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Tulkarem - 28 octobre 2003
Par Flo
Après ces mois passés ici, une broutille comparée à ceux qui sont nés et ont été élevés ici, je peux sentir le stress en train de s'installer en moi. Cette tension interne qui tient du fait d'avoir chacun de vos mouvements, de votre respiration, de vos pensées contrôlés par quelqu'un d'autre. Contrôlés par un occupant.
Je suis venue au monde comme étrangère, en fait, comme quelqu'un né à l'occupant, comme combattante, quelqu'un qui apprend, qui porte la vérité à la maison. Cela fait plus de six mois maintenant que j'ai posé le pied, pour la deuxième fois de ma vie, sur cette terre tant disputée. Cette terre que, mes alliés et ceux que je suis venue soutenir, appelle Palestine.
Et c'est là que le conflit commence, les attaques verbales, les insultes à mon intelligence, la régurgitation du lavage de cerveau dans lequel j'ai moi-même été élevée. J'ai vu clair, je vois la vérité qui a échappé à mon éducation embrigadée. La part de l'histoire qui m'avait manquée parce que j'étais trop occupée par les discours sur tous les arabes terroristes, et l'importance de protéger la sécurité d' Israël, le pays dont on m'a enseigné qu'il fallait que je me batte pour lui, ma supposée terre natale. Six mois maintenant, passés dans le camp opposé à celui où, selon ma naissance, je devrais être. Six mois passés à marcher presque chaque matin à l'intérieur d'une cage, entourée de murs, de barbelés et de barrières, construits par ceux de l'autre camp.
Actuellement, il n'y a pas d'entrée ou de sortie mis à part en passant par une barrière dans la clôture, contrôlée par les soldats de l'autre camp. Même l'accès au reste de la Cisjordanie est contrôlé. Après ces mois passés ici, une broutille comparée à ceux qui sont nés et ont été élevés ici, je peux sentir le stress en train de s'installer en moi. Cette tension interne qui tient du fait d'avoir, chacun de vos mouvements, de votre respiration, de vos pensées contrôlés par quelqu'un d'autre. Contrôlés par un occupant. L'occupant, bien qu'ils ne voudront jamais l'admettre, traite chaque être humain du côté-ci de la ligne (maintenant du mur) comme si c'était un terroriste.
Les heures passées debout sous le soleil à un point de contrôle à attendre la permission de se déplacer de l'université jusqu'à chez soi, être traités comme moins que des êtres humains par des garçons de 18 ans qui fermeront un point de contrôle parce que la file d'attente (formée par ceux qui attendent sous le soleil pendant des heures) n'est pas suffisamment bien "ordonnée", le stress de cette vie quotidienne, qui se construit, construit, construit, s'accroît en vous comme une bombe à retardement. Jusqu'à ce qu'un jour la bombe devienne réelle et explose, pleine de frustration et de rage. Ce n'est pas à cause de la propagande trouvée dans les livres d'école, ni la haine inhérente enseignée, mais les leçons dans la rue. Les soldats qui occupent, les soldats qui contrôlent, les soldats qui vous poussent vers le bas si durement, qu' il n'y a pas d'autre endroit sûr ou aller que vers le combat.
Pour chaque matin où les enfants perdent un autre jour d'éducation parce que les soldats ne veulent pas ouvrir les barrières dans le mur, pour chaque homme dont on lie les mains et bande les yeux au point de contrôle parce qu'il a l'air " suspect", pour chaque enfant qui ne peut pas dormir la nuit à cause des tirs ininterrompus des tanks dans les rues, un combattant est né. Un combattant qui veut résister, par la pierre, le fusil, ou le corps.
Tous ces moments de vie contrôlés par un autre, jusqu'à ce que surgisse le besoin manifeste de crier et de se défendre. Et alors, vous correspondez à l'image qu'on a de vous. Celle qu'ils ont crée précisément pour que vous l'endossiez, ou qu'on vous la fasse endosser selon le cas. De même que, dans les flashs infos et les analyses, les listes de morts ne seront jamais prises en compte. Tout ce que vous serez toujours, à leurs yeux c'est un terroriste, motivé par la haine, la religion et le fanatisme. Jamais l'autre côté n'admettra ce qu'ils font, leurs propres fautes, dans tout cela. Pour moi cependant, je peux voir la réalité. Je peux parfaitement la ressentir.
Et maintenant, la cueillette d'olives a commencé. Des jours et des jours à se promener parmi les oliviers entouré du seul bruit des bâtons qui frappent les arbres, des olives qui touchent le sol. Plein de moments s'écoulent, qui me permettent d'oublier que l'occupation même existe. Mais si cela était vraiment ainsi, alors je ne serais pas présente ici, ou au moins ma présence serait complètement différente.
Mais, ces moments d'oubli sont plus rares et plus distants les uns des autres. L'oubli se brise chaque fois que je lève la tête et vois une colonie surgir à quelques centaines de mètres, chaque fois que les soldats dressent un point de contrôle entre les maisons des fermiers et leurs oliveraies. Chaque fois qu'un F16 vole au dessus de ma tête, chaque fois que nous recevons un appel que des tanks sont dans les rues des villes, la capacité d'oubli s'amenuise.
Ces jours ci aussi, avec le mur terminé dans cette région de la Cisjordanie , les règles ont de nouveau changé. Maintenant la plupart des terres agricoles se trouvent du côté ouest de la séparation, accessibles seulement en passant à travers des barrières dans le mur, contrôlées par des soldats.
Même ceux qui se sont humiliés pour obtenir un permis pour les traverser , permis qui formalisent le fait que ces terres ne sont plus considérées comme les leurs, même eux, ne sont pas autorisés à passer , selon les caprices des soldats. Un jour, seuls les hommes qui ont plus de 35 ans sont autorisés à passer, le jour suivant seuls ceux qui n'ont pas de véhicules, les régulations changeant de minute en minute. A l'une des barrières, des fermiers se sont entendus dire que seuls les jeunes mariés pouvaient traverser, à une autre, des soldats ont demandé à pouvoir identifier les ânes.
Pendant des semaines, les barrières ont toutes été fermées, personne n'étant autorisé à passer. La raison donnée par les soldats: Soukot, la fête juive des récoltes. De nouveau, la capacité à oublier se perd quand elle s'affronte à la réalité. Cette période, qui devrait apporter un sens commun puisque des deux côtés on célèbre les récoltes, ne fait, comme beaucoup de choses sur cette terre, qu'éloigner encore plus les deux camps.
Je ne prétends pas affirmer qu'un camp soit parfait, innocent ou pur. Qu'il n'y a pas de fautes de commises du côté ou je me tiens. J'affirme néanmoins, d'une voix qui ne se taira pas, que la réalité de terrain n'est pas aussi facilement démontée comme le font penser les journalistes et les analystes. Ce n'est pas aussi facile que la version donnée, des innocents effrayés contre les grands méchants terroristes.
Vu de l'intérieur et portant mes regards vers l'extérieur, les choses deviennent beaucoup plus claires pour moi. Les rencontres quotidiennes avec les soldats, dont la plupart admettent avoir été debout pendant 48 heures d'affilée, me permettent de clarifier la réalité. Une façon de comprendre ce qui se passe, d'une façon qui manque aux journaux. Cela ne m'est pas possible d'accepter que quelqu'un, ouvert d'esprit et de coeur, qui est témoin de la situation sur le terrain ou au moins qui la connaît par le biais d'une source alternative d'information, ne puisse aboutir à la même conclusion.
Source : www.palsolidarity.org
Traduction : MDB
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