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Ramallah - 13 juillet 2010
Par Max Blumenthal
Lorsque les soldats israéliens sont entrés dans le village palestinien assiégé de Nabi Saleh le 2 juillet, ils ont immédiatement été confrontés à une bonne dizaine de jeunes enfants.
Alors que l’armée israélienne a l’habitude de tirer des grenades lacrymogènes, des grenades à percussion, des balles caoutchouc-acier et même des munitions de calibre .22 sur des adolescents, les membres de l’unité Nahal et de la brigade d’infanterie Kfir, chargés de réprimer la manifestation hebdomadaire de Nabi Saleh, se sont retrouvés encerclés par des enfants qui les narguaient. A un moment donné, le commandant de la division était tellement agacé qu’il s’est mis à aboyer dans sa radio, « J’ai besoin d’aide ! »
Le spectacle d’enfants de sept ans faisant face à des soldats lourdement armés et visiblement décontenancés offre une perspective extrêmement claire de la dynamique de pouvoir asymétrique qui anime le conflit israélo-palestinien. Il met aussi en lumière la réalité de la vie des enfants en Palestine occupée. Ils jouent au football et au ballon-prisonnier entre les phalanges de soldats tirant à quelques mètres des projectiles mortels sur leurs voisins– la vie de tous les jours est un acte de résistance.
Pourquoi les enfants participent-ils aux protestations populaires ? Prenons le cas de Ni’lin, un village palestinien engagé dans la lutte populaire contre la construction du mur de séparation au milieu de ses terres. L’armée israélienne détient trois membres de son petit comité populaire local – la direction politique du village – dans des conditions très dures dans la prison d’Ofer. Ils ont été arrêtés sans inculpation lors d’un raid nocturne, ont été soumis à la torture psychologique par le Shabak (service général de sécurité israélien) et sont incarcérés indéfiniment.
« Tout le monde a peur de protester maintenant, » me dit Saed Amireh, un habitant de Ni’lin d’une vingtaine d’années. « Je peux participer aux manifestations parce que je suis célibataire. Mais pour ceux d’entre nous qui ont femmes et enfants, aller en prison, c’est le pire. Comment pouvons-nous travailler pour nos familles ou savoir ce qui arrive à notre femme si nous sommes loin ? » Amireh vient d’être libéré après avoir passé quatre mois à la prison d’Ofer, séjour qu’il décrit comme « horrible ». Il n’est toujours pas sûr de quel crime il a été accusé d’avoir commis. « Ce sont des conneries, » dit-il. « Je ne me livre à aucune violence. »
Pendant la manifestation de vendredi à Nabi Saleh, on pouvait entendre les ordres beuglés dans les radios des soldats de photographier quelques-uns des gamins les plus âgés (lisez de plus de 10 ans) qui participaient à la manifestation. Les photos sont utilisées pour identifier les cibles pendant les raids nocturnes, quand les soldats entrent dans le village, masqués par l’obscurité, se précipitent dans les maisons et tirent de leurs lits les jeunes enfants ou les « shabab » (adolescents).
Selon Lymor Goldstein, avocat qui représente de nombreux habitants de Ni’lin détenus pour avoir participé à des manifestations, les jeunes arrêtés sont immédiatement soumis à la torture psychologique par le Shabak : ils sont détenus dans une obscurité totale, nourris à n’importe quelle heure, menacés et interrogés dès qu’ils sont suffisamment effrayés et désorientés. « Ils n’ont pas besoin de les frapper, » me dit Goldstein pendant une manifestation à Ni’lin. « La torture psychologique est si intense que presque personne ne peut y résister. » (Goldstein me confit qu’il a des problèmes à se souvenir des noms spécifiques à cause d’une balle caoutchouc-acier qui lui a percé le crane pendant une manifestation, à Bil’in, en 2006, et lui a provoqué des troubles durables de la vision et de la mémoire. (Ici la vidéo où la police israélienne des frontières réprime dans le sang la manifestation non violente et blesse Goldstein d’un tir dans la tête à quelques mètres)
Parce que les adultes sont particulièrement vulnérables à l’emprisonnement et que les adolescents sont la cible de n’importe quel type de violence que l’armée israélienne veut appliquer contre eux, les gamins ont mené les manifestations de Nabi Saleh au moins en trois occasions. Alors que les soldats agissaient généralement avec une certaine « retenue » envers les enfants (l’unité Nahal comporte des soldats aux tendances de gauche qui ont été convaincus qu’ils pouvaient favoriser un « changement de l’intérieur » en rejoignant une unité de combat) (1), des enfants de guère plus de sept ans ont été convoqués récemment pour interrogatoire par le Shabak. Bien que ce dernier est qualifié l’incident d’ « erreur », il n’est pas isolé. Nora Barrows-Friedman a rapporté en mars dernier qu’un enfant de 10 ans avait été tabassé par les troupes israéliennes lors d’un raid nocturne chez lui, puis détenu pendant 10 heures dans une colonie voisine. A Nabi Saleh, un jeune garçon a été grièvement blessé par les forces israéliennes en mars.
Le 2 juin, des soldats ont passé leurs nerfs sur deux activistes israéliens, Jonathan Shapira et Matan Cohen, lors d’une arrestation violente. Bien que Shapira et Cohen aient été accusés sans fondement par le bureau du porte-parole de l’armée israélienne d’avoir « attaqué » les soldats, ils ont été libérés après quelques heures de détention.
Que font les soldats israéliens à Nabi Saleh en premier lieu ? Le village est assiégé par ses voisins de la colonie israélienne nationaliste religieuse de Halamish depuis sa construction en 1977, sur une terre privée appartenant aux habitants de Nabi Saleh.
Récemment, les colons ont pris le contrôle d’une source qui appartient au village depuis sa construction au 19ème siècle. En décembre 2009, les colons ont arraché des centaines d’oliviers du village, pour tenter de ré-annexer la terre qu’une décision de cour avait rendu à Nabi Saleh. Depuis, les fermiers de Nabi Saleh sont l’objet d’attaques quotidiennes des colons qui les empêchent de travailler leurs terres. L’armée israélienne a pris fermement le parti de Halamish, réprimant les manifestations avec une force « disproportionnée », tout en ne faisant rien, ou si peu, pour empêcher la violence des colons illégaux. Mais si l’esprit des jeunes manifestants de Nabi Saleh est une indication, l’armée a du chemin à faire avant de briser la volonté des villageois.
(1) La naïveté de l’auteur de l’article nous semble confondante... ndlr
Source : IMEMC
Traduction : MR pour ISM
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