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ISM France - Archives 2001-2021

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Europe -

Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé

Par

La Cour dit que l’édification d’un mur par Israël dans le territoire palestinien occupé, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international; elle précise les conséquences juridiques résultant de cette illicéité

Communiqué de presse 2004/28

Avis consultatif


La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, a donné aujourd’hui son avis consultatif en l’affaire des Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (requête pour avis consultatif).



Dans cet avis, la Cour dit à l’unanimité qu’elle est compétente pour répondre à la demande d’avis consultatif soumise par l’Assemblée générale des Nations Unies et décide par quatorze voix contre une de donner suite à cette demande.



Elle y répond de la façon suivante :


• «A. Par quatorze voix contre une,

L’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international»;



• «B. Par quatorze voix contre une,

Israël est dans l’obligation de mettre un terme aux violations du droit international dont il est l’auteur; il est tenu de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire et d’abroger immédiatement ou de priver immédiatement d’effet l’ensemble des actes législatifs et réglementaires qui s’y rapportent, conformément au paragraphe 151 du présent avis»;



• «C. Par quatorze voix contre une,

Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est»;




• «D. Par treize voix contre deux,

Tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction; tous les Etats parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention»;




• «E. Par quatorze voix contre une,

L’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé.»





Raisonnement de la Cour

L’avis consultatif se divise en trois parties: compétence et opportunité judiciaire, question de la licéité de l’édification par Israël d’un mur dans le territoire palestinien occupé et conséquences juridiques des violations constatées.





Compétence de la Cour et opportunité judiciaire


La Cour indique que lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, elle doit d’abord déterminer si elle a compétence pour donner cet avis.

Elle dit que l’Assemblée générale, qui a sollicité l’avis par sa résolution ES-10/14 du 8 décembre 2003, est autorisée à le faire en vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte.



La Cour, comme elle l’a parfois fait par le passé, donne ensuite certaines indications quant à la relation entre la question faisant l’objet de la demande d’avis et les activités de l’Assemblée générale.

Elle observe que l’Assemblée générale, en demandant un avis à la Cour, n’a pas outrepassé sa compétence telle que limitée par le paragraphe 1 de l’article 12 de la Charte, aux termes duquel l’Assemblée ne doit faire aucune recommandation à l’égard d’un différend ou d’une situation pour lesquels le Conseil de sécurité remplit ses fonctions, à moins que ce dernier ne lui en fasse la demande.



La Cour se réfère en outre au fait que l’Assemblée générale a adopté la résolution ES-10/14 lors de sa dixième session extraordinaire d’urgence, convoquée sur la base de la résolution 377 A (V) qui prévoit que lorsque le Conseil de sécurité manque à s’acquitter de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’Assemblée générale peut immédiatement examiner la question afin de faire des recommandations aux Etats Membres.

La Cour dit que les conditions prévues par cette résolution étaient remplies lors de la convocation de la dixième session extraordinaire d’urgence; elles l’étaient en particulier au moment où l’Assemblée générale a décidé de lui demander un avis, le Conseil de sécurité étant alors dans l’incapacité d’adopter une résolution portant sur la construction du mur du fait du vote négatif d’un membre permanent.



La Cour rejette encore l’argument selon lequel un avis ne pourrait être donné en l’espèce, au motif que la demande ne porterait pas sur une question juridique.



Ayant établi sa compétence, la Cour s’interroge sur l’opportunité de rendre l’avis sollicité. Elle rappelle que l’absence de consentement d’un Etat à sa juridiction contentieuse est sans effet sur la compétence qu’elle a de donner un avis consultatif.

Elle ajoute que rendre un avis n’aurait pas pour effet en l’espèce de tourner le principe du consentement au règlement judiciaire, étant donné que la question qui fait l’objet de la demande de l’Assemblée générale s’inscrit dans un cadre plus large que celui du différend bilatéral entre Israël et la Palestine, et qu’elle intéresse directement l’Organisation des Nations Unies.


