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Tulkarem - 3 février 2005
Par Aaron
> ism-alerts@palsolidarity.org
Aaron est un volontaire de l’International Solidarity Mouvement, et journaliste indépendant de CKUT community radio à Montréal. Actuellement il voyage dans les territoires occupés de Palestine. D’autres de ses écrits et de ses photos sont disponibles sur http://aaron.resist.ca. On peut contacter Aaron à : aaroninpalestine@hotmail.com
En Occident, tout le monde parle d’espoir de paix pour la Palestine et pour Israël.
Pourtant, ce dont nous avons été témoins à Saida, alors que cela aurait dû choquer, n’est que routine tant que l’occupation de la Palestine continue, et continue même après l’élection d’Abbas.
Il n’y a pas de paix à Seida. La seule paix qu’on puisse trouver est dans la magnificence du paysage – des vallées vertes, des oliviers et cet air frais. Malheureusement, ça ne suffit pas.
Cette dernière semaine, je l’ai passée dans la ville palestinienne de Seida.
Seida est une ville de 3500 habitants située entre Tulkarem et Jenine en Cisjordanie . Pendant quatre jours longs et difficiles, j’ai vu vivre Seida sous couvre-feu militaire.
Le couvre-feu est une chose qui n’est ni naturelle ni humaine. Pas naturelle parce que ça vide les rues de la ville.
Il n’y a plus d’enfants qui jouent aux billes, plus d’achats de fruits frais, plus de sortie pour aller prier à la mosquée.
Seida était vide comme les rues du Far West avant une fusillade au coucher du soleil.
Une ville morte.
Le couvre-feu est inhumain parce ce que c’est une stratégie militaire massive appliquée au titre de punition collective. Tandisqu’on recherchait huit hommes soupçonnés de se trouver dans le village, toute la population a dû en subir les conséquences.
La fragile économie de la ville est arrêtée, et personne ne peut aller travailler. Les enfants ne peuvent pas aller à l’école et les jeunes gens, hommes et femmes sont morts d’inquiétude à l’idée de manquer leurs derniers examens universitaires. Le bétail n’est plus nourri, et les moutons bêlent de faim, interminablement.
Les ambulances doivent obtenir des permis pour aller chercher les enfants blessés. Tout cela est exemple de ce qui s’est passé la semaine dernière dans Seida paralysée.
Au fil du couvre feu, la situation s’aggravait.
Le premier jour fut un choc pour tout le monde. Nous, par exemple, avons été tirés du lit à 7h du matin, juste au moment où la première jeep entrait et où les soldats commençaient à occuper les maisons.
Comme les habitants de Seida savaient que la situation risquait de devenir difficile, tout le monde avait en général de la nourriture et l’essentiel pour tenir le choc.
Ce qui m’a le plus frappé , ce sont nos relations, à nous internationaux dans le village, avec les soldats. Certains étaient charmants, et d’autres très désagréables, mais nous avons eu l’impression qu’ils ne rêvaient pas de nous empêcher de continuer notre mission.
Pourtant, nous n’avons jamais pu obtenir de véritable réponse quand nous leurs posions des questions sur leur opération.
D’un côté, certains ne voulaient rien nous dire, tandis que d’autres ne cherchaient qu’à nous raconter des mensonges purs et simples.
C’est devenu autrement plus frustrant quand ils nous ont dit des choses du style le couvre-feu sera levé durant quatre heures ici et là, et qu’il ne s’est rien passé.
Le deuxième jour, le problème de nourriture n’était pas un grand problème, mais pour les animaux de ferme c’était une autre histoire. Ce soir là, un fermier d’une quarantaine d’années nous a regardés , l’air désespéré, et nous a demandé si nous pourrions l’accompagner pour aller chercher du fourrage pour ses chèvres. Nous lui avons rendu ce service et il s’est senti terriblement soulagé.
Au fil des jours, de plus en plus de petites missions se sont fait jour pour l’équipe des ISM, les gens nous faisaient des signes et nous imploraient du haut des toits et à travers les grilles des fenêtres.
En fait, les toits donnent l’impression de produire une intéressante culture pendant les couvre-feus. Tout le monde à Saida se tient sur les toits plats des ensembles compacts des maisons.
Les informations peuvent parvenir d’un bout du village à l’autre en quelques minutes, même pendant les coupures d’électricité parce qu’elles se crient simplement de l’un à l’autre.
Les habitants se lançaient même des provisions de l’un à l’autre s’ils étaient dans le même rayon d’action.
Le sens de la communauté et de la solidarité était absolu. Comme si les Palestiniens avaient prévu qu’avoir des toits plats leur serait nécessaire sous couvre-feu.
Autre action étonnante de la communauté, c’est la distribution de pain organisée, devenue essentielle dès le troisième jour.
Même avec l’armée derrière eux, et les tirs, un groupe de jeunes hommes à l’arrière d’un camion était décidé à obtenir au moins un sac plein de pitas frais (Ndt pain palestinien) pour chaque foyer.
Le quatrième jour, la situation était une quasi crise humanitaire.
L’armée a dû se modérer un peu ou les choses seraient devenues trop graves.
La frustration des soldats montaient contre nous les internationaux, et nous avons continué à défier leurs ordres, nous enjoignant de rester à l’intérieur et avons travaillé de notre mieux pour faire que les yeux du monde restent braqués sur ce faisaient les soldats. Une des membres de notre équipe a failli payer cher pour ça.
On a braqué sur elle un fusil à laser pendant un long moment simplement parce qu’elle avait eu le courage de faire une vidéo des soldats tenant une famille sous la menace de leurs armes.
Finalement, vers 4h de l’après-midi après quelques 105 heures d’assignation à résidence surveillée collective, le couvre-feu a été levé.
Un mélange de joie et de soulagement a regonflé Seida, les enfants ont de nouveau envahi les rues, les boutiques ont réouvert et les affaires repris.
Les hommes âgés avec des sourires secouaient des mains et embrassaient d’autres gens.
Les gens mettaient leurs bras en l’air comme pour dire « Hamdilallah ! Grâce à Dieu »
L’armée est restée au village, occupant deux maisons, mais il était clair que l’opération se terminait. Quelques soldats nous ont confié qu’ils voulaient aussi rentrer chez eux.
De Tulkarem, quand je me retourne sur la situation, je suis effrayé de l’absence d’attention qu’ont accordée à cette invasion les medias de l’Est et de l’Ouest. Ariel Sharon et Mahmoud Abbas auront des rencontres historiques le 8 février 2005 et ça fera la Une des journaux.
En Occident, tout le monde parle d’espoir de paix pour la Palestine et pour Israël.
Pourtant, ce dont nous avons été témoins à Saida, alors que cela aurait dû choquer, n’est que routine tant que l’occupation de la Palestine continue, et continue même après l’élection d’Abbas.
Il n’y a pas de paix à Seida. La seule paix qu’on puisse trouver est dans la magnificence du paysage – des vallées vertes, des oliviers et cet air frais. Malheureusement, ça ne suffit pas.
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Source : www.palsolidarity.org
Traduction : CS pour ISM-FRance
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