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Naplouse - 4 mars 2006
Par Anne Gwynne
Anne Gwynne est un membre élu de la Fédération Internationale des Journalistes et de l'Union Nationale des Journalistes (R-U), elle a travaillé avec le PMRS (UPMRC) à Naplouse. Elle peut être contactée à gwynne_anne@hotmail.com
Jareer Qanadilo, conducteur d'ambulance,est un homme qui a, au cours des cinq dernières années, apporté l'espoir, l'aide et a sauvé la vie de centaines de personnes blessées et agressées dans la grande partie nord de la ville palestinienne de Naplouse et dans le camp de réfugiés de Balata.
J'ai essayé d'appeler Jareer à de nombreuses reprises hier : la nuit dernière, Muntasser, le chauffeur du MSR de Jénine, m'a dit que Jareer subissait une opération dans l'hôpital ultra-moderne de Naplouse : ce matin, il est en soins intensifs.
Jareer dans l'ambulance
Balata est le plus grand camp de réfugiés en Palestine et aura la plus grande durée de vie depuis que son bail de 100 ans a été signé avec la famille Douwekaat de Al-balad-Balaata en 1952.
J'ai essayé d'appeler Jareer à de nombreuses reprises hier : la nuit dernière, Muntasser, le chauffeur du MSR de Jénine, m'a dit que Jareer subissait une opération dans l'hôpital ultra-moderne de Naplouse : ce matin, il est en soins intensifs.
Jeudi après-midi, il était à Balata, où il se trouvait depuis minuit dans la nuit du 18 au 19 février, à sauver des vies presque sans interruption, quand il a été lui-même touché et sérieusement blessé, par un tir à bout portant d'un soldat israélien, alors qu'il tentait de transporter des enfants gravement blessés à l'hôpital.
Un éclat s'est enfoncé dans sa main et un très gros morceau s'est planté dans sa jambe, lui sectionnant l'artère.
Quand Feras al-Bakri a tenté de l'emmener à l'hôpital, alors qu'il était entre la vie ou la mort, les soldats israéliens lui ont dit : "Bon, laissez-le mourir, vous pourrez partir seulement quand il sera mort" et ils ont retenu l'ambulance pendant plus de 60 minutes à la sortie du camp, selon Feras.
Mais Jareer a refusé de mourir et, grâce à ses grandes connaissances médicales et à la compétence des jeunes volontaires du MSR, il est toujours avec nous à l'ICU aujourd'hui : Il a perdu plus de 2 litres de sang et il a dû être transfusé de quatre poches de sang.
Des centaines de litres de sang ont été transfusés aux blessés, mais il n'y a pas eu de manque à Naplouse – bien au contraire, des files d'attente de donateurs se pressaient autour du centre pour donner leur sang, toutefois il est fréquemment nécessaire.
Jeudi, c'était le 6ème jour de blocus et de siège du camp: Les Forces d'Occupation Israéliennes (FOI) sont toujours là aujourd'hui, occupant des dizaines de maisons comme casernes provisoires et positions de snipers, dévastant des dizaines de maisons, tuant 9 jeunes dont 2 enfants, blessant plus de 55 jeunes, plusieurs journalistes, un docteur et un membre du personnel médical, arrêtant plus de 40 personnes, et dévastant ou démolissant des écoles, des ateliers d'orfèvres, des magasins et des maisons habitées comme la maison de Hamimi, la maison d'Ishtiiwi et la maison d'Adel'Ayl.
Jareer, comme je l'ai dit, est le conducteur d'une ambulance de l'UPMRC (maintenant MRS) : Il n'est pas sur des listes des "Recherchés" ou "A Assassiner" des Forces d'Occupation Israéliennes et il n'est membre d'aucun groupe armé.
C'est un grand combattant, il a passé ces 5 dernières années à se battre pour sauver la vie de centaines de jeunes, la plupart du temps, abattus par les soldats.
Jareer Qanadilo est un grand type carré - un père adoré de quatre enfants. Il a un tempérament calme et gai, des yeux scintillants et un excellent sens de l'humour.
C'est le conducteur avec qui j'ai passé mes trois premières semaines à Naplouse. Quand j'étais tellement naive, il aurait été pardonné s'il m'avait jetée de l'ambulance.
Il est capable de faire beaucoup de choses bien mieux que qui que ce soit que je connaisse : il peut conduire à toute vitesse sur des pentes abruptes, manger un sandwich de falafels, admonester les enfants qui sont trop loin de leurs maisons, me donner des instructions pour sauver la vie du patient et parler au téléphone de sa voiture et à son propre téléphone portable : tout ça en même temps sans broncher d'un cil et en s'arrangeant pour klaxonner également.
Il risque sa vie à chaque fois que son ambulance du MRS plonge au centre d'une attaque des Forces d'Occupation Israéliennes à Naplouse ou à Balata. Les 5 dernières années de pression constante qui est le sort de tout conducteur d'ambulance du MSR, l'ont fortement concerné.
Pendant l'attaque actuelle (appelée par Israël "Opération Lumières du Nord"), la pire depuis 12 mois, maintenant à son septième jour, quatre ambulances du MRS ont été constamment dans le camp.
