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25 avril 2013
Par Badia Benjelloun
Deux ans après "l’année admirable", celle qui a vu la disparition du dernier royaume andalou de Grenade, de l’expulsion de 150.000 Juifs de l’Espagne catholique et de l’abordage de la Piéta de Christophe Colomb aux Bahamas, le pape Alexandre VI, en 1494, a réservé les terres américaines à coloniser à l’Espagne et au Portugal seulement par traité. Furent exclues du partage la France, condamnée à développer son industrie, ainsi que l’Angleterre et la Hollande qui comprirent l’opportunité de se consacrer au transport maritime.
En quelques décennies, la quantité disponible de métaux précieux en Europe, argent et surtout or, a été multipliée par un facteur estimé de 8 à 12. L’or se trouvait concentré essentiellement en Espagne. On commençait à confondre richesse et mesure de celle-ci ou encore moyen d’échange. L’or a été considéré par les Rois catholiques comme le bien suprême à thésauriser. Beaucoup a été entrepris pour éviter sa fuite vers d’autres nations, ce qui advenait inévitablement. Parmi les mesures prises, des contraintes douanières taxaient fortement les produits importés, d’autres facilitaient l’exportation.
Une telle abondance monétaire a eu comme effet le triplement des prix en cinquante ans. Les monnaies furent manipulées, à poids égal il fut donné une valeur supérieure aux pièces étrangères qu’on espérait attirer. Le trafic du cours des devises comme celui des lettres de change n’y firent rien : les pièces nationales fuient l’Espagne.
Pendant leur lente construction de l’État, Isabelle et Ferdinand avaient refondé l’organisation des Cortès, rendu plus efficace la collecte de l’impôt, bénéficié des bulles papales qui permirent la levée de dîme pour assurer la ’reconquête’ considérée comme une véritable croisade et organisé une puissante armée. La politique économique et financière espagnole se résumerait donc à une monnaie forte -au prix de manipulations- avec un déficit de la balance commerciale constant défendue par une Armada qui montra qu’elle n’est plus si invincible dès 1588 face à la flotte marchande et militaire anglaise. Moins d’un siècle après les massacres des Amérindiens et du vol de leur or, l’Espagne rentrait dans son déclin.
Le pôle occidental étasunien fait-il autre chose que défendre sa monnaie – étalon d’échange internationale, devise obligatoire pour les transactions des matières premières en particulier énergétiques par une armée pléthorique ? Que produit-il ? Des armes, il est le plus gros exportateur et cette industrie pèse sur sa politique, voire en est le facteur surdéterminant.
Ce pôle a détourné à son profit l’épargne mondiale, accroissant sa puissance au détriment du reste de la planète depuis les guerres occidentales de 1914-1945. Cette capture était justifiée par une prééminence technologique et économique. Gigantisme, agressivité militaire et commerciale par le biais de psycho-publicité, le système a infiltré le tissu économique mondial, l’a homogénéisé, fragilisé à son image. La complexité biologique des infusions et tisanes traditionnelles a été par exemple abandonnée, le savoir attenant aux plantes qui les composaient perdu au profit d’un liquide noirâtre très acide, riche en caféine pure et en sucre.
Sa domination devint telle qu’une armée d’idéologues déguisés en experts d’une prétendue science économique se mit à vendre des emprunts très risqués comme bien rentables que toutes les banques se sont arrachés, et lorsque les défauts de paiements sur les prêts commencèrent à émerger, le système financier mondial qui en a été contaminé est devenu inopérant. L’absence de fonds propres de qualité des institutions financières qui se croyaient riches en jouant au casino a conduit à transférer les pertes de celles-ci vers les États, soient les peuples condamnés à l’austérité.
Cette séquence maintenant bien connue a vite été doublée par ce que le président de la Federal Reserve a mis en place, en résumé, l’impression de papier monnaie ne correspondant à la création d’aucune richesse réelle aussitôt injectée dans le circuit boursier spéculatif. Actuellement la ‘production’ de la Fed est de l’ordre de 95 milliards de dollars par mois. Cette hyperactivité monétaire est en partie déversée pour acheter des bons du Trésor étasunien, délaissés petit à petit par les gros épargnants mondiaux.
