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Article lu 2304 fois

Israël -

Nous sommes sérieusement préoccupés par le destin de l'Etat d'Israel
(interview dans son intégralité)

Par

Ce texte est paru le 14 novembre 2003 dans le quotidien israélien Yedioth Ahronoth (p.B4) signés par Alex Fishman et Sima Kadmon

L'interview de 4 ex dirigeants du Shabak (service secret israélien) par le Yediot Aharonot, critiquant durement la façon dont leur gouvernement fait face au conflit israélo palestinien, a attiré l'attention du monde entier, bien que seuls des extraits de l'interview aient été cités. Cet interview est innovant pour le dire gentiment. Ces 4 Israéliens connaissent probablement le mieux la situation sur le terrain. Ayant fait partie des dirigeants des services secrets, ils ont conduit une grande partie de l'oppression à laquelle les Palestiniens ont été confrontés depuis ces 5 dernières decennies. Qu'ils s'expriment collectivement en faveur de la fin de ce cauchemar auquel ils ont contribué à créer, est incroyable. Il y avait une photo publicitaire d'eux dans les journaux israéliens locaux, il y a quelques jours, disant quelque chose comme cela : "Nous (Israéliens) nous nous dirigeons vers le cauchemar".
Vous voudrez bien lire cet article jusqu'au bout.
Surprenant!
Sam

Alors que la rencontre s'achève, nous demandons à Avraham Shalom (Bendor) s'il pense que nous sommes sur le bord d'un précipice.
'Nous sommes sur le chemin", dit il, "car toutes les mesures que nous avons prises sont des mesures qui sont contraire à une aspiration vers la paix.
Si nous ne nous détournons pas de ce chemin, celui d'adhérer à la totalité de la Terre d'Israël, et si nous ne commençons pas à comprendre l'autre camp, bon sang ! Nous n'irons nulle part. Nous devons, une fois pour toutes, admettre qu'il y a un autre camp, qu'ils ont des sentiments, qu'ils souffrent et que nous nous conduisons scandaleusement.
Oui, il n'y a pas d'autre mot pour cela. Scandaleusement".


Qu'est ce que vous voulez dire par scandaleusement, avons-nous demandé, scandaleusement aux barrages ?
"Le tout, dit-il, le tout".


Qu'est qui est scandaleux, demandons-nous, est-ce que nous nous conduisons de façon scandaleuse dans les camps de réfugiés?
"Tout, tout", dit Shalom. "Tout est scandaleux. Nous dégradons tous les individus palestiniens, tous, nous les dégradons. Et personne ne le supporte. Nous, même nous, nous ne le supporterions pas si on nous le faisait. Et eux non plus ne le supportent pas. Pourquoi doivent ils souffrir?
Et nous sommes incapables de prendre une seule petite mesure pour corriger cela. Shimon Peres a essayé une fois de prendre cette petite mesure, lui au moins en a parlé quand j'étais directeur des services secrets (GSS) et puis rien n'a été fait".


Q : De quoi avait il parlé?
"Que la musique devrait être changée", dit Shalom. "Le ton qui fait la musique. Et Peres a réellement essayé de changer l'attitude dominatrice et arrogante des juifs. Et après tout, tout ce comportement est le résultat de l'occupation. Nous sommes devenus un peuple de combattants mesquins, utilisant les mauvais outils. Et si nous ne changeons pas cela, il n'y aura plus rien ici."

Ceci fut la manière brute, directe de l'ancien directeur des services secrets ( GSS), Shalom, d'expliquer le sens de l'urgence qui l'a conduit, cette semaine, à une rencontre unique, la première de ce type, de 4 directeurs des services secrets (General Security Service /GSS) pour envoyer un message, un avertissement, une alerte, une alarme. Placer un signal d' alerte rouge en pleine tête de la société israélienne.

Ensemble ils totalisent 20 ans passés dans le GSS (les services secrets) .
Les 4 - Avraham Shalom, Yaakov Peri, Carmi Gillon, et Ami Ayalon - sous différents gouvernements et à différentes périodes, ont dirigé cette organisation qui connait mieux que n'importe quelle autre organisation les entrailles des deux sociétés, israéliennes et palestiniennes. Des eaux usées du camp de réfugiés de Khan Younis jusqu'aux bureaux des Présidents des deux sociétés.

Non seulement le message est dur. La rencontre elle-même n'était pas simple. Ce sont des gens qui ne vivent pas toujours en paix entre eux. Seule, la volonté de Carmi Gillon de participer à cette rencontre avec Yaakov Peri, après une longue période de brouille, prouve combien le sujet leur brûle les os. Ce qui finalement les a conduits à mettre de côté leurs vieilles querelles, dépasser l'embarras naturel d'être des prophètes de la catastrophe, et renoncer à la confortable passion que chacun d'eux entretient avec son occupation présente, c'était le sens profond qu'il se passe quelque chose de très mauvais ici et chacun d'entre eux l'a résumé dans son propre langage et son propre style.


"En nous vautrant dans la boue, selon moi", dit Ayalon, "nous sommes en train de prendre des mesures très sécuritaires et très circonspectes qui mèneront au point où l'Etat d'Israël ne sera plus une démocratie ou un foyer pour le peuple juif. Tout le reste est commentaire".

"Je suis entièrement d'accord avec cette façon de s'exprimer", dit Gillon.
"C'est aussi ce qui m'a amené ici. Je suis très préoccupé par notre futur. Je regarde mes filles, qui sont encore jeunes, et c'est clair pour moi que nous nous dirigeons vers une catastrophe. Et nous sommes la deuxième génération à avoir commencé ce renouveau, et j'aimerais beaucoup que les générations à venir vivent dans un Etat juif et démocratique comme le voulaient mes parents".