Ils étaient autorisés à se déplacer seulement à l'intérieur du camp et n'étaient pas autorisés à en sortir : deux jeunes de 17 ans ont saigné à mort dans la rue sous les yeux de Jareer; il n'a pas été autorisé à s'approcher d'eux "avant qu'ils soient morts" comme l'ont dit les soldats des Forces d'Occupation.
Ils ont dû porter à pied des blessés sur des civières pendant 2 km jusqu'à l'hôpital et un hôpital de campagne a dû être installé dans le souq depuis que deux écoles ont été investies par les Forces d'Occupation et transformées en casernes, le personnel de l'UNRWA a été attaqué et mis dehors.
Des conducteurs d'ambulances des environs ont répondu à l'appel désespéré : Feras Al-Bakri, 35 ans, père aussi de quatre enfants; l'incroyable Muntasser Abdel Rahiim, 26 ans, est venu de Jénine (dont de nombreux lecteurs se souviendront des précédentes histoires de ces deux hommes); Uday Jallad de Tulkarem; et Fidaa 'Subuh, un conducteur de Jénine, du camp de réfugiés d'Al-Farrah.
Ils ont été constamment harcelés, menacés et sous le feu des tireurs isolés positionnés sur les toits de 25 maisons occupées.
Ils ont travaillé à Balata avec les courageux volontaires que sont, entre autres, Mustafa Farah, Muhammad al-Ghazzal et Taaher Al-Kousah.
Et avec eux, faisant toujours plus que son devoir au coeur du danger, le Dr Ghasaan Hamdan, directeur du MSR à Naplouse qui, en tant que directeur, pouvait rester dans son bureau comme coordinateur mais qui ne veut à aucun moment laisser son personnel et ses volontaires face à cette situation alors qu'il est en sécurité.
Toutes les communications dans le camp et dans la Vieille Ville de Naplouse sont, comme toujours, coupées.
De nos jours, les serveurs d'e-mails sont souvent coupés au nord de la Palestine.
La plupart des gens ont des cartes SIM dans leurs téléphones portables mais il n'est jamais possible d'appeler qui que ce soit à Balata ou à Naplouse quand les Forces d'Occupation attaquent : juste après leur départ, le signal revient.
Évidemment je ne sais pas comment ils font ça, mais à partir du moment où ils arrivent jusqu'à ce qu'ils partent, personne ne peut appeler vers l'extérieur et nous ne pouvons pas passer de communications internes.
Ceux qui ont des cartes Cellcom (israéliennes) sont plus chanceux : les Forces d'Occupation Israéliennes ne peuvent pas couper leurs communications puisque les colons qui entourent Balata-Naplouse dans leurs colonies illégales utilisent le réseau israélien.
Cette semaine nous pouvions utiliser les lignes terrestres bien que les câbles en fibre carbone soient souvent coupés aussi.
Demain, nous espérons que Jareer sortira des soins intensifs et reviendra dans une chambre, d'où je pourrai lui parler sur son téléphone portable. Comme tous les conducteurs, il remontera dans l'ambulance dès qu'il sera remis sur pied.
C'est normal dans la vie des conducteurs d'ambulance palestiniens – j'en connais peu qui n'ont pas été blessés plusieurs fois.
Le 16 Février 2003, Feras Al-Bakri a été pris pour cible;
Le 18, nous avons été blessés tous les deux par un soldat israélien à Naplouse.
Il a encore été blessé à la tête à Balata en juin 2004.
Il a été sérieusement blessé en juin au Carrefour Sarra, en septembre et en décembre 2003, il a été blessé au cou, aux yeux et aux pieds, en essayant d'atteindre un blessé dans le village de Salem, et il a reçu une balle dans la tête et dans la main à l'extérieur de l'hôpital d'Al-Watani à Naplouse en décembre 2005 : en outre, il a été utilisé à de nombreuses reprises comme bouclier humain.
Muntasser souffre quotidiennement de l'humiliation la plus épouvantable, de retard et de coups. Il a même été obligé d'embrasser les bottes des FOI pour sauver la vie des malades, en particulier au dur barrage routier de Shaffi Shamron : toutes les ambulances de l'UPMRC sont truffées d'impacts de balles, même la civière. Presque chaque jour il est menacé de mort et, un jour, cela pourrait arriver.
25 médecins et secouristes ont été tués, beaucoup ont été blessés et 85 ambulances ont été détruites dans plus de 1,300 attaques sur des ambulances depuis septembre 2000.
Cette semaine, le Dr. Anaan Al-Atira a été blessée à la tête dans le camp de Balata alors qu'elle soignait un enfant mourant, et un jeune volontaire a été sérieusement blessé.
“Vous savez, Anne”, soupire Muntasser Abdel Rahiim, 26 ans, la nuit dernière, “nous étions des conducteurs d'ambulances, pas des conducteurs de tanks”.
Voir les photos prises par les ISMers lors de l'attaque de Balata
Source : www.palestinechronicle.com/
Traduction : MG pour ISM
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