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Palestine - 10 juin 2010
Par Lubna Masarwa
Lubna Masarwa est une des organisateurs du mouvement Free Gaza, et était la représentante du mouvement sur le Mavi Marmara.
Pendant l’attaque Israélienne sur le Mavi Marmara, loin dans les eaux internationales, j’étais à l’intérieur du bateau. Nous étions tous des civils non armés, allant d’un enfant de 1 an jusqu’à un prêtre âgé de 88 ans. Nous nous dirigions vers Gaza pour briser le siège qu’Israël impose depuis maintenant 4 ans à une population d’un million et demi de personnes. Nous transportions une cargaison d’aide humanitaire, de matériels de construction ainsi que des lettres que des enfants turques avaient écrites pour les enfants de Gaza. Nous étions pleins d’espoir. Lorsque l’attaque débuta le 31 mai 2010 à 4 heures du matin, notre bateau se transforma en une cible militaire. Il y eut d’abord de nombreux coups de feu sur le pont, puis les commandos d’occupation israéliens prirent contrôle du bateau.
Lubna Masarwa, à la tribune avec les trois autres survivants palestiniens de 48 qui étaient à bord du Mavi Marmara : Mr. Muhammed Zeidan président du Haut Comité de Suivi des Citoyens Arabes d’Israël, Sheikh Raed Salah, dirigeant du Mouvement Islamique en Israël (nord), Sheikh Hamad Abu Daabes, dirigeant du Mouvement Islamique en Israël (sud)..
A quatre heures du matin, quelques minutes après le début de l’attaque, on descendait déjà les blessés et les morts depuis le pont jusqu’à l’intérieur du bateau. Nous avons alors été forcés de rester là avec quatre cadavres et des douzaines de blessés dont certains dans un état critique. Les morts et les blessés saignaient abondamment. Nous voulions les aider mais nous n’avions aucun équipement médical pour les traiter. On ne pouvait rien faire. Une femme turque était en pleurs alors qu’elle disait au revoir à son mari mort, elle lui caressait le visage tout en lisant le Coran. Une autre personne était blessée par balle à la tête, elle était en train de mourir.
Dès cinq heures du matin, nous avons supplié la marine israélienne d’envoyer une assistance médicale pour les blessés et les mourants, mais nous n’avons reçu aucune réponse. On leur a demandé en anglais et en hébreu avec des hauts parleurs, et nous avons écrit en hébreu sur une banderole : « SOS… des gens sont en train de mourir et ont besoin d’une assistance médicale immédiate » et nous l’avons apposé sur les fenêtres juste en face d’eux. Ils ont dit aux personnes qui tenaient la banderole de dégager.
Vers 7 heure du matin, ils nous ont donné l’ordre de sortir par la porte un par un.
Je leur ai demandé en hébreu si du personnel médical pouvait rester avec les blessés ; un soldat m’a dit de la fermer. Plus tard il m’a appelé et m’a dit : « Toi, dis aux blessés que si ils veulent rester en vie, ils doivent sortir un par un. » On a essayé de faire sortir les blessés un par un, mais ils tombaient car ils n’arrivaient pas à marcher.
Nous avons été transférés sur le pont supérieur. Ils nous ont fouillés, nous ont attachés les mains et nous ont forcés à nous asseoir ou nous agenouiller alors qu’un hélicoptère faisait du surplace quelques mètres au dessus de nos têtes. Des soldats lourdement armés nous surveillaient avec des chiens, ils avaient des pistolets et des couteaux attachés autour de leur jambe et de leur bras. Ils se tenaient debout autour de nous, leurs bottes tachées du sang de leurs victimes et se faisaient entre eux des remarques obscènes sur les femmes prisonnières.
Puis une délégation officielle israélienne arriva et se pavana sur le bateau. Ils nous ont gardés comme ça pendant des heures.
J’ai été retenue là jusqu’au 1er juin 2010 à 1h40 du matin.
Dès que les forces d’occupation israélienne ont appris que j’étais palestinienne ayant la citoyenneté israélienne, ils m’ont traitée encore plus durement et m’ont isolée du reste des autres passagers prisonniers. J’ai été transférée à la prison d’Ashkelon, détenue en isolation et soumise à des humiliations comme des fouilles au corps quatre fois par jour. Le jour suivant, ils nous ont amenés au tribunal. Je suis restée dans la voiture de police, une petite boite de métal, pendant 8 heures, pieds et poings liés. On nous a accusés de nombreuses choses, comme d’avoir attaqué des soldats ou d’avoir porté des armes. Le juge a donné à la police la permission de prolonger notre détention pour 8 jours de plus.
Lorsque les autorités israéliennes ont cédé à la pression internationale et ont libéré tous les prisonniers étrangers, les Palestiniens de 48 ont tous été déférés une nouvelle fois devant le tribunal (NDLR : les Palestiniens de 48 désignent les Palestiniens qui vivaient ou vivent encore dans la région aujourd’hui considérée comme Israël, soit les frontières au lendemain de la guerre de 48). Le juge a cette fois décidé que nous serons envoyés en maison d’arrêt, avec une interdiction de quitter le pays pendant 45 jours.
En tant qu’occupant et colonisateur, Israël s’appuie sur le principe de « diviser pour mieux régner » afin de maintenir son contrôle. Israël est particulièrement menacé par la délégation des Palestiniens de 48 présente à bord du Mavi Marmara car elle défie ses tentatives de nous diviser en tant que Palestiniens. En luttant aux cotés de nos frères et sœurs qui subissent le siège, nous envoyons le message que nous sommes un seul peuple et que notre lutte est la même. Notre solidarité menace Israël.
Il n’est pas étonnant qu’Israël assassine des civils dans les eaux internationales. C’est une simple continuation de leur politique vis-à-vis des civils, les ciblant directement en utilisant la force pour tuer, ainsi que les politiques meurtrières comme le siège de Gaza et les méthodes d’occupation et d’Apartheid.
Israël se croit investi du droit d’assiéger, de tuer, et d’attaquer des civils dans les eaux internationales. Ceci à cause du silence de la communauté internationale qui lui fait croire qu’il a le droit de faire ca.
Il est temps maintenant de briser ce silence et d’agir. De dire à Israël : « trop c’est trop ».
L’impunité d’Israël doit prendre fin. Les criminels de guerre israéliens, comme ceux qui ont commis l’acte de piraterie et d’assassinat sur le Mavi Marmara, ainsi que leurs supérieurs, doivent répondre de leurs crimes devant une cour internationale de justice.
Depuis la maison d’arrêt de Kfor Qara, Palestine.
Source : Palsolidarity
Traduction : Léo pour ISM
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Lubna Masarwa
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