"Et moi", dit Yaakov Peri, "je ne prévois aucune percée faite à la suite de décisions délibérées. Je suis l'un de ceux qui croient au phénomène de cycles. Et qu'il y ait 7 ou 70 mauvaises années, il y a toujours 7 ou 70 bonnes années. Je pense qu'une grande partie des miracles dont a bénéficié le peuple juif n'a pas eu lieu parce qu'un gouvernement ou quelqu'un les a décidés et planifiés, mais parce que quelque chose d'imprévu et d'imprévisible est arrivé. Et je crois que quelque chose de la sorte arrivera dans un futur proche, parce qu'autrement, nous courons réellement à la catastrophe".

Mais je peux dire que quelque soit l'aspect abordé, que ce soit économique, politique, securitaire ou social, pour chacun d'eux, nous nous dirigeons vers le déclin, approchant la catastrophe. Et c'est pourquoi, si rien n'arrive ici, nous continuerons à vivre par l'épée, nous continuerons à nous rouler dans la boue et nous continuerons à nous détruire.


"Tenez", dit Gillon, "la raison pour laquelle nous sommes ici, c'est en raison du document d'Ami Ayalon. Et, en toute modestie, car partie prenante de celui ci, je pense que c'est la première fois, et peut-être la dernière, qu'il est possible de réunir 4 directeurs du GSS pendant 2 heures et de les faire parler sur - je ne sais pas, pour l'exprimer à minima je dirai : La préoccupation sérieuse au vu de la condition de l'Etat d'Israël. Ceci est un exposé de la situation. J'ai personnellement eu beaucoup de doutes quant à ma participation à cette rencontre. J'y ai réfléchi jusqu'à cet après-midi".


Quels étaient vos doutes ? avons-nous demandé.

"Cela n'a pas d'importance", dit Gillon, prudent.
"J'avais des doutes. Cela me paraissait un peu trop dramatique et c'est vraiment dramatique. Car, si 4 directeurs du GSS se rencontrent, qui connaissent la situation et qui vivent parmi leur entourage, et pas seulement dans celui du GSS, mais sont également impliqués dans d'autres sphères sociales - et se réunissent et veulent faire passer un message - c'est important que cela soit le message principal, et non si Arafat est l'interlocuteur approprié ou non.

"Regardez ce qu'ils nous ont fait" : Ami Ayalon est emporté, tendu, presque émotionnel. Il est venu à la rencontre avec l'objectif inavoué de promouvoir le document de principes qu'il a écrit avec Sari Nusseibeh. Il espère que le soutien de 3 autres anciens directeurs du GSS aura un effet dramatique. L'une de ses réussites au cours de cette rencontre, c'est d'avoir obtenu de ses collègues qu'ils veuillent bien signer le document. La satisfaction d' Ayalon là dessus est touchante. Vrai, la campagne de signatures parmi le public israélien et palestinien continue, mais le nombre de signataires est encore loin de constituer un moyen public de pression sur l'establishment politique.

"Vous savez quel est le paradoxe?" demande-t-il. "Je vais à maints endroits toute la journée. Je rencontre des milliers de personnes, dans le quartier de Katamon, à Sderot, à Kiryat Shmona, partout dans le pays. Il n'y a pas de discussion sur notre document. La discussion se fait à propos de nos droits et de nos obligations de citoyens. Pouvons nous avoir un impact ? Est-ce bien pour nous d'avoir un impact, est-ce que notre appel, notre cri, notre signature, aura un effet ? La discussion porte sur la démocratie dans la société israélienne au début du 21ème siècle".

"Et ce que vous voyez", dit Peri, "c'est l'apathie, la répression, un manque de volonté de refléchir en profondeur. Regardez ce qui s'est passé ces trois dernières années; il n'y a pas de manifestations, pas de rallyes, presque pas de protestations. Ceux qui prennent la peine de s'opposer avec force au gouvernement d'Israël et à ses dirigeants, mettent un encart à leurs frais dans le journal. Il n'y a presque rien d'organisé. Regardez ce qu'ils ont réussi à nous faire".

"Et je pense", dit Peri, "que cet interview, cette rencontre historique peut atteindre son but si nous l'utilisons pour envoyer un appel au public israélien. il y a une résistance naturelle, de la part de l'administration en exercice, à toute initiative dont elle n'est pas à l'origine elle-même. Mais je pense qu'un gouvernement qui se respecte doit enfin tenir un débat sur une telle initiative. Mais ce que nous avons ici est un mépris total. C'est vrai à la fois pour le document d'Ayalon-Nusseibeh et de l'Accord de Genève.

Je pense que c'est une erreur, parce qu'il y a un désir de la part du public, il y a un nouveau sentiment d'ouverture. A mon avis, le document d' Ayalon-Nusseibeh établit un équilibre, d'une manière plus que raisonnable, entre ce que j'appelle "les aspirations nationales et identitaires d'Israël comme Etat juif démocratique", et les aspirations nationales du peuple palestinien. Son inconvénient c'est que sa mise en application dépend d'une société anarchiste, et qui sait combien d'années cela prendra pour qu'elle s'en remette ? Mais venir et dire que ce document de principes ne peut pas être appliqué à cause de l'état de la société palestinienne, serait une erreur".


"Actuellement", dit Carmi Gillon, "le seul agenda politique officiellement sur la table, c'est la feuille de route. Le problème, c'est que tous les plans de ces dix dernières années étaient des plans par étapes. Les étapes ont été créées pour construire la confiance entre les deux camps. Et pendant ces dix années, cela a échoué, cela n'a pas marché. Et, c'est pourquoi je pense que les changements apportés par Ayalon et Nusseibeh ainsi que par Yossi Beilin, c'est qu'ils viennent et disent : Ok, cette façon de procéder à échoué. Nous l'avons essayée pendant dix ans, et aucune confiance n'a été construite. Maintenant, au lieu de construire cette confiance, construisons des accords. C'est une manière différente d'essayer de maîtriser le conflit. Au lieu d'essayer de construire la confiance, puis des accords, faire ainsi reculer le processus en commençant à s'occuper des étapes pour aller vers un accord, nous passons des accords maintenant".

