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ISM France - Archives 2001-2021

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Jérusalem -

“La haine ne vient pas facilement” : Démolitions de maisons à Jerusalem-Est

Par

"J'ai dit à mes enfants que c'était de ma faute si notre maison avait été démolie.
J'ai dit que c'était parce que papa n'avait pas de permis de construire, parce que j'avais enfreint la loi, si la maison devait être démolie. Je préfère qu'ils pensent cela plutôt qu'ils soient en colère au sujet de la vérité. Je veux qu'ils grandissent sans être pleins de haine de sorte qu'ils puissent se concentrer sur leurs études et qu'ils se construisent un futur."

“La haine ne vient pas facilement” : Démolitions de maisons à Jerusalem-Est


Photo ICAHD : Deux Palestiniens effondrés après la démolition de leur maison
La maison de Hani Totah, un père fier de ses six enfants et d'un pur sang Arabe, avait été construite il y a 15 ans et elle a été démolie sur les ordres de la police israélienne en novembre 2005. Un an après, il est maintenant assis dans la salle de séjour de son frère à expliquer pourquoi il se sent obligé de mentir à ses propres enfants.

"Je veux que mes enfants aient une vie agréable. Mais comment peut-on avoir la paix quand les Israéliens veulent leur propre maison, et qu'ils ne me laissent pas en avoir une ?
Et quand les Israéliens veulent que leurs enfants grandissent pour devenir des médecins et des ingénieurs, mais que mes enfants deviennent des criminels sans maison ?"


La maison de Totah est l'une des centaines de maisons dans Wadi Ij-Juus à Jérusalem-Est qui sont la cible des démolitions. La raison en est que les maisons sont construites trop près du Mur de Jérusalem, mais Totah et ses voisins sont sûrs que les autorités israéliennes ne veulent pas que des communautés palestiniennes construisent des bâtiments dans les limites de la ville.
Pourtant avec des loyers tellement élevés qu'ils sont prohibitifs, il n'y a pas beaucoup d'autres choix que de construire sa propre maison, en particulier pour des familles avec enfants.

Avant, la famille de Totah avait été forcée de quitter les quartiers déshérités situés à l'intérieur de la ville de Qatamon, et maintenant elle est à nouveau chassée de sa terre.

Ancien dépotoir, Wadi Ij-Juus est vu maintenant comme un secteur de plus en plus attrayant pour l'expansion des équipements touristiques de la Vieille Ville et les promoteurs désiraient depuis longtemps exploiter le secteur.

La police et la justice israéliennes ont longtemps fait pression sur Totah pour qu'il abandonne sa terre : une décision qu'il ne pouvait pas prendre seul mais qui debvait être une décision de l'ensemble de la famille parce qu'ils sont tous d'anciens Jérusalemites et qu'ils sont intimement liés à la "plus belle" des villes palestiniennes.

Fatiguées d'attendre, les autorités ont alors décidé de prendre le dossier en mains. Comme Totah l'a résumé : "Si nous nous vendons, ils achètent. Si nous ne nous vendons pas, ils prennent la terre de toute façon".

Sans prévenir, ils sont arrivés au beau milieu de la journée pour démolir la maison. Après avoir reçu un coup de téléphone de son épouse, hors d'elle, qui était seule à ce moment-là à la maison, Totah a dû forcer les barrages de police qui bloquaient toutes entrées de la vallée et la porte de sa propre maison.

Confus et en colère, il a essayé de dissuader la police et les ouvriers de démolition de faire leur travail, en leur expliquant qu'ils n'avaient pas reçu d'avertissement. On lui a expliqué plus tard que c'est ce que faisaient habituellement les autorités : Ils vont juqu'aux maisons quand ils supposent qu'il n'y a personne, ils collent un avis sur la porte, prennent une photo, enlèvent l'avis et s'en vont.

Totah a foncé jusqu'au tribunal israélien pour annuler l'ordre de démolition. Avec l'aide d'un avocat, sa requête déposée en urgence a eu gain de cause et un membre du tribunal a informé la police israélienne présente sur les lieux de la décision de l'arrêt de la démolition.

Dès que la police a entendu cela, le bulldozer a été mis en marche et il a avalé le toit couvert de tuiles rouges. Avant que le fils ainé de Totah rentre de l'école, tout ce qui restait de l'ancienne maison de la famille, ce n' était qu'un gros tas de murs effondrés et un enchevêtrement de ferraille.

Son père, qui avait jusque-là canalisé sa douleur et sa colère dans l'action, n'a pas pu se contenir quand il a vu les larmes rouler sur les joues de son fils. En s'arrêtant de temps en temps pour récupérer certaines affaires qu'il reconnaissait parmi les gravats, Totah a trébuché, aveuglé par les larmes et l'incrédulité.

