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Norvège - 26 juillet 2011
Par Max Blumenthal
Lorsqu'en décembre dernier j'ai écrit une analyse sur l'"Axe de l'Islamophobie" (1) dans laquelle j'expose un nouveau réseau politique international d'ulta-sionistes de droite, de chrétiens évangéliques, de militants du Tea Party et de hooligans racistes du football britannique, je ne prévoyais pas qu'un terroriste comme Anders Behring Breivik sortirait des rangs du mouvement. En même temps, je n'en suis pas surpris. La rhétorique des personnalités qui ont inspiré Breivik, de Pam Geller à Robert Spencer à Daniel Pipes, était de nature tellement "éliminationniste" que ce n'était peut-être qu'une question de temps avant que quelqu'un mette les paroles en action.
Le ministre norvégien des Affaires étrangères Jonas Ghar Stor rend visite au camp de la jeunesse travailliste à Utoya, la veille de la tuerie de Breivik, où il a été acclamé pour son appel déterminé aux droits palestiniens.
Aussi horribles que soient les actes de Breivik, il ne peut pas en être exonéré sous le prétexte de la "folie". Ses écrits contiennent les mêmes thèmes et le même langage que ceux des islamophobes les plus en vue (ou de ceux qui se qualifient eux-mêmes de "contre-jihadistes") et de beaucoup de conservateurs en général. Qui plus est, Breivik s'exprime bien et il est suffisamment cohérent pour offrir un aperçu clair de ses motivations idéologiques. Ali Abunimah (en français, Info-Palestine, ndt) et Alex Kane (en anglais, Mondoweiss) ont posté d'excellents résumés des écrits de Breivik, dont on trouve ici une traduction intégrale en anglais.
D'un point de vue tactique, Breivik n'est pas "loup solitaire" terroriste. Il semble plutôt opérer selon un modèle de résistance sans leader, tout comme les terroristes chrétiens anti-avortement Scott Roeder et Eric Rudolph.
Waagner et Rudolph ont regroupé l'Armée de Dieu, un groupe nébuleux qui n'est connu que par son site en ligne et les pamphlets que ses membres distribuent aux aires de repos des camions et dans des réunions privées. S'il reçoit du soutien matériel ou tactique, c'est spontanément. L'essentiel des encouragements dont il jouit vient de gens qui partagent ses idées et d'organisations comme "Operation Rescue", mais il accepte rarement l'aide directe. Breivik, qui est sorti du Parti du Progrès norvégien anti-immigration (qui a noué des liens avec le Tea Party d'Amérique) et qui a dérivé vers la sphère extrémiste de la Ligue de Défense anglo-norvégienne, mais qui semble agir sans soutien organisé formel, reflète le même style de résistance sans leader que les terroristes anti-avortement d'Amérique.
Alors qu'à bien des égards Breivik partage des similitudes fondamentales avec d'autres terroristes de la droite antigouvernementale, il est le produit d'un mouvement relativement nouveau, de plus en plus dangereux et mal compris. Je l'ai décrit en détail dans mon article "Axe de l'islamophobie", notant sa projection simultanée de thèmes antisémites sur les immigrants musulmans et l'attrait d'Israël comme le Fort Apache en première ligne dans la guerre contre le terrorisme, et qui fait barrage contre les hordes barbares orientales. Les écrits de Breivik incarnent cette fusion nouvelle semble-t-il, en particulier dans son obsession du "Marxisme culturel" (un concept d’extrême-droite à la popularité croissante qui positionne l'Ecole de Francfort comme étant à l'origine du multiculturalisme), combinée avec son appel "à influencer d'autres conservateurs culturels pour qu'ils rejoignent notre ligne pro-Israël."
Breivik et les autres membres de la nouvelle extrême-droite d'Europe font une fixation sur la peur du "Jihad démographique", ou être débordés par des immigrés musulmans trop féconds. Ils se voient comme des Croisés engagés dans une guerre sainte raciale/religieuse pour protéger la civilisation occidentale. Ils trouvent ainsi leur inspiration en Israël, la seule ethnocratie du monde, un pays qui fonde sa politique envers les Palestiniens sur ce que ses dirigeants appellent "des considérations démographiques". C'est pourquoi les drapeaux israéliens flottent invariablement au-dessus des cliques masquées de noir de la Ligue de Défense anglaise, et pourquoi Geert Wilders, l'homme politique en vue le plus islamophobe au monde, va régulièrement en Israël pour exiger le transfert forcé des Palestiniens.
A en juger par les écrits de Breivik, sa haine hystérique de la politique d’immigration du Parti travailliste et de sa tolérance vis-à-vis des immigrés musulmans l'ont conduit à cibler le camp d'été organisé par le gouvernement à Utoya. Depuis des années, l'extrême-droite a stigmatisé la Norvège comme étant un foyer particulier de sentiment pro-Islam, pro-palestinien, en grande partie grâce à son Parti travailliste au pouvoir. En 2010 par exemple, la Ligue de Défense anglaise a traité la Norvège de futur site de "Islamohell" (enfer islamique, ndt), "où un conformisme politique pur et simple tient le perchoir, avec ses griffes acérés, depuis des décennies." Hier, lorsque l'éditorial du Wall Street Journal s'est précipité pour accuser des terroristes musulmans pour ce qui s'est avéré être la tuerie de Breivik, il a fustigé le gouvernement norvégien pour avoir retiré ses troupes d'Afghanistan et avoir exigé qu'Israël mette fin à son siège de Gaza. Pour sa part, Breivik a qualifié le Parti travailliste de "traîtres".
Il n'y a pas de preuve claire que le soutien de Breivik à la droite israélienne ait joué un rôle dans son massacre. De même qu'il semble n'avoir aucun lien avec le gouvernement israélien. Cependant, il est intéressant de noter qu'en novembre 2010, le gouvernement israélien a rejoint la droite en accusant le gouvernement norvégien d'"incitation anti-Israël" pour avoir financé un voyage d'étudiants à New-York pour voir la pièce "Monologues de Gaza".
Puis, la veille de l'attaque terroriste de Breivik, qu'il avait planifiée longtemps à l'avance, le ministre norvégien des Affaires étrangères, Jonas Gahr Stor a rendu visite au camp des jeunes travaillistes à Utoya. Là, il a été accueilli par des demandes de soutien au mouvement BDS et à la candidature pour un Etat de l'Autorité palestinienne. "Les Palestiniens doivent avoir leur propre Etat, l'occupation doit finir, le mur doit être démoli, et cela doit arriver maintenant," a déclaré le ministre des Affaires étrangères, acclamé par le public.
Les écrits de Breivik offrent bien plus qu'une fenêtre sur les motivations qui l'ont conduit au terrorisme. On peut aussi les lire comme l'incarnation de la mentalité d'un mouvement d'extrême-droite nouveau et internationalisé qui non seulement mobilise sur la haine contre les Musulmans, mais peut aussi produire des personnalités qui tueront des non-musulmans pour "sauver le mode de vie occidental".
(1) "The great fear", Max Blumenthal, TomDispatch.com, 19 décembre 2010
Source : Blog Max Blumenthal
Traduction : MR pour ISM
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