"Pour l'instant", dit Gillon, "notre souci c'est de prévenir la terreur. Pourquoi? parce que c'est la condition pour faire des progrès politiques. Et c'est une erreur".


Nous avons rappelé à Shalom que Sharon avait accepté la feuille de route.

"Oui", dit Gillon en répondant à la place de Shalom, "mais il a mis une condition à la feuille de route, qui a fait du problème de la terreur la centre et la finalité de celle-ci.Vous ne pouvez pas regarder la feuille de route de derrière la terreur".

"La seule personne du Likoud qui a été honnête sur le sujet", dit Shalom, "c'est Ytzak Shamir. Il a dit : "j'écarterai le sujet pendant dix ans, et puis de nouveau pendant dix ans"".

"Une chose est claire", dit Gillon, "c'est que, sans accord, nous amorçons le compte à rebours. Et il n'y a qu'une seule chose qui m'intéresse : comme avoir un Etat juif démocratique ici en terre d'Israël. Et après des années passées à croire que nous devions procéder par étapes, et après avoir payé la totalité du prix en restitution territoriale avec l'Egypte et la Jordanie, et, d'un point de vue stratégique et sécuritaire cela nous a été bénéfique, alors je pense que si nous ne trouvons pas une solution à cette situation actuelle, et si nous continuons le conflit avec les Palestiniens, ce pays ira de mal en pis".

"La question", dit Ayalon, "c'est : Qu'est ce que nous voulons ? Après tout, pendant des années, nos dirigeants ne savaient pas quoi faire avec la zone de sécurité au Sud Liban. Et à la fin, nous en sommes partis pour une raison simple : Parce que le public a dit : "Messieurs, nous quittons le Liban, et arrêtez de nous rendre fous"."

"C'est pourquoi", dit Ayalon, "je soutiens que dans les années à venir, nous comprendrons de plus en plus la nécessité - non pas le désir mais la nécessité - d'organiser et de créer des coalitions à l'extérieur".


Qu'est que vous voulez dire, demandons-nous, des mouvements populaires comme celui des 4 mères?

"Cette infusion, concoctée par les 4 mères", dit Ayalon, "c'est une potion magique. Nous ne savons pas comment exactement la refaire. Je connais quelques unes des fondatrices du mouvement, et je ne sais pas si elles ont planifié ce qu'elles ont fait en détail. Si vous demandez, est-ce que c'est le processus de créer un mouvement public avec un but précis de ce qu'il veut accomplir, avec les détails laissés à l'échelon politique pour ce faire qu'il faut, alors je dis oui. Je pense que c'est là le processus correct".

"Ce n'est pas ce qui est arrivé avec les 4 mères", dit Gillon. "Je veux vous rappeler que nous avons quitter Beirut, nous avons quitter le Liban, avant d'avoir quitter la zone de sécurité. Il y a eu un bouleversement politique en Israël, qui prônait le retrait du Liban, et puis Rabin est arrivé avec le plan de retrait".

"C'est, précisement, là où le GSS a eu beaucoup d'influence", dit Shalom. "Nous avons été les premiers à dire que nous devions partir de là en 1982. Nous avons dit que cela était un trop gros morceau pour nous, mais l'armée ne voulait pas en entendre parler".


Mais la possibilité d'une guerre civile, demandons-nous, cela ne vous effraie-t-il pas?

"Beaucoup", dit Shalom.

Et Gillon dit : "mais c'est l'idée, et il n'y a rien d'autre à part le conflit".



Le fondateur - et le démolisseur.

C'est intéressant de noter que le mot "conflit" ait été utilisé au cours de cette rencontre dans un seul contexte : le conflit avec les colons. Nous avons demandé à Ami Ayalon, car l'une des parties de son plan se réfère à l'évacuation de toutes les colonies, comment il envisageait de le faire.


Décrivez nous, avons-nous demandé, comment évacuer Elon Moreh ?

"Je veux commencer par dire", explique Ayalon, "que là aussi je commence avec l'échelon politique. Après tout, nous avons erré dans le discours public et dans le lexique que nous avons créé ces 10 et 30 dernières années. Si nous allons vers les colons et nous leur disons : 'Vous avez été les pionniers de l'Etat d'Israël ces 30 dernières années, c'est grâce à vous que nous avons été capables d'accéder à une situation rendant possible un accord avec le monde arabe, mais vous êtes aussi ceux qui allez payer le prix de cet accord douloureux et c'est pourquoi, nous, la société israélienne, devons-nous assurer que vous aurez des maisons, des emplois, que nous vous ramenons à la maison". Si c'était le langage tenu dans le discours public, nous pourrions, à mon avis, neutraliser entre 75 et 85% des colonies. Je pense qu'une telle situation a presque été créée alors que s'offrait une rare opportunité pendant l'été 2000, quand le niveau de résistance prévue pour le démantèlement des colonies était extrèmement marginal, parce qu'enfin de compte ces pionniers ont compris que le public voulait autre chose".


Vous croyez vraiment, lui avons-nous demandé, que la façon dont est tenu le discours public changera les positions de ce vaste groupe d'extrémistes fanatiques, qui jusqu'à ce jour dicte l'agenda national.

"Vous ne comprenez pas. Le problème c'est 15% ou même 10% de colons", dit il, "et nous devons être capables de nous confronter à ce nombre".


