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Palestine - 12 décembre 2010
Par Joseph Dana
Avant que les premières trombes d'eau ne tombent sur Israël vendredi dernier, des milliers de personnes se sont rassemblées dans le centre ville de Tel Aviv pour marquer la Journée des Droits de l'Homme. L'occasion a réuni diverses ONG israéliennes et des milliers de citoyens voulant montrer un visage d'Israël qui soutient les droits de l'homme et les valeurs progressistes. Les marcheurs ont brandi à travers les rues des pancartes en soutien aux droits des homosexuels, des femmes, des réfugiés africains, et également pour la coexistence entre Juifs et Arabes. La police était positionnée le long des rues empruntées par la manifestation pour assurer la sécurité des manifestants et empêcher une confrontation avec une contre-manifestation de droite (en Israël, on trouve une manifestation contre les droits de l'homme !). Si la marche pour les droits de l'homme à Tel Aviv s'était voulue plus cohérente en termes de coexistence palestino-israélienne, elle aurait dû nouer des liens avec la lutte pour les droits de l'homme qui avait lieu simultanément en Cisjordanie.
Nabi Saleh - les jeunes Palestiniens collectent les grenades lacrymogènes que l'armée sioniste vient de leur tirer dessus. (photo Joseph Dana)
A seulement 25km de cette scène festive, les Palestiniens du village de Ni'lin tenaient leur protestation hebdomadaire contre le mur et pour les droits de l'homme. La manifestation a commencé comme à l'habitude par un discours sur le mur et les souffrances qu'il inflige à la communauté, discours suivi par les prières de midi puis par la marche de protestation vers le mur. Parmi les Palestiniens, il y avait une poignée de supporters israéliens venus de Tel Aviv.
Une fois arrivés au mur, les manifestants ont cogné sur la porte à coups de pierres et de bâtons. Pendant une seconde, le bruit des coups ressemblait à celui des tambours de Sheikh Jarrah, qui scandent leur "résistance joyeuse" au son des tambours et des sifflets lors de la manifestation hebdomadaire.
L'armée, de l'autre côté du mur, a crié dans un haut-parleur que le secteur était une zone militaire fermée et que nous devions tous partir. Il semble que pour l'armée, ce soit partout une zone militaire fermée et un jour, peut-être bientôt, je m'attends à ce que nous entendions le même haut-parleur, à Jaffa ou à Jérusalem, proclamer que la terre d'Israël toute entière est une zone militaire fermée. Un soldat a continué à crier dans le haut-parleur pour dire qu'ils étaient là pour protéger le mur. Le mur a été construit pour des raisons de sécurité et il requiert donc sa propre sécurité. Tout comme les colonies, dont on nous a dit qu'elles amélioraient la sécurité israélienne mais qui en fait, drainent des ressources sécuritaires.
Contrairement à la présence policière à Tel Aviv, à Ni'lin, l'armée est là pour attaquer, pas pour défendre. Elle est là pour écraser l'esprit de la résistance non armée en Cisjordanie . Elle est là pour rappeler que les Palestiniens sont un peuple sous contrôle vivant sous une occupation israélienne constante. Tandis que Naomi Chazan commençait son discours à Tel Aviv (je suivais les nouvelles sur Twitter tout en envoyant les miennes), l'armée a commencé à noyer les manifestants sous les gaz lacrymogènes. Des vagues successives de gaz ont recouvert tout le secteur. Les soldats ont tiré les grenades directement sur les manifestants. Sans retenue. La reconnaissance par Israël de la Journée internationale pour les droits de l'homme commençait à prendre toute sa dimension.
La protestation s'est terminée rapidement, comme c'est souvent le cas ces temps-ci à Ni'lin, et les cinq Israéliens présents sont partis à Nabi Saleh. Il y eut peu de discussions sur les droits de l'homme entre les Israéliens. Ils étaient engagés dans une lutte pour les droits de l'homme sur le terrain, et il est clair qu'ils n'avaient pas l'énergie/le temps de formuler des approches théoriques plus fines sur le sujet ni de grandes perspectives pour l'avenir.
Le village de Nabi Saleh était sous siège depuis midi. Comme les autres semaines, les Israéliens qui voulaient se joindre à la manifestation devait faire à pied un long détour à travers les collines escarpées de Cisjordanie pour atteindre le village. Là, la manifestation non armée a été écrasée à coups de balles réelles, de balles caoutchouc-acier et de nuages de gaz lacrymogènes.
Nabi Saleh envahi par les gaz lacrymogènes (photo Joseph Dana)
Au moment où la pluie se mettait à tomber sur Tel Aviv marquant la fin de la marche pour les Droits de l'Homme, Nabi Saleh était envahi par des soldats israéliens tirant à balles réelles dans toutes les directions. Le petit village, perché sur une colline, était envahi par les gaz lacrymogènes. Faute de vent, les gaz ne se dispersaient pas dans l'atmosphère et le village tout entier titubait, comme ivre, chacun ayant les yeux pleins de larmes.
Le siège de Nabi Saleh s'est poursuivi jusqu'au coucher du soleil, lorsque les jeeps de l'armée ont quitté le village. Dès leur départ, de jeunes garçons se sont précipités pour ramasser des centaines de grenades lacrymogènes dégoupillées. A les voir se bousculer pour les ramasser, l'absurdité de la journée pour les droits de l'homme en Israël devenait évidente. Tandis que des milliers de personnes brandissaient des pancartes à Tel Aviv proclamant la paix et la coexistence, à peine une dizaine d'Israéliens avait fait la demi-heure de trajet pour Nabi Saleh ou Ni'lin.
Imaginez si ce chiffre n'était pas de dix, mais de cinquante Israéliens. Si cinquante personnes sur les milliers qui ont défilé à Tel Aviv s'étaient montrées à Nabi Saleh, la réalité sur le terrain aurait été différente. Même une trentaine aurait eu un effet important sur le comportement des soldats et sur la population de Nabi Saleh, qui compte beaucoup sur ses soutiens internationaux et israéliens.
Pourquoi des milliers d'Israéliens de gauche sont-ils capables de se rassembler au nom des droits de l'homme, de la lutte et des valeurs communes et ne pensent-ils pas à s'aventurer en Cisjordanie pour lutter aux côtés des Palestiniens ? Le chemin vers la coexistence passe par ces actions communes de solidarité, et puisque les Palestiniens ne sont pas autorisés à venir à Tel Aviv, c'est la responsabilité des Israéliens d'aller en Cisjordanie . La déconnection entre les droits de l'homme à Tel Aviv et les droits de l'homme dans les territoires occupés était flagrante hier. Même si que la marche était nécessaire pour créer un nouvel espace politique en Israël, elle ne devrait être qu'une partie d'une plateforme plus large qui inclut les Palestiniens des territoires occupés. Peut-être l'an prochain verrons-nous des manifestations pour les droits de l'homme, de Nabi Saleh à Tel Aviv, avec plus d'Israéliens et Palestiniens dans les deux endroits.
Source : Blog Jooseph Dana
Traduction : MR pour ISM
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