Gaza - 23 août 2011

Kulna Gaza - Nous sommes tous Gaza

Par Vera Macht

Vera Macht est journaliste et militante ISM, elle a passé un an à Gaza. Elle essaie d'y revenir et elle est actuellement au Caire, essayant d'avoir l'autorisation d'entrée par le passage frontalier de Rafah.

21 août 2011 - Quinze personnes ont été tuées jusqu'à présent, et aucune fin en vue. Demain les étrangers seront évacués, Israël menace d'une "attaque militaire massive", une invasion au sol n'est pas exclue. Quinze personnes tuées, dont deux enfants, je peux donner leurs noms, Malek, 2 ans, et Mahmoud, 13 ans. Je peux dire que le professeur de Mahmoud l'a décrit comme un élève intelligent, brillant, et je peux montrer des photos des deux. Comme si cela allait provoquer un scandale, comme si les médias occidentaux se préoccupaient des vies des enfants palestiniens. Non, Israël a été attaqué, Israël doit se défendre.

Funérailles de Malek Shaat, 2 ans, dans le camp de réfugiés de Rafah, 19 août 2011 (Photo credit MOHAMMED ABED/AFP/Getty Images)
Les détails de l'attaque contre Israël n'ont pas été révélés, les véritables auteurs n'ont toujours pas été identifiés et les factions militaires palestiniennes ont nié toute implication. Mais Gaza est accusée, comme toujours, Gaza doit être punie, le sang gazaoui doit être versé pour venger le meurtre d'Israéliens. Quelle quantité de sang devez-vous encore faire couler, vous les généraux israéliens ? Combien de Mahmoud et de Malek devront mourir, combien de femmes et d'enfants devront être blessés ou tués ? Les signes suggèrent qu'il y en aura beaucoup. Et les signes suggèrent que le monde va accepter ça. Qu'il acceptera que des gens innocents soient tués, des gens qui n'avaient absolument rien à voir avec l'attaque contre Israël. Mais bien sûr, les Palestiniens doivent être "punis", simplement parce qu'ils sont palestiniens.

Funérailles de Mahmoud Abu Samra, 13 ans, à Gaza-ville, 19 août 2011 (AP Photo/Adel Hana)

J'étais aux manifestations de protestations contre l'ambassade israélienne du Caire (voir la vidéo). Des soldats égyptiens aussi ont été tués. "Incident regrettable", a dit Ehud Barak, le ministre de la Défense israélien. Depuis quand est-ce juste dommage de tuer les soldats d'un pays voisin ? Les gens devant l'ambassade était en colère, ils ont exigé l'expulsion de l'ambassadeur, un manifestant a enlevé le drapeau israélien et l'a remplacé par un drapeau égyptien. (1) Pourtant, les militants égyptiens avec qui j'ai discuté sont sceptiques. L’Égypte est faible, disent-ils. Nous n'avons pas de président, pas de réelle direction politique, nous devons d'abord reconstruire notre pays, développer notre économie. Économie ? ai-je demandé. Ne vous méprenez pas. Je sais bien sûr que l'Egypte est dans une situation difficile. Mais on ne parle pas d'un soutien économique à un pays déchiré par la guerre.

Pendant que nous discutions, Gaza était bombardée. Pendant que nous parlions, des gens mourraient. Si Israël ne rencontre aucune résistance, aucun tollé, aucun appel de l'opinion publique mondiale, alors un nouveau massacre va se produire. Un Plomb durci II, qui a coûté la vie à 1.382 personnes en trois semaines, dont 320 enfants.

Je leur ai dit, je vous exhorte à ne pas regarder vos frères et sœurs se faire assassiner. J'en appelle à l'esprit de la communauté musulmane, mais en fait, je veux en appeler à l'humanité en chacun d'entre vous. Mes amis de Gaza ont changé la photo de leur profil Facebook pour une inscription en lettres rouges qui dit : "Kulna Gaza". Nous sommes tous Gaza. Dans une tentative désespérée de montrer au monde que les gens qui sont sous les bombes en ce moment ne sont pas des terroristes assoiffés de sang, mais des gens comme vous et moi. Qui sentent, pensent, rient et souffrent comme nous tous. Qui s’assoient chez eux devant leur ordinateur, enfermés dans une minuscule bande côtière où il n'y a aucun échappatoire, aucun endroit où se sentir en sécurité. Ils sont assis, espérant et priant pour que les bombes qui tombent autour d'eux ne frappent pas leur propre maison, qu'ils vivront jusqu'au lendemain. Avec l'internet comme seul moyen de montrer leur existence, leur souffrance, pour attirer l'attention sur leur humanité.

Kulna Gaza

En leur nom, j'en appelle à votre humanité. Parce qu'un morceau de terre qui n'a plus rien à exploiter, ni industrie ni ressources, qui est déjà complètement dévastée par les bombes, ne peut compter sur aucun soutien politique. Cette terre ne peut être aidée que par l'humanité. J'en appelle à votre humanité pour ne pas permettre un nouveau massacre à Gaza. Pour montrer votre opposition. Par des manifestations, des protestations.

Dans un pays comme l’Égypte, qui a plein de problèmes intérieurs, des milliers de gens étaient hier dans les rues pour manifester leur soutien à Gaza et pour montrer que là-bas, les gens ne sont pas seuls. Prenons-les en exemple.

J'en appelle à vous - à nous - pour protester. Avec le plus de bruit et de force possible. Un nouveau massacre ne peut pas et ne doit pas se produire à Gaza, et nous pouvons l'empêcher. Pas les hommes politiques, qui ne décident qu'en termes économiques. Mais nous, nous pouvons. Nous pouvons empêcher une nouvelle guerre à Gaza.

Kulna Gaza - nous sommes tous Gaza.


(1) L'entité sioniste veut poursuivre en justice Ahmed al-Shahat, le jeune égyptien qui est devenu un héros après avoir escaladé la façade de l'immeuble pour remplacer le drapeau israélien par un drapeau égyptien ("Israël seeks prosecution of Egyptian who removed embassy's flag", Palestinien Information Center, 22/08/2011)

Voir la vidéo de l'escalade impressionnante.

Source : Uruknet

Traduction : MR pour ISM