Nous nous sommes demandés comment Ayalon pensait qu'il était possible de faire face à 10-15% des habitants des colonies, alors que nous ne sommes même pas capables d'évacuer un seul des avant-postes illégaux. Après tout, après chaque évacuation une autre colonie est immédiatement établie.

Et Yaakov Peri dit: "Je pense qu'Ami dit des choses intelligentes, mais dépassées. J'affirme qu'aujourd'hui, 85 à 90% des colons se lèveraient et rentreraient à la maison avec un plan économique simple. Il n'y a pas de problème avec eux. Il y a 10% peut-être 12% appartenant à ce noyau idéologique que nous devrons affronter. Et je pense qu'Arik Sharon est peut-être la seule personne qui peut le faire. Comme fondateur des colonies, il peut aussi être celui qui les démantèle".

"Le problème", continue Peri, "c'est qu'à aujourd'hui aucun dirigeant, ne s'est jamais levé dans l'Etat d'Israël, et a tapé du poing sur la table en disant : "Nous rentrons à la maison, parce que c'est ce qui implique un accord". Sharon a souvent parlé du fait que nous serions amenés à faire des concessions douloureuses, et il n'y a pas de compromis douloureux, sauf d'évacuer les colonies. Je suis sûr que Sharon comprend cela et que c'est difficile pour lui, idéologiquement, moralement, socialement, mais la personne qui a été capable d'arriver à un accord tel que celui concernant un échange de prisonniers et qui pourrait être aussi déterminée, peut aussi faire passer d'autres choses telles que l'évacuation des colonies".

Si Peri est celui qui est sobre, Gillon prudent et réservé, ami Ayalon le rêveur - alors Avraham Shalom, l'homme qui a donné sa démission comme directeur du GSS au moment de l'affaire du bus 300, est la version cynique du petit garçon de la fable de l'empereur nu.

"Je ne pense pas que ces 10% que Peri mentionne soient si courageux", dit-il. "Je ne pense vraiment pas qu'ils le soient. Il n'y a pas longtemps, au cours d'une réunion interne, j'ai entendu que ces "jeunes des sommets des collines" étaient comme le Hamas, j'ai parlé avec certains d'entre-eux. Ils m'ont dit qu'il étaient 100 activistes, plus 400 qui les suivent et 1000 supporters. Disons que ces chiffres sont corrects. Aussi, j'ai dit aux participants de la réunion : "S'ils étaient arabes, sauriez-vous comment résoudre le problème ?" Oui, ont-ils répondu. Donc j'ai dit : "solutionnons le problème comme si c'était des arabes. Prenez 15 d'entre eux, mettez-les en détention administrative et constatez comment tous les autres ne font rien". Et j'ai dit autre chose. J'ai dit : "Vous dites qu'ils sont comme le Hamas? Ils prendraient le risque d'être tués?" et la réponse fut un NON explicite. C'est pourquoi je suis plus optimiste sur ce sujet. Quand nous les laisserons là-bas tout seuls, ils viendront, et bien sûr qu'ils viendront".


Un silence s'est installé dans la pièce, et seul Peri a ajouté : "Je voudrais, comment dirais-je , adoucir ceci, sans la permission d'Avrum".

Mais Avrum Shalom dit : "Je n'ai pas dit que nous devrions avoir une guerre civile".

"Je pense", dit Peri, "que nous pouvons prévoir une confrontation, et cela pourrait être une confrontation douloureuse, et si je peux l'éviter, bien sûr que je le ferais. Mais je ne pense pas qu'il y ait un moyen de l'éviter. Il y aura toujours quelques groupes, ou quelques individus, pour qui la Terre d'Israël se niche entre les collines de Naplouse et dans Hebron, et nous devrons nous confronter à eux".

"Si quelqu'un peut me montrer une voie différente", dit Peri, "je suis prêt à l'accepter. Mais s'il y a vraiment, et je l'espère dans un futur proche, s'il y a une paix avec les Palestiniens, alors je ne vois pas comment l'Etat d' Israël peut être responsable de la sécurité de ses citoyens vivant à Hebron. Je ne sais pas comment l'assurer, et je ne connais personne d'autre qui le sache. Et c'est un vrai problème. Et je ne mets pas en lumière le fait qu'Hébron est la ville des Patriarches, mais elle doit être rendue aux Palestiniens, et ceux (les colons) qui habitent actuellement là-bas devront partir, tôt ou tard".

"Tous autant que nous sommes ici", dit Ayalon, "nous parlons de quelque chose qui est un consensus, qui ne se limite pas à ceux qui sont dans cette pièce, mais est partagé par toute la société israélienne: Nous voulons un pays qui soit une démocratie et un foyer pour le peuple juif. Et c'est pourquoi je déclarerai clairement : dans la vie de chaque pays ou nation, il y a plus d'une Altalena. La direction politique de l'Etat d'Israël a pris des décisions difficiles par le passé, quand les choix étaient clairs, et la direction politique future aura à prendre des décisions difficiles quand le choix sera clair".



Très honnêtement, il y a quelque chose de surprenant, d'inattendu, à écouter ces gens du GSS, qui, un jour sont responsables des assassinats ciblés et autres assassinats, des bouclages et des barrages routiers, et qui, le lendemain, quand ils sont déchargés de leurs fonctions, présentent un point de vue qui est très loin de cette politique, un point de vue qu'il est facile d'appeler gauchiste.
Intéressant de noter, qu'ils rejettent fermement cette appellation de gauchistes, et qu'ils en sont presque offensés
.

Mais Peri dit : "Ce phénomène sociologique devrait être étudié un jour. Pourquoi est-ce que des directeurs du GSS, des chefs d'Etat-Major, du personnel de sécurité, après une longue période de service dans des organisations chargées du maintien de la sécurité, deviennent-ils des partisans de la réconciliation avec les Palestiniens ? Pourquoi ? Parce qu'ils en viennent. Nous connaissons les documents, les gens, le terrain, et assez surprenant, les deux camps. Et une fois que vous venez de là, vous connaissez les pistes, vous pouvez les décrire et établir un diagnostic".


