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Cisjordanie -

Septembre

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4 août 2011 - Certains de mes amis au Fatah et d'autres ne vont pas aimer ce que je vais dire ici. D'autres respecteront et même apprécieront, y compris quelques membres du Comité central du Fatah. La situation est en train de devenir intolérable et certains d'entre nous sentons que nous ne pouvons pas rester silencieux. Je le dois personnellement aux 50.000 d'entre vous qui lisez occasionnellement mes e-mail et à tous ceux qui m'ont interrogé sur cette question de septembre. La goutte d'eau du proverbe qui fait déborder le vase, et qui est à l'origine de cet article, fut un e-mail du Dr. Saeb Erekat, reçu aujourd'hui, auquel est joint un document qui affirme contenir les stratégies des dirigeants palestiniens pour aller demander à l'ONU en septembre la reconnaissance de l'Etat de Palestine.

Septembre

Saeb Erekat (négociateur palestinien qui négocie contre son camp) et Mahmoud Abbas (ex-président de l'Autorité palestinienne depuis janvier 2009)
Le même jour, les autorités israéliennes ont mis à l'étude de la Knesset des lois qui rendront Israël encore plus juif (1) et ont approuvé la construction de 930 nouvelles maisons dans une nouvelle colonie exclusivement juive, Har Homa C. C'est une colline adjacente à Har Homa A et B, à Jabal Al-Deek, la terre de mon village Beit Sahour. Les paroles des représentants non élus se perdent dans le vacarme des marteaux-piqueurs et des bulldozers qui déchirent l'ancien paysage. Les déclarations aux médias sur les 122 pays qui reconnaissent la Palestine (à peu près le même nombre qu'en 1989) ne signifient pas grand chose pour les villageois et les réfugiés qui échouent tous les jours à faire entendre leurs préoccupations par ceux qui conduisent des Subaru et des Mercedes dans les rues de Ramallah, et qui passent sans problème les checkpoints avec des cartes VIP.

Je discute et je travaille avec des activistes sur le terrain tous les jours. Ils disent tous qu'il y a un fossé de plus en plus grand entre le peuple et tous les partis politiques. Ceux-ci le savent et l'admettent (beaucoup de dirigeants disent qu'ils n'arrivent plus à mobiliser la population). Je connais la réponse : revenez vers le peuple et relancer l'esprit révolutionnaire qui existe en chacun d'entre nous. Les thérapies contre la prolifération métastatique des colonies sur la terre palestinienne, la multiplication de lois israéliennes racistes ou la tragédie des réfugiés sont exclus des documents d'Erekat qui recourt à des forums internationaux partiaux qui émettent des résolutions qu'ils ne veulent jamais mettre en œuvre.

Dans la catégorie de "Ce que nous devons faire", le document d'Erekat démarre avec : "1. Ouvrir un dialogue stratégique avec l'administration des Etats-Unis sur la question de l'adhésion. Il est évident qu'avec le recours des Etats-Unis au 'veto', il est impossible pour la Palestine de devenir un Etat membre."

Après 37 ans d'ouverture d'un "dialogue stratégique" avec les USA, 18 ans de négociations directes sous les auspices des USA, selon quelle logique un tel dialogue peut-il mener quelque part ? Il suffit de penser aux ovations debout données au criminel de guerre Netanyahu au Congrès US pour voir que c'est une illusion. Si l'Autorité palestinienne ne peut même pas obtenir de Obama qu'il s'en tienne à ses propres paroles sur des sujets simples (c'est-à-dire l'activité coloniale doit stopper), qu'est-ce qui peut bien faire penser à Erekat et Cie qu'avec de nouvelles discussions, Obama aidera à établir un État palestinien. Nous propres représentants refusent même de boycotter les responsables israéliens (notre représentant à l'ONU a pris part à une fête d'adieu du représentant israélien). Chacun sait bien sûr que c'est nous, les Palestiniens, qui sommes mis sous pression, et pas le gouvernement israélien. Le piège d'Oslo, qui a créé une classe de gens dépendants de l'aide pour leur subsistance, s'est assuré qu'une prise de décision palestinienne indépendante soit impossible. Dans ces circonstances, qu'est-ce qui peut pousser quelqu'un à penser qu'il est possible de changer le statu quo sans se débarrasser des structures de dépendance créées par le piège d'Oslo ?

