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Palestine -

Des jours perdus mais pas oubliés : le récit de ma famille du Jour de la Nakba

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Le Jour de la Nakba est un jour important pour le peuple palestinien. Presque chaque famille a une histoire à raconter sur ce jour de 1948 quand de nombreux Palestiniens ont été forcés de quitter leurs maisons pour chercher refuge sur des terres moins dévastées. Pour la famille Sabella, le Jour de la Nakba est une journée de réflexion. Aujourd’hui, j’ai rendu visite à ma tante Hilda et à mon oncle Maurice, dans la Vieille Ville de Jérusalem, avec un ami, et je leur ai demandé de me raconter leurs souvenirs du Jour de la Nakba.

Des jours perdus mais pas oubliés : le récit de ma famille du Jour de la Nakba

La maison de la famille Sabella à Katamon, Jérusalem, Palestine occupée
Ma tante a bu une gorgée de son café arabe sucré et m’a regardé, les yeux sombres : « J’ai toujours le papier et la clé, tu sais, » dit-elle. Tante Hilda parlait du document qui prouve que mon grand-père était propriétaire de sa maison à Katamon, à Jérusalem Ouest, en 1936. Je lui ai demandé de m’en dire davantage sur la maison. « Ton grand-père l’a achetée au Patriarcat Latin en 1936 et notre famille y a vécu jusqu’à 1948, quand la guerre a éclaté, » dit-elle. « C’était une jolie maison avec beaucoup de terrain autour, » se rappelle ma tante. « Je me souviens encore de la vue qu’on avait depuis la porte d’entrée. »

Je lui ai demandé de me raconter ce qui s’est passé en 1948. Elle hoche la tête, tire une bouffée sur sa cigarette et me ramène en arrière. « Ton grand-père aimait cette maison, mais quand la Hagana a bombardé l’hôtel Sémiramis, à Katamon, tuant 26 personnes, il a décidé qu’il était temps de partir. » La Hagana était la milice juive clandestine qui était active à l’époque et qui plus tard a formé le noyau de l’armée israélienne. Mon grand-père redoutait que le quartier, qui était le seul quartier arabe entre deux quartiers juifs, continue d’être la cible de la tristement célèbre milice juive. Il a choisi la sécurité d’abord, comme beaucoup d’autres qui ont été obligés de fuir à la recherche de lieux sûrs.

Mon grand-père Zacharia, ma grand-mère Margaret, mon père Bernard, mes oncles Abdallah et Maurice, et mes tantes Hilda et Bernadette ont fait leurs bagages et sont partis vers le Liban où ils ont trouvé refuge dans la petite ville de Ghazir. Ils y sont restés neuf mois, jusqu’à ce qu’ils décident de revenir à Jérusalem et de s’installer dans la Vieille Ville, qui était à l’époque sous souveraineté jordanienne. C’est cette même maison dans laquelle nous sommes assis aujourd’hui, discutant en buvant notre café arabe. C’est cette même maison dans laquelle ma famille se retrouve pendant des fêtes comme Pâques et Noël, et où nous honorons et maintenons vivantes les nombreuses traditions que célébraient mes grands-parents.

En 1948, cette maison dans le cœur de la Vieille ville de Jérusalem était un appartement d’une seule pièce. Il n’y avait ni cuisine, ni toilettes, et pas d’eau courante. Les sept membres de la famille Sabella y ont vécu, dans des conditions difficiles, pendant dix-sept ans. « Mais nous y sommes arrivés, » dit ma tante Hilda.

En 1965, la maison fut rénovée et pour la première fois, la famille Sabella, qui comprenait à l’époque dix membres avec en plus mon oncle Tony, ma tante Thérèse et mon oncle David, put profiter d’une maison avec l’eau courante et des toilettes.

En 1972, ma famille est revenue où leur maison de Katamon était jadis située. « Nous sommes revenus pour voir notre maison, mais nous avons découvert qu’elle avait été détruite et qu’à sa place, il y avait un immeuble de seize appartements, » se souvient ma tante Hilda. Elle me dit qu’ils sont restés là un moment, silencieux, se souvenant de leur enfance et des terrains vagues alentour où ils avaient l’habitude de jouer et de se balader.

Nous, Palestiniens, commémorons le jour de la Nakba non pas parce que nous haïssons nos voisins, mais parce que pendant que nos voisins faisaient la fête, nous souffrions. Chaque famille palestinienne a une histoire à raconter qui lui tient fort à cœur sur ce jour-là. Comment peut-on demander à mon père, à mes tantes ou à mes oncles d’oublier la mémoire de Katamon, d’enterrer leurs souvenirs d’enfance dans cet endroit, où les champs qui entouraient leur maison ? Nous commémorons le jour de la Nakba parce que d’une certaine façon, notre Nakba est toujours en cours. Que ce soit l’expulsion d’une famille à Silwan, ou la confiscation d’un terrain à Beit Jala, ou la destruction d’un village bédouin dans la Vallée du Jourdain, ou la suppression des droits à résidence des Palestiniens à Jérusalem, la souffrance de notre peuple continue et tout ce que nous avons pour nous raccrocher, ce sont nos souvenirs. Nous n’oublierons jamais notre passé, mais peut-être que quand notre peuple sera libre, indépendant et qu’il mènera une vie digne, nous pourrons commencer à regarder l’avenir plutôt que de pleurer sur notre passé. Mais en attendant que ce jour arrive, notre peuple continuera de remonter dans le temps et de commémorer notre Nakba.



Source : Huffington Post

Traduction : MR pour ISM

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