Voulez-vous dire par là, avons-nous demandé, que l'actuel directeur du GSS, Avi Dichter, avec ses positions de resserrement des bouclages et de l'augmentation des barrages routiers, pourrait être déchargé demain du GSS et présenter des positions identiques aux vôtres ?

"Certainement", ont-ils dit, "sans aucun doute".

"J'ai travaillé avec trois Ministres", dit Shalom, "et j'ai eu une influence différente sur chacun d'eux, sans le vouloir. Les mêmes mots que j'ai dit, ont trouvé écho sur des murs différents : un vert, un bleu, un jaune. C'est ainsi. Et je dois l'admettre : chaque fois, j'ai été, en ricochet, éclaboussé par la peinture. Mais l'effet était important. Vous devez vous souvenir qu'en tant que directeur du GSS, vous devez être neutre. Vous n'avez pas d'influence politique, et cela ne devrait pas vous interesser d'ailleurs. Si vous ne pouvez pas servir sous un certain gouvernement, démissionnez. Mais, si vous pouvez vivre avec les directives de la guerre contre la terreur, alors vous le faites au mieux de vos capacités, avec tous les moyens à votre disposition. Et les déclarations que vous faites aux Premiers Ministres constituent une influence, en l'absence de quelqu'un d'autre pour le faire.
Le GSS a un effet critique, parce qu'il est le seul qui soit familier avec les documents. Il n'y a personne d'autre. C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec les définitions concernant Dichter : Qu'est qu'il lui est arrivé. Rien ne lui est arrivé. L'Etat d'Israël, c'est ce qui lui est arrivé, c'est ce qui le motive".


Excusez nous, avons-nous demandé, mais il y a toujours un débat ici avec le Chef d'Etat-Major, qui a argumenté en disant que les blocages, les bouclages et le traitement de la population palestinienne créent un problème d'extension des cercles de la violence.

"La stratégie, aujourd'hui", dit Gillon, "c'est comment prévenir la prochaine attaque terroriste. Un point c'est tout. Et c'est le travail de Dichter de venir et de dire quels sont les meilleurs moyens de la prévenir. C'est vrai aussi que ce que dit le Chef d'Etat-Major est justifié en cela, que c'est mieux de penser de façon plus élargie et de se demander comment prévenir les attaques à venir, et non pas seulement la prochaine. Mais je pense que le problème, pour l'instant, c'est que l'agenda politique est devenu uniquement un agenda sécuritaire".

"Un agenda tactique et opérationnel" corrige Shalom.

"Oui", dit Gillon, "et il ne s'occupe que de la question de prévenir la prochaine attaque terroriste, et non pas de la question de savoir comment il nous est vraiment possible de nous sortir du pétrin dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui".

"Le fossé existant est à l'échelon politique", dit Ayalon, "et il se trouve dans le fait qu'il n'y ait pas de contre-poids à cette pensée opérationnelle. Nous avons construit une stratégie de prévention immédiate. Je veux donner un exemple qui peut vous surprendre.
Quand Bibi Netanyahou est revenu de Wye Plantation, la position du GSS était contre le retrait du territoire, parce qu'il nous est apparu comme un retrait avec l'intention d'y retourner. Ce n'était pas un vrai processus, au moins selon la compréhension que j'en avais, qu'en avait le cabinet de sécurité, et l'Autorité Palestinienne à l'époque. Et il y avait vraiment des situations, quand moi, avec mes opinions telles que vous les connaissez, quand j'étais en poste - j'ai pensé que ce n'était pas approprié de se retirer des Territoires".

"Et j'ai un autre exemple", dit Gillon. "Le retrait des sept villes de Cisjordanie . Le retrait était programmé selon un calendrier fixé à l'avance, et moi, en tant que directeur du GSS à l'époque, j'ai pensé que ce n'était pas approprié, et que les conditions devraient être posées et remplies à l'avance, et seulement à ce moment là, nous pourrions nous retirer de la prochaine ville. Finalement, l'échelon politique, c'est à dire le défunt Yitzhak Rabin, s'est assis et a pris sa décision".

"Le problème", dit Peri, "ce ne sont pas les différences d'opinion entre l'armée et le GSS, et pas non plus si quelqu'un change d'opinion. Le problème, c'est que quand il n'y a pas de direction politique, ceux qui détiennent des postes clés comme celui de Chef d'Etat-Major ou directeur du GSS, ils peuvent - et je ne dis pas que c'est ce qui arrive -, s'égarer, ou devenir confus ou vague. Si l'Etat d'Israël , le gouvernement d'Israël, le comité restreint, le cabinet de sécurité, devaient s'avancer et dire : "C'est là où l'Etat d'Israël a l'intention de se diriger dans les années à venir, c'est là où nous voulons aller", ce serait une autre histoire.
Mais, quand il n'y a pas de direction politique, quelqu'un détenant un poste clé est obligé finalement de s'en tenir strictement à l'espace de sa structure, là où il ne partage pas la responsabilité, puisque le rôle du GSS c'est de déjouer la terreur un point c'est tout. Et c'est le rôle de l'armée d'assurer la sécurité de l'Etat d'Israël à l'intérieur et à l'extérieur, un point c'est tout. Et, cet espace, dans la réalité d'aujourd'hui, est très étroit. Il n'est pas stratégique. Il reste du niveau tactique.
Et je dois vous dire, que nous devrions tirer notre chapeau à la Sécurité, qui réussit à faire ce qu'elle fait, dans ce contexte limité".