La Cour ne retient pas davantage l’argument selon lequel elle devrait s’abstenir de donner l’avis consultatif sollicité parce qu’il pourrait faire obstacle à un règlement politique négocié du conflit israélo-palestinien.

Elle affirme par ailleurs disposer de renseignements et d’éléments de preuve suffisants pour lui permettre de donner l’avis et souligne qu’il revient à l’Assemblée générale d’apprécier l’utilité de ce dernier.

La Cour conclut de ce qui précède qu’il n’existe pas de raison décisive l’empêchant de donner l’avis demandé.




Licéité de l’édification par Israël d’un mur dans le territoire palestinien occupé


Avant de se pencher sur les conséquences juridiques de l’édification du mur (terme qu’a choisi d’utiliser l’Assemblée générale et qui est repris dans l’avis, dans la mesure où d’autres mots parfois employés, pris dans leur acception physique, ne sont pas plus exacts), la Cour examine si l’édification du mur est ou non contraire au droit international.



Elle détermine les règles et principes de droit international applicables pour répondre à la question posée par l’Assemblée générale. La Cour mentionne tout d’abord, en se référant au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies et à la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, les principes de l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force et de l’illicéité de toute acquisition de territoire par ces moyens, qui reflètent le droit international coutumier.

Elle cite également le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui a été consacré dans la Charte et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV).

S’agissant du droit international humanitaire, la Cour mentionne les dispositions du règlement de La Haye de 1907, qui ont acquis un caractère coutumier, ainsi que celles de la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949, qui est applicable dans les territoires palestiniens qui étaient avant le conflit armé de 1967 à l’est de la ligne de démarcation de l’armistice de 1949 (ou «Ligne verte») et qui ont à l’occasion de ce conflit été occupés par Israël.

La Cour relève encore que des instruments relatifs aux droits de l’homme (pacte international relatif aux droits civils et politiques, pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant) s’appliquent dans le territoire palestinien occupé.




La Cour vérifie si la construction du mur a violé les règles et principes susmentionnés. Elle fait d’abord observer que le tracé du mur tel qu’il a été fixé par le Gouvernement israélien incorpore dans la «zone fermée» (c’est-à-dire située entre le mur et la «Ligne verte») environ 80 % des colons installés dans le territoire palestinien occupé.

Rappelant que le Conseil de sécurité a qualifié la politique d’Israël consistant à établir des colonies de peuplement dans ce territoire de «violation flagrante» de la quatrième convention de Genève, la Cour dit que ces colonies ont été installées en méconnaissance du droit international.

Elle fait en outre état de certaines craintes exprimées devant elle que le tracé du mur préjuge la frontière future entre Israël et la Palestine; elle estime que la construction du mur et le régime qui lui est associé «créent sur le terrain un «fait accompli» qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas, … la construction [du mur] équivaudrait à une annexion de facto».

La Cour relève que le tracé choisi pour le mur consacre sur le terrain les mesures illégales prises par Israël et déplorées par le Conseil de sécurité en ce qui concerne Jérusalem et les colonies de peuplement, et conduit à de nouvelles modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé.
Elle dit que la «construction du mur, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse … un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit».





La Cour examine ensuite les informations qui lui ont été fournies quant à l’impact de la construction du mur sur la vie quotidienne des habitants du territoire palestinien occupé (destruction ou réquisition de biens privés, restrictions à la liberté de circulation, confiscation de terres agricoles, blocage de l’accès aux points d’eau importants, etc.).

Elle dit que la construction du mur et le régime qui lui est associé sont contraires aux dispositions pertinentes du règlement de La Haye de 1907 et de la quatrième convention de Genève; qu’ils entravent la liberté de circulation des habitants du territoire telle que garantie par le pacte international relatif aux droits civils et politiques; et qu’ils entravent l’exercice par les intéressés des droits au travail, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant tels que proclamés par le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la convention relative aux droits de l’enfant.

Enfin, la Cour dit que cette construction et ce régime, combinés à l’établissement des colonies de peuplement, tendent à modifier la composition démographique du territoire palestinien occupé et qu’ils sont de ce fait contraires à la quatrième convention de Genève et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.



