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Egypte - 25 décembre 2007
Par Adam Morrow et Khaled Moussa al-Omrani
Trente ans après le voyage historique de feu le Président égyptien Anwar Sadat en Israël, les relations diplomatiques de l'Egypte avec l'Etat hébreu demeurent cordiales. Au niveau populaire, toutefois, cette relation – renforcée par l'Accord de Paix de Camp David en 1978 – représente toujours une source majeure de discorde.
Begin, Carter et Sadate, à Camp David, en 1978
"La soi-disant paix entre Egypte et Israël continue de manquer d'approbation populaire", dit Ahmed Thabet, professeur en Sciences Politiques à l'Université du Caire. "Pendant ce temps, Israël a exploité la situation pour maintenir ces politiques racistes expansionnistes."
Le 20 novembre 1977, Sadat a pris le monde par surprise en allant à Jérusalem, où il a fait des ouvertures de paix directes aux membres du parlement israélien, la Knesset. Un an après, l'audace de Sadat a été récompensée sous la forme de l'accord de paix de Camp David, qui a rendu la Péninsule du Sinaï – prise par Israël en 1967 – à la souveraineté égyptienne.
Le traité a également réactivé les relations diplomatiques entre les deux états, faisant du Caire la première capitale arabe à reconnaître officiellement Israël, depuis sa création en 1948.
La décision du Caire de signer une paix séparée avec Israël a toutefois scandalisé le monde arabe au sens large. En 1979, à la suite de Camp David, l'adhésion de l'Egypte à la Ligue Arabe a été suspendue, et les quartiers généraux de la Ligue ont été déménagés du Caire à Tunis.
L'adhésion de l'Egypte à la Ligue a été rétablie dix ans après. Néanmoins, la plupart des 22 nations affiliées sont restées formelles jusqu'à aujourd'hui sur le fait que la normalisation diplomatique avec Tel Aviv devait venir dans le contexte d'un règlement "équitable" du conflit israélo-palestinien.
Avec l'Egypte, seul le Royaume Hachémite de Jordanie – qui a signé son propre accord de paix en 1994 – a des relations diplomatiques totales avec Israël.
Dans les décennies qui ont suivi Camp David, des sensibilités égyptiennes internes, scandalisées par la politique de la main lourde d'Israël sur la Palestine, ont empêché la possibilité d'une coopération bilatérale véritable.
Après le déclenchement du second Intifada en 2000, le Caire – dans une tentative de s'attirer les bonnes grâces arabes – a retiré son ambassadeur de Tel Aviv. Il y est cependant revenu en 2005, après qu'un sommet de paix important ait été réuni dans la station balnéaire de Sharm al-Sheikh, auquel a participé le Président égyptien Hosni Mubarak, le Premier Ministre israélien de l'époque Ariel Sharon et le Président de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas.
Depuis, l'activité diplomatique égypto-israélienne a repris de façon sensible. Au cours des deux dernières années, de nombreuses personnalités israéliennes de premier plan – dont des ministres et des députés – sont allés au Caire discuter avec leurs homologues égyptiens.
Avec des échanges diplomatiques à haut niveau, le rapprochement naissant a été marqué également par une coopération économique accélérée.
En 2004, Le Caire et Tel Aviv – avec la bénédiction de Washington – ont signé un accord commercial bilatéral considérable. Connu sous le nom de "Accord des Zones Industrielles Qualifiées" (Qualified Industrial Zones – QIZ), le deal permet aux producteurs égyptiens d'exporter des marchandises sur le marché US, sans taxe, à condition qu'elles contiennent un pourcentage de produits israéliens.
En octobre cette année, le Ministre israélien de l'Industrie a rencontré son homologue égyptien au Caire pour modifier l'arrangement. Selon les nouvelles clauses, le pourcentage obligatoire de produits israéliens a été légèrement réduit mais l'étendue géographique de l'arrangement a été élargie de manière à inclure la production des usines de Haute Egypte.
En 2005, Le Caire a également approuvé un accord entre une usine d'énergie privée basée en Egypte et l'entreprise israélienne d'Etat Electric Corporation. Selon les termes du marché, qui doit bientôt entrer en vigueur, la compagnie est obligée de vendre quelques 1,7 milliards de m3 de gaz naturel par an à Israël, pendant 15 ans.
Cependant, en dépit de ces développements, la notion de coopération avec l'Etat hébreu – étant donné la bellicisme israélien perçu – demeure largement impopulaire dans la rue égyptienne.
Les critiques égyptiennes de la politique israélienne ciblent le siège actuel par Tel Aviv et Washington de la Bande de Gaza gouvernée par le Hamas ; la construction ininterrompue de colonies dans les territoires occupés, en violation de la loi internationale ; la politique continue d'assassinat des résistants palestiniens et les efforts israéliens pour "judaïser" la ville de Jérusalem en la vidant de ses habitants arabes.
Les perceptions égyptiennes d'Israël comme un agresseur ont été renforcées par la guerre de l'été 2006 entre l'armée israélienne et le groupe libanais de résistance Hezbollah. Dans ce conflit, Israël a été largement condamné pour son usage indiscriminé de la force, qui a eu pour conséquence la mort de milliers de non combattants au Sud Liban.
"La paix entre l'Egypte et Israël n'a pas mené à une modération de l'agression israélienne contre les Palestiniens et les Libanais", dit Thabet. "Tout ce que ça a produit, c'est de retirer le plus grand pays arabe – l'Egypte – de l'équation".
En contraste avec le Parti National Démocratique au pouvoir de Mubarak, virtuellement tous les partis d'opposition d'Egypte sont contre la normalisation diplomatique avec Israël.
Le mouvement des Frères Musulmans en particulier, qui représente le bloc d'opposition le plus important au parlement, reste catégorique sur son refus de reconnaître l'Etat d'Israël ou d'accepter les termes de l'accord de paix Egypte-Israël.
"Les Frères Musulmans ne reconnaissent pas Israël et rejettent l'accord de Camp David", a déclaré Essam al-Arian, chef du département politique du mouvement. "Si un référendum populaire avait lieu, nous sommes certains que le peuple le rejetterait aussi."
Thabet est d'accord sur l'essentiel de cette affirmation.
"Camp David a été signé par la petite élite politique et économique qui gouverne l'Egypte", dit-il. "Mais le peuple, ainsi que les groupes d'opposition de tous bords, rejètent le traité."
Selon al-Arian, on peut dire la même chose des accords économiques récents du Caire avec Israël.
"C'est le gouvernement égyptien qui a approuvé l'accord QIZ et la vente de gaz naturel", dit-il. "Mais ces marchés ne rencontrent aucun soutien populaire."
Tous les syndicats professionnels d'Egypte, et ils sont nombreux, sont eux aussi résolument opposés à l'idée de coopération avec l'Etat hébreu.
"Tous les syndicats professionnels, ainsi que la plupart des ouvriers et des intellectuels, sont contre la normalisation diplomatique", dit al-Arian, qui est également secrétaire général adjoint du Syndicat des Médecins égyptiens. "Ceux qui s'écartent de cette position peuvent s'attendre à voir leur adhésion suspendue."
Selon Thabet, la coopération égyptienne officielle avec Israël doit être vue dans le contexte de l'influence des Etats-Unis sur l'édification de la politique égyptienne.
"Le Caire a signé ces accords avec Israël – en dépit d'une énorme désapprobation populaire – sur ordre de Washington", dit-il. "Parce que, en fin de compte, le régime a besoin de Washington pour le maintenir au pouvoir."
Source : Electronic Intifada
Traduction : MR pour ISM
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