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France/Liban - 24 décembre 2018
Par René Naba
23.12.2018 - « Ne quémandez pas ma liberté. Ne vous placez pas en position de faiblesse. Au Liban existe désormais un leadership combatif… La France ne dispose plus d’influence au Moyen-Orient, sauf en Irak et au Liban ». Telle est la recommandation de Georges Abdallah à l’ambassadeur du Liban en France, Rami Adwane.
Ancien condisciple du président Macron à l’ENA, M. Ramy Adwane est le premier officiel libanais à rendre visite à Georges Abdallah en 34 ans de captivité.
Le doyen des prisonniers politiques dans le monde a mis l’accent sur « la centralité de la cause palestinienne » ainsi sur la nécessité de préserver « le rôle militant du Liban », assurant que « les forces révolutionnaires arabes triompheront des adeptes de l’enseignement d’Ibn Taymima », dans une claire allusion aux groupements terroristes néo-islamistes (Daech, Al Qaida, Jabhat An Nosra, Boko Haram) qui se réclament de ce penseur musulman en tant que leur référent idéologique.
La conversation est rapportée samedi 22 décembre 2018 par le grand quotidien libanais Al Akhbar au lendemain de la visite du diplomate libanais à la prison de Lannemezan (Pyrénées).
Les locuteurs arabophones peuvent lire le récit d’Al-Akhbar ici
« Je veux bien évidemment sortir, mais j‘ai parfaitement conscience des obstacles dressés par les Américains et les Israéliens à ma libération. Je vous demande de déployer tous les efforts pour atteindre cet objectif. Faites tout ce que jugez bon de faire en ce sens. Mais ne quémandez pas ma liberté ; ne soyez pas en position de faiblesse. Il existe aujourd’hui au Liban un leadership combatif et la France ne dispose plus d’influence au Moyen-Orient, sauf en Irak et au Liban », a poursuivi Georges Abdallah au cours de cet entretien qui a duré près de trois heures.
Le président libanais Michel Aoun a décidé d’adopter le cas de Georges Abdallah et de demander sa libération à l’occasion de la visite officielle du président français Emmanuel Macron au Liban, prévue pour Février 2019.
Illustration du tropisme pro-libanais du président français, M. Macron a réservé au Liban une de ses rares visites dans les pays arabes (avec l‘Algérie) durant sa campagne présidentielle, en 2016, et a puisé dans le vivier libanais du personnel diplomatique français certains des grands exécutants de sa diplomatie ; deux anciens ambassadeurs de France à Beyrouth ont ainsi été affectés à des postes sensibles, sous sa mandature : Bernard Emié à la DGSE et Emmanuel Bonne, en tant que directeur du Cabinet du ministre des Affaires étrangères.
Sur l’importance du Liban dans son rôle de poste d’observation régional, lire : « Le Liban, poste d’observation d’une diplomatie française en plein désarroi ».
Bon nombre d’observateurs inclinent à penser que la France serait tentée de se débarrasser de cette encombrante affaire constituée par la détention arbitraire du militant libanais pro-palestinien, en ce qu’elle constitue un « abus de droit », voire même un « déni de droit » dans la ‘Patrie des droits de l’Homme’.
Sous la présidence de François Hollande, le gouvernement français avait obéi, -contre l‘avis de Christiane Taubira, ministre de la justice-, aux injonctions américaines et aux pressions conjuguées de Laurent Fabius (Quai d’Orsay), le petit télégraphiste des Israéliens dans les négociations sur le nucléaire iranien, et du déserteur barcelonais du combat socialiste en France, Manuel Valls, « lié de manière éternelle » à Israël, du fait de ses épousailles, à l’époque, avec une musicienne française de confession juive.
* Le portrait de Georges Abdallah, héros mythique du combat palestinien, de même que la problématique y afférente, lire ici.
* Sur le rôle de Laurent Fabius, petit télégraphiste des Israéliens,
lire ici.
* Sur le bilan au Quai d’Orsay de Laurent Fabius, le plus célèbre ronfleur des forums internationaux, lire ici.
* Sur le rôle du transfuge socialiste Manuel Valls, notamment le câble d’Hillary Clinton demandant au gouvernement français de contourner la décision de justice,
lire ici.
Le président français serait d’autant plus tenté de s’affranchir de la pression américaine et israélienne que ses deux grands alliés n’ont pas manqué de lui infliger des rebuffades répétitives : retrait unilatéral des Etats-Unis de la Syrie et de l’accord sur le nucléaire iranien en superposition de la décision unilatérale de Donald Trump de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël, au mépris des résolutions internationales.
Et pour Israël, son intransigeance et son recours à la violence démesurée dans la répression de toute manifestation palestinienne à Gaza et en Cisjordanie , fragilisant considérablement le partenaire palestinien de la France, Mahmoud Abbas.