"Dans ce contexte", dit Gillon, "souvenez vous que pendant les gouvernements de Rabin et Peres, il y avait une politique claire : que nous devions combattre la terreur comme s'il n'y avait pas de processus de paix, et continuer le processus de paix comme s'il n'y avait pas de terreur. C'est exactement la direction qui devrait être donnée au GSS".


Quand vous parlez d'une direction politique, demandons-nous, est-ce que le gouvernement de Barak a fourni une telle direction?

"Le gouvernement de Barak, selon moi", dit Peri, "n'a envoyé aucun signal en matière de direction politique. Est ce que quelqu'un peut me dire ici, dans quelle direction allait Barak, à part la déclaration bien connue, faite dans la dernière heure du sommet de Camp David?"

"Oui", dit Shalom dans un grand éclat de rire, "il n'y avait personne à qui parler".

"Je pense", dit Peri, "que tous les gouvernements israéliens après Rabin, ces sept dernières années, n'ont envoyé aucun signal et n'ont pas révélé, ni au public israélien, ni aux forces de sécurité, le but qu'ils voulaient atteindre. Et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes réunis aujourd'hui, apres que des initiatives extra-parlementaires aient été prises, résultats de relations personnelles, ou résultats d'une familiarité avec les documents et ces initiatives se sont engouffrées dans le vide créé par la défaillance des politiques".

A propos des attitudes erronnées à l'égard d'Abu Mazen, Yaakov Peri dit que "l'une des grandes erreurs de la direction politique d'aujourd'hui, c'est le fait que la majeure partie du débat tourne autour de la question de savoir si nous avons ou non un partenaire. Et je pense que c'est effectivement une erreur. Dans cette situation terrible, où des civils sont assassinés dans des restaurants et des bus, à mon avis, il n'y a pas d'autre solution que de prendre des décisions unilatérales.
Et je crois que si l'Etat d'Israël se levait demain matin - ou s'il s'était levé il y a trois ans en ce qui me concerne - et quittait la Bande de Gaza et Gush Katif, et commençait vraiment et effectivement à démanteler les avant-postes, alors je serais enclin à penser, en me basant sur une connaissance de longue date de nos futurs partenaires de dialogue, que les Palestiniens viendraient à la table des négociations".

Nous avons demandé à Shalom s'il était d'accord avec Peri.
"Oui", dit il, à 100%". Gillon et Ayalon étaient aussi d'accord avec lui.


De ce fait, c'est une erreur de premier ordre, que ce que nous entendons aux informations et dans la presse se résume à savoir si Arafat est l'interlocuteur approprié ou non, si nous devons l'expulser ou non, ou si nous avons ou pas un partenaire. Et J'accepte le fait que l'Etat d'Israël a erré sur bien des sujets concernant l'attitude à l'égard du cabinet d'Abu Mazen.

Q : Est-ce que c'était aussi une erreur de détruire les services de sécurité de l'Autorité Palestinienne pendant ces trois dernières années de combat?

"Oui", dit Peri. "Et je pense que ce que nous avons fait avec Jibril Rajoub était une erreur".

"Oui", dit Shalom, "un dommage grave. Et la préoccupation concernant Arafat est aussi un anachronisme parce que nous ne déterminons pas ce qui est approprié et ce qui ne l'est pas. Pour Arafat, Je crois que cela a été la source de toutes les erreurs. De même qu'il ne nous est pas dicté si Bibi sera après Sharon ou Sharon après Bibi, de la même façon, nous ne pouvons pas déterminer qui aura la plus grande influence de l'autre côté. Aussi, étudions la carte politique palestinienne, et c'est un fait que rien ne peut se passer sans Arafat".


Ce que vous dites, avons-nous répondu, c'est que cela ne vous dérange pas d'avoir Arafat comme partenaire.

"Rien ne me dérange en politique, si je peux en tirer quelque chose. Avec ou sans Arafat, un beau jour il ne sera plus, et quelqu'un d'autre le remplacera. Mais en attendant, les Palestiniens vivent dans des conditions qui se détériorent inéluctablement".


"Je pense qu'Arafat est un grand obstacle", dit Gillon. "Depuis ces dix dernières années, nous avons essayé toutes sortes de gouvernements. Nous avons eu des gouvernements bellicistes, nous avons eu des gouvernements à tendance pacifiste et nous avons fait des compromis. Du côté palestinien, le même Arafat est resté en place. Et sans vouloir attribuer des notes au camp israélien, il ne fait aucun doute qu'Arafat mérite une mauvaise note. Je ne crois pas en Arafat, mais je crois dans le document de principes. Parce qu'il est bon pour les juifs. Il est bon pour l'Etat juif et démocratique. C'est bon pour Israël, point à la ligne. Et je veux que ce soit nous qui déterminions notre agenda et pas Arafat. Et quand nous disons qu'Arafat est un obstacle à la paix, c'est précisement comme lorsque l'on place la terreur avant tout autre chose. Pourquoi ne pourrions nous pas venir et dire : "attendez une minute, ceci est ce qu'il y a de mieux pour conserver cet Etat pour nos enfants. C'est ce qui nous assurera la paix et la sécurité". Le principal maintenant, c'est de convaincre et de créer une opinion publique qui viendra dire : "C'est ce que nous voulons. Nous voulons nous retirer des territoires. Nous sommes prêt à un compromis sur Jerusalem, nous sommes prêts à faire tout cela, parce que c'est ce qu'il y a de mieux pour notre sécurité"."