Dans le deuxième point de "Ce que nous devons faire", Erekat déclare que "Reconnaître un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et devenir un membre des Nations Unies aidera l'Autorité palestinienne à prendre immédiatement une décision sur les négociations de statut final, sur toutes les questions sans exception (Jérusalem, les frontières, les colonies, les réfugiés, l'eau, la sécurité et la libération des prisonniers et des détenus)."

Ceci est extrêmement dangereux et trompeur. Pourquoi la reconnaissance par les Nations Unies serait-elle liée à un retour inconditionnel à des négociations stériles ? Qu'est-ce qui peut faire croire à quelqu'un qui a un peu de logique que les Etats Unis changeront sans que nous changions d'abord et que nous imposions de réelles pressions ? Et depuis quand la lutte palestinienne est-elle réduite à un "Etat" palestinien sur un morceau de la Cisjordanie (aucun dirigeant palestinien ou israélien ne croit maintenant obtenir la totalité de la Cisjordanie ) ? Beaucoup de Palestiniens soulignent que les dossiers des "négociations" précédentes montrent que Qurei, Erekat et Abu Mazen étaient prêts à abandonner les réfugiés et autres droits en échange de cet Etat émasculé (voir les Documents Palestine divulgués par Wikileaks et l'accord Abu Mazen-Beilin et les accords de Genève).

Dans le troisième point, il déclare : "A la lumière du discours du Président Obama le 19 mai 2011, dans lequel il a parlé de notre choix d'aller aux Nations Unies en disant : 'pour les Palestiniens, leurs efforts pour délégitimer Israël finiront par échouer, les actions symboliques pour isoler Israël à l'ONU en septembre ne créeront pas un Etat indépendant.' Il est clair que l'administration Obama comprend que nous allons à l'ONU pour :
- essayer d'isoler et de délégitimer Israël,
- que c'est un acte symbolique,
- de tels efforts ne conduiront pas à la création d'un Etat indépendant.
Cette compréhension est contraire à ce à quoi nous voulons parvenir en demandant l'adhésion de l'Etat de Palestine dans les frontières de 1967 avec Jérusalem Est comme capitale. Nous ne cherchons pas à délégitimer Israël ni à l'isoler, et ce n'est pas non plus un acte symbolique.
"

Combien connaissez-vous de mouvements de libération dans le monde qui refusent même d'aider à isoler un régime d'apartheid répressif ? Exactement comme dans beaucoup d'autres situations antérieures, cette Autorité palestinienne veut qu'Israël se tire d'affaire. Comme lorsqu'ils ont enterré l'examen du rapport Goldstone ou qu'ils se sont rangés du côté israélien contre la libération des prisonniers politiques palestiniens (soi-disant pour empêcher le Hamas de gagner des points). Tout comme beaucoup d'entre eux disent publiquement qu'ils ne boycottent pas les produits israéliens mais seulement "les produits des colonies" (comme s'il y avait une différence entre les produits de l'apartheid). Comme quand ils ont donné instructions à leurs services de sécurité de mettre un terme aux activités de la résistance populaire (permettant seulement des veillées dans le centre des villes mais sans frictions avec les soldats de l'occupation israélienne). Et la liste n'en finit pas.

Quant à l'événement à l'ONU comme acte symbolique, c'est ce qui est envisagé. L'AP devrait plutôt aller au-delà du symbolisme et lancer des actions sérieuses, comme exiger que l'ONU annule l'adhésion d'Israël (puisqu'il n'a pas respecté la charte de l'ONU et violé ses propres engagements de se conformer à ses obligations). Un véritable effort impliquerait de demander aux Etats membres de l'ONU de traiter Israël comme ils ont traité l'Afrique du Sud de l'apartheid puisque Israël remplit tous les caractéristiques de l'Afrique du Sud de l'apartheid en vertu de la convention internationale correspondante.

