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Gaza - 19 mars 2020
Par Ziad Medoukh
Depuis l'annonce, début mars, de plusieurs personnes atteintes du Coronavirus en Cisjordanie occupée, à Bethléem en particulier, l'état d'urgence a été décrété dans tous les territoires palestiniens pour un mois par décision de l'Autorité palestinienne.
Malgré la division inter-palestinienne et l'existence de deux gouvernements, les autorités de Gaza ont été obligées d'appliquer ces décisions prises par Ramallah, et coordonner avec le ministère de la santé dans le contexte de l'épidémie de Coronavirus.
Les écoles, les jardins d'enfants et les universités sont fermés jusqu'à nouvel ordre partout, et un centre de quarantaine a été ouvert au passage de Rafah, au sud de la bande de Gaza, pour les personnes rentrant à Gaza ; même si les rassemblements ne sont pas interdits officiellement, et que les cafés, les restaurants et les parcs publics ne sont pas fermés jusqu'à présent, des mesures de précaution et de prévention ont été prises dans cette enclave sous blocus israélien.
Ces mesures, même très utiles, ont aggravé la situation économique déjà très difficile, avec des secteurs touchés directement ou indirectement, comme le transport scolaire et universitaire.
Cette semaine, le gouvernement qui gère la bande de Gaza a décidé de fermer le passage de Rafah, le seul passage qui relie cette région à l'extérieur, une décision réclamée par la population civile. C'est la première fois depuis quinze que les Palestiniens de Gaza demandent la fermeture des passages et non sa réouverture.
Car personne ne peut imaginer comment les Palestiniens de Gaza devront faire si le virus les frappait.
Même si jusqu'à présent, il n'y a aucun cas infecté par le Coronavirus dans la bande de Gaza, le fait que ce virus est arrivé en Cisjordanie et en Israël commence à inquiéter les Palestiniens de Gaza, notamment dans le contexte particulier marqué par une crise sanitaire et économique sans précédent. Pour eux, ce virus qui n'a pas de frontières peut à n'importe quel moment arriver, car personne ne peut arrêter la propagation du Coronavirus avec le manque d'installations médicales bien équipées, et la crise fondamentale qui touche le secteur de la santé en faillite du fait du blocus.
C'est dans le secteur de Bethléem, au sud de la Cisjordanie occupée, qu'ont été identifiés les premiers cas de l'épidémie Covid-19. Près de 40 personnes sont contaminées. Elles sont actuellement isolées et soignées en quarantaine dans un hôtel sous surveillance médicale intensive.
Pour les Palestiniens, lutter contre cette épidémie de Coronavirus n'est pas une affaire simple, même si les institutions peu opérationnelles de l'Autorité palestinienne tentent de suivre à la lettre les instructions de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette dernière a confirmé que la Palestine a été le deuxième pays dans le monde, après la Chine, a décrété l'état d'urgence pour freiner la propagation du virus.
Dans la bande de Gaza, le pire de scénario est à craindre si le virus mortel arrive dans cette région densément peuplée et qui souffre depuis plus d'une décennie.
A part, quelques médicaments et kits de dépistages envoyés par l'Autorité palestinienne de Ramallah, quelques appareils de diagnostic et des masques fournis par l'OMS, les hôpitaux de Gaza sont en mauvais état de fonctionnement, avec un manque de moyens et d'effectifs, comme nous avons constaté lors de l'incendie de début mars, lors l'incendie qui a touché un marché public au centre de la bande de Gaza, avec 11 blessés graves qui sont morts l'un après l'autre.
Le responsable de l'OMS en Palestine déclare qu'il n'existe que 50 tests de détection dans toute la bande de Gaza et une centaine de masques de protection pour les professionnels qui seraient amenés à traiter des patients positifs.
Plus de la moitié des médicaments essentiels sont désormais manquants dans les hôpitaux, dont les antibiotiques.
Sans oublier l'eau sale, les pannes de courant chroniques, la bande de Gaza est un lieu impropre à l'habitation humaine.
Face à cette situation préoccupante, les Palestiniens de Gaza sont partagés entre attente, humour et inquiétude.
Ils sont en train de suivre avec beaucoup d'attention l'évolution de cette épidémie en Cisjordanie et dans le monde entier, ils attendent le pire des choses avec des questions légitimes:
Est-ce que ce sont les autorités israéliennes qui vont prendre en charge le transfert des premiers cas contaminés de Gaza dans les hôpitaux israéliens ? ou ce sera le rôle de l'OMS ?
Si un seul cas à Gaza est découvert, la communauté internationale prendra-elle ses responsabilités ou va-elle laisser deux millions d'habitants à leur sort, comme elle l'a déjà fait et continue à le faire depuis plus de 14 ans ?
Est-ce que la bande de Gaza a le droit à une aide internationale et un secours dans le pire des cas ?
Beaucoup d'habitants ici évoquent le Coronavirus avec un humour noir; ces Palestiniens isolés disent que Gaza sous blocus est devenu "L'endroit le plus sûr au monde" et que la bande de Gaza est en quarantaine depuis plus de quatorze ans. Et que le blocus a été pour une fois utile pour cette population civile, et que les frontières devraient rester fermées. Ils disent encore que ces gens qui ont survécu à trois offensives militaires, à un blocus mortel et au gaz toxique, au phosphore blanc sont capables de battre le Coronavirus s'il arrive chez eux.
Ils sont inquiets, ils appliquent les instructions demandées, ils ont peur. Ils savent que leur situation est problématique et extrêmement préoccupante.
Les familles des prisonniers sont inquiètes pour leurs enfants et proches dans les prisons israéliennes car elles sont privées de produits de nettoyage à l'intérieur et que les mesures de désinfection ne sont pas appliquées par ordre militaire israélien.
Les Palestiniens de Gaza ont un peu oublié les attaques israéliennes sur leur territoire, leur quotidien terrible, les résultats des élections israéliennes, les pénuries de carburant, les coupures de courant, l'eau contaminée et les infrastructures en ruine. Ils pensent seulement à leur sort si le Coronavirus arrivait chez eux.
Ce sont les habitants de cette région enfermée qui envoient des messages de soutien et d'encouragement à leurs amis et aux solidaires dans le monde qui sont souvent confinés chez eux.
En attendant, la population civile dans la bande de Gaza s'organise, avec des campagnes officielles et citoyennes de sensibilisation à l'épidémie, et des initiatives, des jeunes notamment, pour informer sur les conséquences graves de ce virus et de stérilisation quotidienne des lieux publics.
Les Palestiniens de Gaza patientent, ils s'adaptent avec cette nouvelle situation, comme ils ont déjà fait pendant plus de 14 ans.
La vie continue malgré tout, pas de panique pour le moment, mais l'inquiétude est toujours sur les visages. Les habitants espèrent qu'aucun cas n’y arrive.
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