"Et je pense", dit Peri, "que l'Etat d'Israël a commis toutes les erreurs possibles en ce qui concerne Arafat, y compris la dernière décision de l'expulser, ce qui a eu pour effet de le remettre sur la scène, alors qu'il avait sombré dans l'abîme. Et ils ont essayé de nous vendre cela, en implicant qu'il y avait derrière cela une sorte de ruse, de manoeuvre, et que, nous, mortels, ne pouvions pas comprendre ce qu'il y avait derrière. et ce qu'il y avait derrière, c'était une décision peu judicieuse du gouvernement israélien.
Je pense qu'Arafat interfère, et par conséquent nous avons deux voies. La voie extra parlementaire, raison pour laquelle nous nous sommes réunis ici, et la voie unilatérale.
Arrêter maintenant de parler d'un partenaire, et faire ce qui est bon pour nous.
Et ce qui est bon pour nous, c'est de nous protéger de la manière la plus efficace. De ne pas devoir gaspiller trop de troupes à Gaza. De gaspiller moins de troupes pour garder les sommets des collines, les colonies, 3 chèvres et 8 cowboys. Et au bout du compte, nous construirons une clôture. Sa route peut être discutée, et c'est là une autre histoire. Mais nous construirons une clôture. Une clôture est nécessaire, au moins pour démarquer notre capacité à nous défendre nous-mêmes".

"Les lignes rouges sont en fait les frontières de l'Etat historique d'Israël", dit Gillon. "Nous sommes retournés sur la Ligne Verte dans notre accord avec l'Egypte. En Jordanie. Au Liban. Les compromis faits par les gouvernements de Rabin et Natanyahu, étaient aussi sur la Ligne Verte. Par conséquent, c'est clair pour moi que, nos frontières en Judée et en Samarie, et certainement dans la Bande de Gaza, courent le long de la Ligne Verte. La clôture de séparation devient inappropriée. C'est une clôture qui n'en n'est pas une, qui suit des frontières qui n'en sont pas".

"Je suis également troublé par la clôture", dit Shalom. "Une clôture réussit à deux conditions : que personne ne la franchisse dans les deux directions, et que la discipline de ceux qui la gardent soit du niveau de celle des allemands. Et cela n'arrivera pas. La clôture d'aujourd'hui créé une réalité politique et sécuritaire qui va devenir un problème. Pourquoi? Parce qu'elle créé de la haine, elle exproprie des terres et annexe des centaines de milliers de Palestiniens à l'Etat d'Israël. C'est contraire à nos intérêts, suivant lesquels nous voyons l'Etat d'Israël comme foyer du peuple juif".

"Le résultat", dit Shalom, "c'est que la clôture réalise le contraire de ce qui était prévu. Au lieu de créer une réalité de séparation, et maintenir la porte ouverte pour "deux Etats pour deux peuples" une situation a été créée lù où cette porte ouverte est en train de se refermer progressivement. Les Palestiniens argumentent ainsi : vous vouliez deux états, et au lieu de cela vous êtes en train de nous enfermer dans une réalité du type de celle de l'Afrique du sud. Par conséquent, plus nous soutenons la clôture, et plus ils perdent leur rêve et leur espoir d'avoir un Etat palestinien indépendant".


Honneur perdu.

Shalom a dit plus tard que, "tant que nous ne comprenons pas que nous sommes venus dans le monde arabe au Moyen Orient, plutôt que ce soient les arabes qui sont venus dans le monde juif, tant que nous ne comprenons pas vraiment cela, rien n'arrivera ici. Parce que notre éducation est tout aussi défaillante que celle des Palestiniens qui disent qu'il n'y a pas d'Etat d'Israël, que nous devrions être jetés à la mer. Notre attitude sur le problème de l'honneur arabe est catastrophique, dit-il. Je n'ai pas de mot assez dur pour le dire. Mais c'est aussi ,dû au fait que nous nous conduisons aussi de cette façon entre nous, et si nous n'avons pas réussi à être sympas entre nous, comment peut-on demander à ce que nous le soyons envers les arabes?
Et je veut dire qu'ils devraient arrêter de malmener la population arabe; le fait de ne pas les autoriser à sortir par cette porte mais seulement par celle-là, et celui-ci avec sa voiture, et celui-là sans sa voiture..."

"Et ce n'est pas le rôle du GSS", dit Peri, "cette politique. Il y a un Premier Ministre, il y a un Ministre de la Défense. Imaginez si demain, Avi Dichter (l'actuel directeur du GSS ndlt) venait et disait qu'il faut larguer une bombe atomique sur Gaza. Alors, parce que c'est une recommandation émanant de l'échelon le plus crucial, cela devrait être fait ? Il y a une direction dans l'Etat d'Israël. Excusez-moi, il devrait y en avoir une".


D'accord , avons-nous repris, mettons de côté les problèmes de bouclages et de routes de contournement. Les mesure connues sous le nom d'assassinats ciblés n'ont pas non plus été inventées aujourd'hui.

"Excusez-moi", dit Ayalon, "autrefois c'était une considération opérationnelle. Ce n'était pas devenu une stratégie politique. Aujourd'hui, ce n'est pas le GSS qui pratique les assassinats ciblés. C'est l'Etat d'Israël qui le fait suivant une politique qu'il a adopté".

"Et, j'ai dit", a ajouté Shalom, "que ce soit devenu une excuse. Et c'est quelque chose qui ne peut pas être expliqué à quelqu'un qui ne comprend pas ce que c'est que de contrer la terreur. Parce que la terreur n'est pas contrée avec des bombes et des hélicoptères, mais plutôt en silence. Et le moins on en parle, le mieux c'est. Croyez-moi, si nous étions plus silencieux, il y aurait moins d'attaques terroristes."

"Autrefois, contrer la terreur était une opération chirurgicale", dit Gillon. "Aujourd'hui, c'est un HMO. L'affaire a été est dévalorisée".

"Et pourquoi cela augmente-t-il la terreur", dit Shalom, "parce que c'est fait ouvertement, parce que cela porte en soi un élément de vengeance".