Il y a quelques années, M. Erekat a fait une tournée aux Etats Unis. Lorsque certains responsables palestiniens-américains ont commencé à l'interroger sur l'échec d'Oslo, il s'est mis en colère et a dit à une quarantaine d'entre eux qu'il avait un doctorat et "qui êtes-vous, vous tous, pour poser ce genre de questions ?". C'est tout simplement inacceptable. La cause de 11 millions de Palestiniens ne peut pas être laissée à quelques individus.

La crainte de la suppression de l'aide

L'aide US à l'Autorité palestinienne est organisée de manière à mettre en œuvre la politique US qui, en retour (grâce à l'AIPAC et autres lobbies), sert la politique de l'occupation israélienne. Par exemple, la majorité des dollars de l'aide des Etats-Unis va dans des infrastructures (surtout des routes) qui créent des boulots temporaires et allègent les responsabilités de l'occupant. La plupart des routes sont des routes alternatives qui aident à consolider le système apartheid (c'est-à-dire des routes autour des blocs de colonies, etc.). L'essentiel de l'aide va directement au paiement des salaires des Palestiniens employés par l'Autorité palestinienne. Le gros de ce budget paie les salaires des employés de la sécurité. Conformément à Oslo II, l'objectif de cette sécurité est de garantir qu'il n'y ait pas de friction avec les Israéliens (c'est-à-dire supprimer toute résistance, y compris la résistance non violente). Parce que les salaires et la stabilité politique de l'Autorité palestinienne servile dépendent de cette aide, il est très facile de s'en servir comme levier pour rançonner les fonctionnaires de haut niveau. Nous en avons vu l'exemple dans l'enterrement du rapport de la commission Goldstone. Nous l'avons vu en 2006 et 2007 (quand l'aide a été coupée après les élections, rapidement les élites ont sapé le gouvernement pour revenir au soutien du statu quo). En bref, les aides des Etats Unis nuisent à l'intérêt national palestinien et servent à perpétuer l'occupation parce qu'elles consacrent le statu quo, soulagent Israël du coût de son occupation et restreint la liberté politique qui nous libèrerait.

(Lire à ce sujet l'article de Shir Ever, "Occupation and Aid", sur le site "If Americans New", 6 février 2007)

J'exhorte le comité central du Fatah, qui a agi résolument pour démettre Dahlan de son poste, à aller résolument sur la voie de changements plus approfondis et plus audacieux. Déterminer des dates limites pour les missions serait une première démarche appropriée pour le Fatah et pourrait être une étape avant de fixer des dates limites pour les postes à responsabilité de l'Autorité palestinienne. A mon humble avis, la direction palestinienne doit revenir vers le peuple et avoir périodiquement du sang neuf. Avec ce sang neuf, on peut mobiliser les Palestiniens en exil pour effectuer un réel changement en construisant des stratégies appropriées à court, moyen et long terme, par exemple par le lobbying, le travail médiatique et BDS. En interne, la maison palestinienne doit être mise en ordre en appliquant les accords existants pour créer un Conseil national palestinien représentatif (de l'OLP). Cela créerait une atmosphère de réelle résistance populaire qui pourrait rapidement changer les dynamiques sur le terrain. (Voir mon livre sur les leçons depuis 130 ans : "Popular resistance in Palestine - A history of Hope and Empowerment"

Il y a des centaines de juristes palestiniens, de professeurs en science politique et autres experts qu'on peut consulter pour bâtir de vraies stratégies et directions vers la libération. Engager un dialogue ouvert sur ces questions est bon pour chacun. On ne peut pas tolérer le statu quo. Et il vaut mieux le faire maintenant plutôt qu'attendre septembre lorsque les gens (après avoir eu de faux espoirs sur la fin de l'occupation) verront les dirigeants qui n'ont cessé de leur parler de septembre piétiner et tomber.

Cela ne fait aucune différence que l'on soit apathique ou que l'on soit de connivence avec le statu quo d'une occupation qui profite à l'occupant, grâce aux accords d'Oslo. Le silence est complicité.


(1) Lire également : "Lawmakers seek to drop Arabic as one of Israël's official languages", Ha'aretz, 04.08.2011

Source : Popular Resistance

Traduction : MR pour ISM

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