La libération de Georges Abdallah, si elle était décidée, serait une opération à triple détente :
1. Recentrer quelque peu la politique de la France au Liban alors que son poulain le premier ministre Saad Hariri, rescapé des griffes wahhabites, est considérablement fragilisé par un contexte régional défavorable à ses parrains occidentaux, une démarche d’autant plus judicieuse que la libération d’un prisonnier charismatique objet d’un grand engouement populaire dans les milieux proches de la résistance libanaise, pourrait redorer un tant soit peu l’image de la France considérablement dégradée depuis la double mandature des deux néo-conservateurs philo-sionistes, le post-gaulliste Nicolas Sarkozy et le socialo-motoriste François Hollande ;
2. Rendre la monnaie de leurs pièces à ses alliés américains et israéliens en se débarrassant de ce qui constitue un casse-tête diplomatique, -en fait un « bâton merdeux » dans le jargon populaire.
3. Dans un contexte de fragilisation de M. Macron par les manifestations des Gilets Jaunes, la libération de Georges Abdallah viserait en outre d’une manière sous-jacente à atténuer la virulence de ses contestataires dans la perspective des prochaines élections européennes.
« Après 35 ans, je préfère sortir dans la dignité. Je suis entré en prison à une époque où l’Union soviétique existait encore. Je n’ai pas vécu la phase du collapsus. Je n’ai pas subi la défaite. De mes entretiens avec mes visiteurs, je mesure la vigueur de la gauche. Je ne suis donc pas disposé à faire des concessions. Sinon, je préfère rester en prison », a ajouté Georges Abdallah.
L’ambassadeur du Liban à Paris, Rami Adwane, qui a jugé le prisonnier libanais « élégant et d‘une grande lucidité », lui a expliqué les motifs de sa venue à Lannemezan en ces termes : « Je suis venu vous voir sur instructions du ministère des Affaires étrangères et des plus hautes autorités de l’Etat libanais pour vous informer que le processus de libération fait l’objet de la part de l’Etat libanais de toute son attention ».
Réponse de Georges Abdallah : « Votre présence revêt une grande signification car vous représentez un pays qui se range aux côtés d’une personne dont les actes sont condamnés par les autres pays arabes ».
Sur le Liban, Georges Abdallah a fait la déclaration suivante :
« Au Liban, il existe de nos jours un leadership combatif. J’ai confiance en Michel Aoun, un homme d’Etat. Je salue ceux qui combattent pour préserver la Palestine, particulièrement au Liban. J’adresse à cette occasion mes salutations au président Michel Aoun et à Hassan Nasrallah, deux véritables hommes d’Etat, ainsi qu‘au Parti Communiste Libanais, à la base du combat.
« Le Liban est une nécessité pour impulser une transformation du monde arabe et le mode arabe a le regard fixé sur le Liban, seul pays du Monde arabe où les manifestations populaires ne sont pas réprimées par le feu. La FLAMME DE BEYROUTH NE DOIT PAS S’ETEINDRE. Le Liban fait exception dans le Monde arabe, ce qui explique les pressions auxquelles il est soumis pour le contraindre à s’aligner sur les autres pays arabes. »
* Sur la fonction traumatique de Beyrouth à l’encontre des Israéliens, lire ici.
Les masses populaires qui ont provoqué le « Printemps arabe » ont succombé à la démagogie d’une idéologie éradicatrice, en ce qu’elles ont perdu de vue la centralité de la question palestinienne.
« Je puise ma force de celles des forces révolutionnaires arabes qui triompheront des adeptes de l’enseignement d’Ibn Taymima, frappé de cécité », dans une claire allusion aux groupements terroristes néo-islamistes (Daech, Al Qaida, Jabhat An Nosra, Boko Haram) qui se réclament de ce penseur musulman en tant que leur référent idéologique.
« Il n’est ni au pouvoir de Mahmoud Abbas, président de l‘Autorité Palestinienne, ni au pouvoir de son rival Mahmoud Dahlan, soutenu par Abou Dhabi, de dissoudre la cause palestinienne. Il est urgent que les masses populaires se livrent à un sursaut salutaire ».
La vie quotidienne à Lannemezan
Georges dort 5 heures par jour. Il se réveille à 04h00 du matin pour écouter le bulletin du service arabe de la BBC. Puis il se livre à des exercices physiques. Sa journée est entrecoupée par une petite sieste de 15 minutes après le déjeuner.
Georges Abdallah est apprécié par les autres pensionnaires de la prison qui voient en lui un « chef avisé ». Il est très informé et suit avec beaucoup de minutie les affaires du Liban et du Monde arabe. La liste des visiteurs en attente s’élève à 76 demandes.
L’ambassadeur du Liban lui a remis en guise d‘étrennes 14 ouvrages, notamment deux ouvrages en arabe « Nahj Al Balagha », le « Traité de l’Eloquence », et l’ouvrage de l’universitaire palestinien, Rachid Al Khalidi, « Le grand aveuglement : les Etats-Unis et le Moyen Orient » … et naturellement des chocolats et des pâtisseries libanaises.
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Au sujet de René Naba :
Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l'Association d'amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.
Source : Madaniya.info
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