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Liban - 25 décembre 2007
Par Mona Alami
Dans le dédale des rues sales qui vont de la Cité du Sport retapée de Beyrouth aux quartiers Halaby miteux, 20.000 réfugiés s'entassent dans ce qui est connu sous le nom de Camp palestinien Bourj al-Barajneh. Dans cette ville gangrenée par la pauvreté, de nombreuses familles vivent dans une misère noire.
Ces oubliés sont tombés dans les fissures de la légalité et ne sont à leur place nulle part : on les appelle les Palestiniens sans papier.
Avec la création de l'Etat d'Israël en 1948, beaucoup de Palestiniens ont fui leur patrie et se sont réfugiés au Liban. Aujourd'hui, ils sont environ 400.000 réfugiés à vivre sur la "Terre du Cèdre", certains sans papier, et sans être enregistrés ni par l'Office de Secours et de Travaux des Nations Unis pour les Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief and Works Agency - UNRWA) ni par les autorités libanaises.
"Je suis tombée amoureuse d'un combattant palestinien qui est venu au Liban dans les années 1970 pour se battre, avec l'OLP, pendant la guerre civile libanaise", dit une femme qui se fait appeler Manal, mais ce n'est pas son vrai nom. Son mariage l'a finalement amenée dans ce camp. "J'étais folle et très amoureuse. Mon père était opposé à notre mariage. Le combattant était entré dans le pays clandestinement, et n'avait donc aucun papier. C'est la première fois que j'ai entendu parler des "sans papier"."
L'UNRWA considère comme "réfugié palestinien" "toute personne dont le lieu de résidence habituel était la Palestine entre Juin 1946 et le 15 mai 1948 et qui a perdu son domicile et ses moyens de subsistance en raison du conflit de 1948. Les services de l'UNRWA s'adressent à tout ceux qui vivent dans la sphère d'opération couverte par cette définition, qui sont inscrits à l'Office et qui ont besoin d'aide. La définition de réfugié de l’UNRWA couvre également les descendants des Palestiniens qui sont devenus des réfugiés en 1948."
La catégorisation des réfugiés palestiniens par l'Office n'inclut pas ceux qui sont classés comme "non titulaires de papiers d'identité", les mettant dans l'impossibilité de bénéficier des services aux réfugiés, dont les soins de santé.
Les réfugiés palestiniens sans papier subissent également des restrictions de mouvement en dehors des camps – et ce n'est pas tout. "A côté des difficultés quotidiennes auxquelles ils sont confrontés en tant que réfugiés, les Palestiniens sans papier de la deuxième et de la troisième génération font face à d'autres problèmes comme la non obtention de diplômes par défaut des papiers adéquats, ou l'impossibilité de se marier et même de prendre part à des activités ordinaires", dit Mireille Chiha, du Conseil Danois pour les Réfugiés (DRC).
Nawal vit dans une des nombreuses maisons minuscules en béton à Bourj al-Barajneh. Son père, handicapé, est au lit toute la journée. L'appartement est humide et sombre et les fenêtres donnent sur une ruelle inondée par une canalisation d'eaux usées.
"Je me suis mariée à un réfugié palestinien jordanien qui a participé à la guerre civile libanaise de 1975. Nous avons eu deux filles, qui ont hérité toutes les deux de son statut illégal. Mon mari devait régulariser la situation, mais un jour il a disparu et je ne l'ai jamais revu. Aujourd'hui, mes filles ont 20 et 18 ans. Je suis allée à l'Ambassade de Jordanie plusieurs fois pour obtenir les documents officiels pour elles, mais il semble que seul leur père puisse en faire la demande."
Nawal est inquiète pour l'avenir de ses enfants. "Comment peuvent-elles se marier ? Elles ne sont reconnues par aucune agence gouvernementale. C'est vrai que l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) peut fournir des documents officiels aux sans papier, mais je préfèrerais de beaucoup que mes filles ne prennent pas ce risque, car l'organisation est quelquefois vue de façon négative par de nombreux libanais."
Sobhi Hassan, un jeune homme d'une vingtaine d'année qui travaille comme vendeur dans un des magasins du camp, a hérité du statut illégal de réfugié sans papier de son père, qui est arrivé au Liban dans les années 70. "Lorsqu'il est mort, ce fut comme s'il n'avait jamais existé. Il n'avait de toutes façons jamais existé aux yeux des agences officielles. J'ai dû quitter l'école à 15 ans – comme mes frères et mes sœurs – parce que je n'avais pas le droit de m'inscrire aux examens sans les papiers d'identité adéquats."
Le jeune homme a été arrêté plusieurs fois aux checkpoints de l'armée, mais il dit qu'il a réussi à s'échapper chaque fois. "J'ai fini par accepter l'idée que je ne pouvais vivre et travailler que dans le camp. Si non, je peux être arrêté et détenu pendant plusieurs mois, comme beaucoup d'autres."
Bien que les réfugiés sans papier partage le même modèle socio-économique que les autres Palestiniens du Liban, ils sont plus isolés que les réfugiés ordinaires. La plupart des réfugiés sans papier possèdent des preuves d'identité qui pourraient faciliter la légalisation de leur situation, parce que leur identité palestinienne peut être reconstituée auprès de l'autorité qui fut jadis responsable de leurs papiers, comme la Jordanie ou l'Egypte. Mais parce que les lois encadrant les réfugiés palestiniens ont changé, les sans papier ont été dans l'impossibilité de demander une carte d'identité à ces pays.
Le gouvernement libanais actuel, dirigé par le Premier Ministre Fouad Siniora, a mis sur pied un comité pour le dialogue libano-palestinien pour s'occuper de la question des réfugiés sans papier. Il a beaucoup à faire.
Beaucoup de réfugiés ont peu d'espoir. "J'ai décidé de ne pas me marier", dit Hassan. "Pourquoi est-ce que j'exposerai mes enfants à une vie si dure, si désespérée ?"
Source : Uruknet
Traduction : MR pour ISM
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