"Contrer la terreur en elle-même", dit Ayalon, "ne peut être une politique du gouvernement. C'est la politique du GSS. Ainsi, contrer la terreur sera plus effective, et le niveau de sécurité sera plus élevé, si parallèlement à cela il y a un processus politique, une vision politique et de confiance. Et ce que je dis, en fait, concerne le camp palestinien. Car en fin de compte, ils auront un Etat palestinien".


Prendre avantage du vent.


La morosité qui a prévalu lors de cette rencontre ne saurait être trop soulignée. Il semblerait que les 4 directeurs du GSS aient décidé de parler parce qu'ils croient que ce qu'ils disent peut mener à un tournant. Ou bien, peut-être ont-ils pensé que le simple fait de tenir cette réunion dramatique, c'est ce qui ferait sa force. Que cela pourrait secouer les vieilles conceptions et sortir le public de son apathie et de son désespoir.

Peri a été le premier à discerner l'atmosphère de découragement susceptible de planer au dessus de leurs remarques.

"Il y a 4 directeurs du GSS assis ici", dit-il, "et cela peut être perçu comme si nous écrivions un requiem pour le pays. Et ce n'est pas cela. Nous sommes venus après avoir effectué un service politique long et épuisant, comme volontaires et participants, parce que nous sommes inquiets et parce que nous sommes peinés. Contrairement à Avrum, je ne pense pas que je puisse appeler ce qui se passe dans les territoires "scandaleux". Je pense que beaucoup de choses doivent être corrigées. Je pense que notre conduite massive et non spécifique, ce qui a été auparavant défini comme "un HMO au lieu d'un acte chirurgical" c'est là que le bas blesse. C'est la totale. Et vous ne pouvez transmettre au soldat au barrage ou à la femme soldat qui fouille les femmes arabes au barrage, l'esprit précis du commandant. Parfois la peur, le manque d'expérience, le manque d'intelligence ou simplement un commandant foireux, dictent les évènements. Jusqu'à aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi un tank qui roule dans les rues de Ramallah doit aussi écraser les voitures garées sur le bas côté de la route".

"Et il m'apparaît", dit Peri, "qu'un appel doit sortir de cette pièce, qui dit que, quand il y a des initiatives sincères par lesquelles on essaie de trouver une solution à la situation, elles doivent être prises en considération et également par le public. Et j'appelle les dirigeants à le faire comme on gère des affaires".

"Et", dit Ayalon,"je veux évoquer la chose la plus terrible qui nous soit arrivée. Et je ne me réfère pas à tout ce qui a été dit ici, que je ne déprécie pas, et qui, je pense est terrible. Je pense qu'une grande partie de ce que nous faisons actuellement en Judée et Samarie et à Gaza est immoral, certains actes sont tout particulèrement immoraux. Et je pense qu'à la longue, cela pose un grand point d'interrogation à la question de savoir où nous serons d'ici 20-30 ans".

"Mais, je pense que ce qui nous est arrivé, et je pense que c'est encore pire que le fait de passer du service de chirurgie à la salle d'attente du HMO, c'est l'absence d'espoir. Et je parle de cela pour les deux camps. Presque tout ce que nous leur faisons, et ce qu'ils nous font, si cela pouvait être placé dans un contexte temporel et dire que ce n'est qu'une étape vers quelque chose de meilleur, pourrait être acceptable. Le problème c'est qu' aujourd'hui, ni nous, ni eux, n'entrevoit de futur meilleur, et cela est la conséquence de ce que nous faisons actuellement. Et c'est la chose la plus terrible. Et, pour cette raison, à mon avis, il est impératif de commencer à susciter de l'espoir. Parce que si le capitaine ne décide pas où il veut aller, il n'y a aucun vent au monde qui ne peut l'y emmener".

"Oui, les gars", dit Ayalon, "c'est juste. La mer est toujours houleuse. Et vous ne pouvez pas prendre avantage du vent si vous ne savez pas où vous voulez qu'il vous emmène".



Les participants

Avraham Shalom (Bendor) : Shalom a été directeur du GSS de décembre 1980 à septembre 1986. A sa demande, il a démissionné en septembre 1986 suite à la commission d'enquête instaurée pour s'occuper de l'affaire du bus n°300. Avraham Shalom est l'un des membres du groupe des responsables de haut niveau du GSS qui a été gracié par le président. Apres avoir démissionné, il est devenu homme d'affaires, principalement à l'étranger. Entre autres choses, il a servi de consultant pour des compagnies internationales.

Yaakov Peri : Il a servi comme directeur du GSS du 1er avril 1988 jusqu'au 1er mars 1995. Il était directeur du GSS pendant la première intifada. Aujourd'hui, il est président de la banque Hamizrahi, et président de la compagnie Lipman. Précedemment, il a été président de Cellcom et conseiller du Premier Ministre pour les POWs et MIAs (prisonniers de guerre et portés disparus ndlt).

Carmi Gillon : Il a servi comme directeur du GSS du 1er mars 1995 au 18 février 1996. il a demandé à être relever de ses fonctions après l'assassinat d'Ytzhak Rabin. il a été recemment élu maire de Mevasseret Tziyon. Avant cela il a servi comme Ambassadeur au Danemark.

Général en chef (réserviste) Ami Ayalon : Il a été le premier directeur du GSS venant de l'extérieur du GSS. Il a servi comme directeur du GSS du 18 février 1996 au 14 mai 2000. Dans le passé il a commandé la Marine. Aujourd'hui, il est président de la Compagnie de systèmes d'irrigation Netafim et dirige "le consensus national pour signer la fin du conflit" initiative qu'il a menée avec le professeur Sari Nusseibeh.


Sources : Gush Shalom.

texte accessible en hébreu
www.gush-shalom.org/hebrew

texte accessible en anglais
www.gush-shalom.org/english/index.html

Source : www.gush-shalom.org

Traduction : MDB

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