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Jérusalem - 23 septembre 2010
Par Joseph Dana
Joseph Dana, écrivain et cinéaste, vit à Jérusalem. Il participe aux actions directes de groupes comme Taayush et les Anarchistes contre le Mur. Il tient un blog, josephdana.com
« Vers 3h30 ou 4h du matin, j’ai entendu du bruit sous ma fenêtre, » me raconte Abdallah Rajmi, habitant de Silwan, tandis que nous sommes dans une rue étroite au milieu de la bataille entre les jeunes palestiniens jeteurs de pierre et les forces d’occupation israélienne de la police des frontières. « J’ai pensé que c’était une simple bagarre de gens ivres puis j’ai entendu beaucoup de bruit venant des personnes concernées et mes voisins ont commencé à se réveiller. »
Silwan est un quartier de Jérusalem Est occupée, près des murailles de la Vieille Ville, et il est la cible d’un plan du gouvernement israélien qui projette de démolir des dizaines de maisons palestiniennes pour les remplacer par des colonies israéliennes et par un parc à thème juif.
Rajmi se souvenait des événements tandis que les gaz lacrymogènes et les pierres partaient des deux côtés de la ruelle où nous nous trouvions. « A ce moment-là, je suis monté sur le toit de ma maison pour voir ce qui se passait et j’ai vu trois gardes des colons avec « des petites armes » s’approcher d’un groupe de jeunes Palestiniens, » faisant référence, de façon sarcastique, aux énormes fusils d’assaut Uzi des gardes. « Les gardes se sont mis à tirer sur les hommes et tout Silwan s’est réveillé. »
Nous avons alors dû aller à l’entrée de la maison de Rajmi parce qu’une pluie de pierre commençait à nous pleuvoir dessus et la police des frontières commençait à tirer des balles caoutchouc-acier.
« Je ne pouvais en croire mes yeux. J’ai vu un homme, gisant à terre dans son sang, en train de mourir. Le garde des colons venait de lui tirer dessus, à bout portant, et il le regardait mourir. Il est resté là, sur le sol, pendant une heure, jusqu’à ce qu’une ambulance israélienne arrive sur les lieux ; ils n’ont bien sûr autorisé aucun d’entre nous à nous approcher de lui. Et les Israéliens ont fait venir quarante gardes et la police des frontières sur les lieux avant qu’on l’emmène. »
Le Palestinien tué s’appelait Samir Sarhan, il avait environ 30 ans et il était père de cinq enfants.
Rajmi parlait clairement, tout en me regardant droit dans les yeux, mais on pouvait voir la rage qui couvait suite au meurtre. « Ce n’est pas une bonne situation. C’est une situation extrêmement dure et je pense que le chaos va éclater ici, » m’a-t-il dit. « Si un des autres meurt des blessures subies la nuit dernière, je pense que Silwan va exploser. Attends et tu verras ce qui va se passer pendant les funérailles. » Le cortège devait aller au cimetière, près de la Mosquée Al-Aqsa.
En effet, Rajmi a raison quand il parle de troubles à Silwan sous ébullition. J’étais dans le quartier depuis 8h du matin, quand les jets de pierre de protestation contre la police des frontières israéliennes ont commencé. Silwan est situé dans une vallée profonde et le secteur est plein de petites ruelles sinueuses. Des poches de résistance ont donc fait surface partout tandis que des groupes de jeunes Palestiniens se faufilaient vers les forces israéliennes et leur jetaient des pluies de pierre, en criant « Fichez le camp » et « Vous n’êtes pas chez vous, partez maintenant ! » La police des frontières a réagi par des vagues de gaz lacrymogènes qui ont couvert le quartier, y compris des maisons où des femmes et des enfants se protégeaient des combats de la rue. A certains moments, les forces israéliennes ont tiré, à très courte distance, des balles caoutchouc-acier qui provoquent souvent des blessures permanentes ou mortelles. Des pneus ont été brulés et des poubelles renversées. Difficile de ne pas penser aux images de la deuxième intifada palestinienne pendant que j’essayais de prendre quelques photos.
Les funérailles de Samir Sarhan mercredi à Silwan (photo Joseph Dana)
Cette situation a perduré pendant cinq heures à travers Silwan. Des poches de jets de pierres ici et là pendant que les gaz lacrymogènes recouvraient le quartier tout entier, comme une forme de punition collective. Finalement, les funérailles ont commencé, aux appels de “Dieu est Grand” et tous les habitants de Silwan sont descendus dans la rue pour rejoindre la procession. Tandis que le cortège serpentait à travers les ruelles, des gens ont commencé à attaquer chaque maison, voiture ou partie d’infrastructure coloniales sur son passage. Puis, à l’entrée de Silwan, juste à côté de l’entrée du site de la Mosquée Al-Aqsa, que les Juifs appellent le Mont du Temple et le complexe colonial de la « Cité de David », la foule a laissé éclater sa rage et s’est mis à casser des vitres en face du bâtiment de la Cité de David et à renverser et à incendier des voitures de la police israélienne des frontières.
Alors que le groupe se rapprochait du site d’al-Aqsa, plusieurs autobus publics de la compagnie israélienne Egged étaient garés le long de la route. Les habitants de Silwan en colère ont exprimé leur frustration et se sont mis à casser toutes les vitres et toute la surface possible des autobus. A un moment, des gens sont entrés dans les autobus pour arracher les sièges. Cela s’est produit alors que le chauffeur de l’autobus était toujours à l’intérieur. La procession est arrivée près de la Mosquée Al-Aqsa et la tension est retombée, mais des agences de presse rapportent maintenant que des jets de pierre sont partis du plateau du site de la mosquée à la fin des funérailles et que les troupes israéliennes sont entrées dans la mosquée, troisième lieu saint de l’Islam.
Rajmi m’a dit que la violence ne ferait que grandir à cause de ce meurtre. Et il m’a confirmé qu’une des victimes des tirs venait de succomber à ses blessures. Nous ne connaissons pas encore son nom.
Il est certain que cette mort peut être l’étincelle d’une nouvelle flambée de violence, et a population de Silwan semble y être préparée. Contrairement au « Fayyadisme » - la coopération officielle de l’Autorité Palestinienne avec l’occupation israélienne – qui est en train de s’emparer de Ramallah, les gens de Silwan sont prêts à résister et à se battre, quel qu’en soit le prix, à Jérusalem Est occupée.
Source : Electronic Initifada
Traduction : MR pour ISM
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