La périphérie, c’est-à-dire les provinces de l’Empire dévolues à ravitailler en biens réels le pôle dominant, a réagi à sa manière, incapable parce qu’enlisée dans le paradigme résultant de l’issue de la guerre de 1914-1945 et faisant partie intégrante du système, de réaliser un autre ordre monétaire et économique.
La Chine s’est ravitaillée en or qu’elle a acheté au prix fort.
La sanction est arrivée depuis quelques semaines, son cours a été manipulé à la baisse.
Le Japon, principal créancier des US(a) sous la férule de l’actuel gouvernement et du président de la Banque centrale du Japon, a entrepris de tenter de sortir de la déflation en imprimant en quantités encore plus considérables que la Fed du yen. La taille des encours de la BoJ va être doublée en deux ans. (1)
La réplique du séisme semble n’avoir pas encore eu lieu.
La sous-traitance de la zone de l’Orient arabe à ses vassaux européens et israéliens, région désormais secondaire puisque la récession mondiale rend le pétrole moins attractif et que les gaz de schiste et les biocarburants donnent l’illusion d’une autonomie énergétique permet aux Us(a) de mieux se préoccuper de ses provinces asiatiques.
Hagel ne vient-il pas de préciser qu’Israël a le ‘droit’ d’agresser l’Iran sans passer par une autorisation formelle préalable de son suzerain ?
La Navy se déploie plutôt dans ces eaux.
L’archipel contesté entre Japon et Chine se nomme-t-il Sensaku ou Diayutai ?
Les menaces proférées à l’encontre de la Corée du Nord, dont l’existence est totalement tributaire de ses échanges avec la Chine obligeant l’héritier à menacer de se défendre par l’arme nucléaire indiquent l’engagement plus résolu dans cette zone.
L’analogie avec le siècle d’Isabelle, Ferdinand et Philippe II n’a qu’une pertinence relative.
L’Espagne avait subi une triple hémorragie humaine qui l’avait rendue déficitaire démographiquement. En plus des juifs condamnés à partir de 1492, 500.000 musulmans ont quitté leur patrie de 1485 à 1615, même si le décret d’expulsion officielle n’a été pris qu’en 1609, et 500.000 chrétiens ont fait le choix d’aller coloniser l’Amérique. Dépeuplement et perte de compétences avec l’émigration forcée qui est allée enrichir d’autres contrées, l’empire ottoman en particulier.
La surveillance acharnée et l’inculpation de musulmans dans le moindre dysfonctionnement ou attentat évoquent la chasse aux ‘conversos’ et autres marranes boucs émissaires de l’institution Suprême instituée en 1478, Sixte IV a donné par sa bulle Exigit sincerae devotionis la possibilité de nommer des Inquisiteurs.
Certes plus de bûchers aujourd’hui mais l’aviation et les drones déchiquettent continûment les corps, principalement en Afghanistan et au Pakistan. Entre 100.000 à 200.000 morts en Libye en quelques semaines grâce aux frappes de l’Otan et de la France pour dégommer un ancien partenaire, qui dit mieux ? Et, Boston sur le gâteau, même une manifestation sportive est gâchée par des musulmans terroristes.
Non, l’analogie est abusive.
Le monde a été colonisé dans sa globalité, ses moindres recoins non seulement explorés mais contaminés par le Système.
Allô, non mais allô, vous me recevez ?
Le seul paradis fiscal qui a détroussé les comptes bancaires des déposants a été celui où les oligarques russes faisaient transiter leurs avoirs.
Non, mais ?
Il n’y a pas donc de perspective vraie de refondation du système par ceux qui en pâtissent, les plus de 90% de la planète ?
Je ne sais pas moi, un nouvel ordre monétaire fondé sur des biens réels et pas des machins avec des tas de zéros électroniques qui se multiplient en passant virtuellement d’un endroit à un autre ?
Badia Benjelloun
22 avril 2013
(1) http://la-chronique-agora.com/yen-yuan-dollar/
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Badia Benjelloun
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