La Cour relève que certains instruments du droit humanitaire et des droits de l’homme contiennent des clauses de limitation ou de dérogation pouvant être invoquées par les Etats parties, notamment lorsque des impératifs militaires ou des nécessités de sécurité nationale ou d’ordre public l’exigent.

Elle indique ne pas être convaincue que la poursuite des objectifs de sécurité avancés par Israël nécessitait l’adoption du tracé choisi pour le mur et, ne retenant aucune de ces clauses, dit que la construction du mur constitue «une violation par Israël de diverses obligations qui lui incombent en vertu des instruments applicables de droit international humanitaire et des droits de l’homme».




La Cour estime enfin qu’Israël ne saurait se prévaloir du droit de légitime défense ou de l’état de nécessité, comme excluant l’illicéité de la construction du mur.

Elle en conclut que la construction du mur et le régime qui lui est associé sont contraires au droit international.




Conséquences juridiques des violations constatées


La Cour distingue les conséquences juridiques de ces violations pour Israël et pour les autres Etats.



Sur le premier point, elle dit qu’Israël doit respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit humanitaire et des droits de l’homme.

Israël doit également mettre un terme à la violation de ses obligations internationales, telle qu’elle résulte de la construction du mur en territoire palestinien occupé, et doit en conséquence cesser immédiatement les travaux d’édification du mur, démanteler immédiatement les portions de l’ouvrage situées dans le territoire palestinien occupé et abroger immédiatement ou priver immédiatement d’effet l’ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de l’édification du mur et de la mise en place du régime qui lui est associé, sauf dans la mesure où de tels actes demeurent pertinents dans le contexte du respect, par Israël, de ses obligations en matière de réparation.


Israël doit en outre réparer tous les dommages causés à toutes les personnes physiques ou morales affectées par la construction du mur.



S’agissant des conséquences juridiques pour les autres Etats, la Cour dit que tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction.

Elle dit par ailleurs qu’il appartient à tous les Etats de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, à ce qu’il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination.

Elle ajoute que tous les Etats parties à la quatrième convention de Genève ont l’obligation, dans le respect de la Charte et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention.



Enfin, la Cour estime que l’ONU, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant compte de l’avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé.



La Cour conclut en disant que la construction du mur doit être replacée dans un contexte plus général. A cet égard, elle relève qu’Israël et la Palestine ont «l’obligation de respecter de manière scrupuleuse le droit international humanitaire».

Selon la Cour, seule la mise en œuvre de bonne foi de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité est susceptible de mettre un terme à la situation tragique dans la région.

La Cour appelle également l’attention de l’Assemblée générale sur la «nécessité d’encourager [l]es efforts en vue d’aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants et à la constitution d’un Etat palestinien vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d’assurer à chacun dans la région paix et sécurité».



Composition de la Cour


• La Cour était composée comme suit : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice-président; MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada, Simma et Tomka; M. Couvreur, greffier.



• M. Koroma, Mme Higgins et MM. Kooijmans et Al-Khasawneh, juges, joignent à l’avis consultatif les exposés de leur opinion individuelle. M. Buergenthal, juge, y joint une déclaration. MM. Elaraby et Owada, juges, joignent à l’avis les exposés de leur opinion individuelle.






• Un résumé de l’avis consultatif est fourni dans le document intitulé «Résumé no 2004/2» auquel sont annexés les résumés de la déclaration et des opinions individuelles qui y sont jointes. Le présent communiqué de presse, le résumé de l’avis consultatif, ainsi que le texte intégral de celui-ci, figurent également sur le site Internet de la Cour sous les rubriques «Rôle» et «Décisions» (www.icj-cij.org).







Département de l’information :



• M. Arthur Th. Witteveen, premier secrétaire de la Cour (+ 31 70 302 23 36)

• Mme Laurence Blairon et M. Boris Heim, attachés d’information (+ 31 70 302 23 37)

• Adresse de courrier électronique : information@icj-cij.org

Source : www.icj-cij.org/

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