des relations amicales entre la Serbie et les Emirats arabes unis".
Le bureau du président a refusé de donner des détails sur ce point lorsque BIRN l'a interrogé la semaine dernière ; il a seulement ajouté que Dahlan était "un proche collaborateur de Cheikh Mohammed bin Zayed qui a contribué à des investissements en provenance des Émirats".
La Serbie a ouvert une ambassade à Abu Dhabi en août 2013. Cette relation florissante a joué un rôle clé dans la finalisation d'une série d'accords intergouvernementaux signés entre la Serbie et Abu Dhabi, avec la promesse de milliards d'euros d'investissements par l'intermédiaire de sociétés liées à la famille régnante.
Mais les accords ont créé des polémiques.
Etihad Airways a acheté 49% des actions de la compagnie aérienne JAT en 2013, bien que des inquiétudes ont surgi quant à savoir si le contribuable serbe a perçu l'argent de la vente de près de la moitié de l'entreprise appartenant à l'Etat.
Al Dahra Agriculture devait investir 150m de dollars par des fermes d'Etat, selon un contrat publié signé avec le gouvernement serbe. Mais après les protestations suscitées par l'accord, la société d'Abu Dhabi a décidé d'acheter à la place une participation dans une société appartenant au magnat serbe Vojin Lazarević.
D'autres accords énormes liés à l'agriculture, aux armes, à l'électronique et aux ports ont été signés avec des entreprises liées à la famille royale, selon les déclarations du gouvernement serbe. Un projet immobilier de 2,8 milliards de dollars appelé "Belgrade Water", une coentreprise entre le gouvernement serbe et une entreprise basée à Dubaï, a également été annoncé.
Malgré les propositions impressionnantes, peu d'investissements concrets sont visibles sur le terrain. Les fonctionnaires de l'ambassade des EAU à Belgrade soulignent que les retards dans les projets de cette ampleur sont normaux et que les investissements suivront.
En pleine page ici
Source : The Guardian
Traduction : MR pour ISM
Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.
L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
9 novembre 2021
L’Art de la guerre - Les nouvelles armes financières de l’Occident9 novembre 2021
Le fait d'être désigné comme "terroristes" par Israël illustre le bon travail des ONG en Palestine5 novembre 2021
Israa Jaabis : De victime à criminelle, du jour au lendemain3 novembre 2021
La normalisation est le dernier projet pour éradiquer la cause palestinienne1 novembre 2021
Kafr Qasem reste une plaie béante tandis que les Palestiniens continuent de résister à l'occupation30 octobre 2021
Voler et tuer en toute impunité ne suffit plus, il faut aussi le silence14 octobre 2021
Tsunami géopolitique à venir : fin de la colonie d’apartheid nommée ’’Israël’’12 octobre 2021
La présentation high-tech d'Israël à l'exposition de Dubaï cache la brutalité de l'occupation9 octobre 2021
Pourquoi le discours d'Abbas fait pâle figure en comparaison du fusil d'Arafat à l'ONU6 octobre 2021
Comment la propagande israélienne s'insinue dans votre divertissement quotidien sur Netflix : La déshumanisation et la désinformation de FaudaCollabos
The Guardian
3 février 2015