Comme si ce n'était pas assez, Totah et sa famille sont maintenant forcés de payer à 420 NIS (78 Euros) chaque mois jusqu'en 2012 pour couvrir les frais occasionnés à la municipalité pour la démolition et la présence massive de la police. La pile épaisse de factures et de reçus est un rappel constant de la violente injustice violente du système juridique israélien vis-à-vis des citoyens palestiniens.

Les médias israéliens étaient rapides à couvrir l'histoire, un responsable de l'Ambassage américaine a été témoin de la destruction et toutes les factions politiques palestiniennes ont exprimé leur violente condamnation. Bien que soulagée par ces expressions de soutien, la famille avait un grand besoin d'aide pratique.

Après avoir passé deux semaines entassés sous une petite toile de tente donnée par la Croix Rouge, un des frères de Totah a insisté pour qu'ils viennent habiter avec lui. Le Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons, ICAHD, s'est, depuis, occupé de rassembler des fonds pour reconstruire la maison et aider à la construction.

La reconstruction n'a pas pourtant pas été facile. La municipalité a, à plusieurs reprises, prévenu les ouvriers du bâtiment palestiniens que s'ils poursuivaient le travail, ils pourraient être arrêtés et en effet, deux ouvriers ont été détenus et relâchés plus tard à l'extérieur d'un checkpoint de Jérusalem.

Les volontaires internationaux du Programme d'Accompagnement Oecuménique en Palestine et en Israël (EAPPI) et du Mouvement International de Solidarité (ISM) se sont aujourd'hui associés au travail afin d'agir en tant qu'élément de dissuasion contre toute interférence de la police. Pendant que les chevrons de bois étaient mis en place, les internationaux ont dégagé les tuiles cassées et les autres gravats de ce qui deviendra par la suite le plancher de la maison.

Les jeunes garçons de Totah se sont empressés de se mettre au travail, en récupérant les pierres et les morceaux de verre pour les mettre dans des seaux. De temps à autre, ils cessaient d'écouter leur père qui leur expliquait à quelle point leur maison était belle, ils se réfugiaient parmi les voisins bienveillants et dans les parterres amoureusement entretenus au fond - maintenant une pile de gravats, une maison, la scène du crime.

Alors qu'il tamisait un tas de sable, l'un des garçons a trouvé une collection d'autocollants qu'il a soigneusement dépoussiérés et il les a mis dans sa poche. Il a jeté un coup d'oeil vers l'un des volontaires internationaux, avec un petit sourire timide, comme s'il était embarrassé de sa nostalgie soudaine.

Dans l'après-midi, un camion de ciment est arrivé et les ouvriers de construction ont guidé un tuyau énorme qui a craché le ciment humide à toute vitesse autour du toit. Puis le ciment s'est épuisé alors que le deuxième camion n'était pas encore arrivé.

Après quelques coups de fils tendus, on nous a expliqué que le camion manquant était coincé à un checkpoint quelque part dans Jérusalem. Totah s'est assis sur un rocher pour attendre.
"Je semble calme mais mon coeur tape très fort dans ma poitrine. Ils doivent se dépêcher, la police pourrait arriver n'importe quand et ce serait fini."

Heureusement, le camion est arrivé un peu plus tard et le travail a pu continuer. Maintenant, le ciment doit sécher pendant au moins cinq jours et donc le travail est suspendu jusqu'après l'Eid.

Quand la maison sera terminée, elle ne fera que la moitié de la taille de la maison originale, et il faudra deux semaines de plus pour la terminer.
D'ici là, Totah et sa famille vivront toujours chez l'un de ses frères.

Pour deux de ses autres frères, la démolition de la maison a été la goutte d'eau. Inquiets pour la sécurité de leurs familles, ils vivent maintenant aux Etats-Unis et n'ont pas l'intention de revenir en Palestine dans un avenir proche.

"Vous devez comprendre", dit Totah. "Nous sommes de Jérusalem, pas de Naplouse, de Ramallah ou de Bethléem. Nous avons plus de 300 ans d'histoire dans cet endroit. Si nous ne pouvons pas vivre ici, nous préférons partir vers un lieu complètement différent."

Soulagé par le fait que personne n'ait été blessé pendant l'opération de démolition et que sa famille est toujours unie et forte, Totah semble déterminé à affronter le futur avec l'optimisme prudent de quelqu'un qui a décidé une fois pour toutes de surmonter chaque obstacle.
"La haine ne vient pas facilement", fait-il remarquer alors que nous regardons l'enregistrement de la démolition impitoyablement de sa maison.

"Mais, c'est le genre de choses qui rendent les gens si en colère qu'ils perdent la tête. Je ne veux pas que cela arrive à mes enfants. Et cela ne doit pas leur arriver. Le seul moyen de gagner, c'est par l'amour. Quand vous aimez les gens et que les gens vous aiment, il n'y a personne qui peut vous battre. Quand vous utilisez la force du pouvoir, vous êtes toujours sous la menace."


En savoir plus sur les démolitions de maisons à Jérusalem

Source : http://www.palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM

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