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Gaza - 23 juillet 2011
Par Yasmeen El Khoudary
Yasmeen El Khoudary est écrivain indépendant et chercheur, à Gaza-ville, Palestine. Elle tient un blog, "A voice from Gaza, Palestine" et on peut la suivre sur Facebook et Twitter.
J'ai participé récemment à une rencontre avec une diplomate étrangère qui voulait que nous lui parlions des problèmes rencontrés par les jeunes à Gaza et entendre nos suggestions sur la manière dont la communauté internationale pouvait nous prêter main forte. Nous étions un groupe de sept jeunes de professions et de milieux différents. L'heure et demie de discussion a abordé les thèmes tels que les problèmes résultant de la division Fatah-Hamas et le manque d'installations sportives à Gaza. Vers la fin de la discussion, une jeune femme particulièrement silencieuse a décidé de s'exprimer. "En tant que jeune femme à Gaza, j'ai un réel problème." Attendant impatiemment sa contribution, je pensais qu'elle allait par exemple dire qu'en dépit du nombre important d'inscriptions à l'université et des taux de succès, les jeunes femmes à Gaza avaient très peu de chance de trouver un emploi. "Je ne suis pas pour le hijab (le foulard) mais je ne peux pas l'enlever."
Le sort des membres de leurs familles dans les prisons israéliennes à plus d'importance pour les femmes de Gaza que le "droit" à faire de la moto
Tandis que le reste du groupe maintenant embarrassé cherchait une manière rapide de surmonter la gêne provoquée par ce commentaire, un coup d’œil au visage de la diplomate montrait qu'elle venait d'avoir une révélation. Elle a suggéré que la communauté internationale, qu'elle représente, vienne à Gaza pour donner à la population de Gaza réprimée par le Hamas, en particulier les femmes, une leçon sur ses droits. C'est l'histoire de notre vie : l'Homme (et la Femme) blanc vient en Palestine pour nous apprendre nos droits, tout en soutenant l'entité même qui nous en prive continuellement. A Gaza, ajoutez à cette critique l'isolement de notre gouvernement local et retirez la véritable cause de cet isolement : le siège et l'occupation d'Israël.
A la fin de la discussion, j'ai parlé à la fille qui avait fait cette observation et je lui ai rappelé que le gouvernement Hamas n'empêche pas les filles de ne pas porter le hijab. Si elle vient d'une famille conservatrice ou si elle vit dans un secteur conservateur de la Bande de Gaza, ce n'est pas la faute du gouvernement, et la diplomate étrangère n'avait pas besoin d'en entendre parler.
Il y a une distinction subtile entre nos traditions conservatrices modérées et les règles que le Hamas impose à notre société, et, dans l'intérêt de notre image, les deux ne doivent pas être mélangées.
Pourtant, peu importe la force avec laquelle nous essayons de nous faire entendre, les médias internationaux se centrent toujours sur des difficultés personnelles qui ne sont pas représentatives des difficultés globales pour décrire un "problème" rencontré par la population dans son ensemble. Pourquoi ? Parce que la question des droits des femmes en particulier est tellement sensible et que son utilisation engendre la colère ou la sympathie dans le cœur de l'auditeur, indépendamment de la logique derrière l'argument.
Par exemple, il y a quelques mois, une "seule" histoire a été reprise par plusieurs agences de presse pour décrire la dureté du régime Hamas à Gaza, à savoir que les femmes n'y étaient pas autorisées à faire de la moto. S'en sont suivis beaucoup de discussions et d'attention médiatique de la part de la communauté internationale au grand cœur, tellement préoccupée par la situation des femmes sous le gouvernement Hamas à Gaza.
Mais une seule de ces agences de presse a-t-elle pris la peine d'interroger ne serait-ce que dix femmes à Gaza sur ce qu'elles pensaient du "droit" à faire de la moto ? Non, parce que ces agences savent que ces femmes, qui n'ont pas de temps à perdre avec des sujets aussi futiles, les auraient tournées en ridicule. Les femmes préfèrent discuter des vrais problèmes qui les intéressent, comme les femmes dans les prisons israéliennes, la pauvreté, le manque de soins de santé adéquats, le manque d'éducation et d'emploi qui sont principalement imputables à l'occupation israélienne.
Au lieu de cela, les médias internationaux décident de se concentrer sur des questions banales, mais "séduisantes" qui touchent très peu de femmes à Gaza, mais qui font un bon boulot pour ruiner l'image de Gaza et du Hamas. Peu importe les vrais problèmes. Mettez de côté les problèmes provoqués par l'occupation - nous les connaissons déjà, nous dit-on. Parlez-nous des problèmes causés par le gouvernement Hamas.
Un an après que le gouvernement Hamas ait imposé une loi interdisant aux femmes de fumer le narguilé dans les lieux publics à Gaza, les agences de presse internationales continuent d'en parler lorsqu'elles traitent de la situation des femmes, même si la loi a été annulée.
Et récemment, des articles sur l'interdiction faite à des coiffeurs masculins de coiffer les cheveux des femmes ont fait les manchettes dans le monde entier, même si la question se limite aux coiffeurs eux-mêmes et à leurs clients, et non à toute la population féminine de la Bande de Gaza.
Je suis contre toute affiliation politique, parce que mon unique affiliation est avec la Palestine et la cause palestinienne, ni avec le Fatah, ni avec le Hamas, ni avec aucune autre faction. Mais je ne supporte pas l'hypocrisie des médias internationaux qui exploitent un sujet aussi sensible que les droits des femmes pour exonérer Israël de ses responsabilités.
Quand le monde comprendra-t-il que la détérioration de la situation des femmes à Gaza au cours des quatre dernières années n'est pas exclusivement imputable au contrôle du Hamas, mais principalement au siège israélien, qu'on a tendance à laisser de côté dans de ce genre de discussions ? Je suis fière de dire que Gaza en particulier, et la Palestine en général, est l'un des rares endroits au monde où les hommes et les femmes jouissent de l'égalité des droits - ou plutôt de l'égalité de leur absence.
Israël applique en effet d'excellents standards d'action positive pour s'assurer que tant les hommes que les femmes soient également privés de leurs droits les plus fondamentaux, alors, s'il vous plaît, cessez d'imputer les résultats de cette privation à d'autres, dont le rôle dans le panorama global de nos vies est marginal.
Source : Electronic Intifada
Traduction : MR pour ISM
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