Envoyer cet article
Libye - 24 mars 2011
Par Courrier international
Propos recueillis par Mouna El Mokhtari
Le 17 février dernier, Amina [le prénom a été changé], jeune artiste libyenne, a gagné Benghazi, puis Tripoli pour participer à la révolte contre le régime de Muammar Kadhafi. Aujourd’hui réfugiée au Caire, elle témoigne.
Un résistant libyen à Ajdabiya, 21 mars 2011
Quelle est la situation sur place ?
J'ai quitté la Libye juste avant la mise en place de la zone d'exclusion aérienne [le 19 mars 2011], après avoir été bloquée à Tripoli. A Benghazi, toutes les lignes sont coupées, Internet aussi. A Tripoli, tous les commerces sont fermés et les jours où les mitrailleuses se taisent, il règne dans la capitale un silence effrayant. Nous avons de fortes suspicions concernant la fuite de Kadhafi à Sebha [dans le sud du pays]. On dit que l'un de ses fils serait blessé. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas qu'ils puissent s'échapper. Avec les liquidités que Kadhafi détient, il restera très dangereux pour la Libye et pour les pays engagés dans la coalition internationale. Nous demandons à tous les pays frontaliers de la Libye, et notamment au gouvernement algérien, de ne pas laisser fuir Kadhafi et sa famille.
Comment la révolte contre Kadhafi s'organise-t-elle ?
Chacun participe dans la mesure de ses moyens. Les femmes ont investi les rues et aident dans les hôpitaux à soigner les blessés, y compris dans une ville conservatrice comme Benghazi. Pour la Libye, c'est une véritable renaissance. Le cœur du mouvement est constitué par les jeunes qui sont sous-équipés et sous-entraînés. Quand ils gagnent une bataille, ils récupèrent les armes et les véhicules des mercenaires. Ce sont des résistants, pas des "rebelles" ni des "insurgés" comme on peut le lire dans la presse française. Parler de "rebelles" ou "d'insurgés", c'est reprendre les mots des communicants du régime qui stigmatisent la révolte. Les chiffres donnés par les hôpitaux sont faux : avec tous les bombardements et les tirs dont j'ai été témoin, Kadhafi a fait au moins 10 000 victimes parmi ses compatriotes.
Doit-on craindre une guerre civile ?
Non, il n'y a pas d'opposition entre l'Est et l'Ouest. L'Est n'en est pas à son premier soulèvement contre Kadhafi, c'est pourquoi les militaires qui y étaient basés ont rejoint la résistance. Mais l'Ouest est pris en otage par Kadhafi et ses milices. Il use de tous les moyens de pression pour s'assurer la loyauté des soldats, en leur présentant par exemple les cadavres de leurs camarades déserteurs, poings liés dans le dos. Certains ont préféré mourir plutôt que de tirer sur leurs concitoyens. Dans les avions et les chars d'assaut, on attache les hommes à leurs commandes pour les empêcher de fuir. Et Kadhafi n'hésitera pas à se faire un bouclier humain des membres du gouvernement et de leurs familles. Vous tuez ou vous êtes tué.
Que pensez-vous de l'intervention de la communauté internationale ?
Nous, les résistants, saluons cette intervention militaire avec toutefois une crainte : celle que ces forces ne partent jamais. Et on s'interroge aussi sur la contrepartie qui nous sera demandée. Va-t-on nous imposer un gouvernement ? L'installation d'une base militaire ? Après la colonisation italienne et quarante-deux ans d'oppression kadhafienne nous aimerions prendre enfin notre destin en main.
Que pouvez-vous faire depuis Le Caire ?
Beaucoup de Libyens, en particulier ceux qui sont originaires de Benghazi, rallient Le Caire pour mettre à l'abri femmes et enfants. Ici, les Libyens peuvent combattre la désinformation orchestrée par Kadhafi. Dire tout haut que les troupes du dictateur imputent à la coalition internationale des pertes humaines qui sont en réalité de leur fait. Ou que, pour ne pas être poursuivi pour crime contre l'humanité par un tribunal international, Kadhafi envoie ses soldats faire signer aux familles de victimes des décharges qui attestent que leurs proches sont morts de la main des manifestants. Nous nous improvisons journalistes, en filmant avec nos portables ou en témoignant auprès de médias, car nous n'avons pas de presse libre et que les journalistes étrangers présents en Libye sont enlevés ou risquent leur vie. Nous sommes aussi très reconnaissants au Qatar et à sa chaîne d'information Al-Jazira qui, en dépit de la mort d'un de ses journalistes et de l'enlèvement de trois autres, est restée sur le terrain et continue de nous informer.
D'autre part, Kadhafi et sa famille détiennent des comptes auprès de l'Arab International Bank, une banque égyptienne qui dispose de succursales dans tout le monde arabe, qui ne sont pas encore gelés. Nous comptons bien attirer l'attention de la communauté internationale sur cet argent pour empêcher Kadhafi de l'utiliser.
Source : Courrier international
Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.
L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
10 novembre 2021
Les prisonniers du tunnel de la Liberté défient leurs geôliers en plein tribunal (Vidéos)24 octobre 2021
Formidable mobilisation de soutien à Georges Ibrahim Abdallah et à la Palestine ce samedi à Lannemezan (65)13 octobre 2021
Des soldats israéliens rouent de coups et arrêtent un militant palestinien pendant la récolte des olives12 octobre 2021
Les étudiants et les diplômés de français participent à la cueillette des olives à Gaza20 septembre 2021
641 actes de résistance en Cisjordanie depuis l'opération "Tunnel de liberté"19 septembre 2021
Les troupes israéliennes capturent les deux derniers des six prisonniers politiques palestiniens évadés de Gilboa17 septembre 2021
Point sur la situation au Liban16 septembre 2021
L'avocat Mahajna rencontre Mahmoud Al-'Arda et confirme les tortures subies par les résistants évadés depuis leur capture12 septembre 2021
Abu Obeida : Tout accord d'échange n'aura lieu que s'il inclut les prisonniers libérés de la prison de Gilboa9 septembre 2021
100 Palestiniens blessés lors d’attaques des forces d'occupation (vidéos)Libye
Résistances
Courrier international
24 mars 2011