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Israël - 26 septembre 2008
Par Elana Maryles Sztokman
L'auteur est un éducatrice, écrivain, chercheur et activiste et publie régulièrement des articles pour JPost.com à A Woman's Own
Il y a des moments où j’ai vraiment honte de faire partie de la société israélienne. J'ai eu un moment comme celui-ci récemment que je me trouvais à l'extérieur de la Cour Suprême avec des femmes de Ahoti, un organisme féministe Séfarade, à attendre une décision concernant l’école religieuse pour filles à Emanuel (ndt colonie israélienne illégale située dans le doigt d’Ariel, à environ 20 km à l’intérieur de la Cisjordanie) où le racisme est tellement enraciné que les parents feront tout ce qu'il pourront pour maintenir en place des séparations ressemblant aux vieilles lois Jim Crow.
Ce qui se passe dans l'école de Beit Ya'acov n'est rien de moins qu’une officialisation du racisme. Ici, l'école applique une politique qui ne permet pas aux filles Séfarades d’être dans une classe avec des filles Ashkénazes ou Hassidiques, et elles ont différents enseignants, différentes classes et même des heures de récréation différentes et une clôture entre leurs cours de récréation seulement pour s’assurer que les deux groupes ne se mêlent pas pendant les pauses.
Il ne s'agit pas seulement d’Emanuel, mais aussi d'autres écoles religieuses pour filles dans tout le pays, comme Elad, où les parents ont protesté pour s’assurer qu’une fille Séfarade ne soit pas autorisée à participer aux cours. Protesté !
Il existe des rapports provenant des quatre coins du pays concernant des filles qui ont été rejetées ou virées de l'école en raison de leur couleur de leur peau ou de leur nom de famille. Et même si la Haute Cour a décidé la semaine dernière que l'apartheid devait se terminer, l'école et les parents refusent de s'y conformer, rejetant ainsi toutes les obligations aussi bien civiles que morales.
Ce n'est pas le Sud des Etats-Unis après la guerre civile, mais Israël en 2008, où je me serais attendu à ce que plus de gens soient indignés par ce racisme évident.
«Ce qui se passe à Beit Ya'acov est scandaleux», a déclaré Yael Ben-Yefet, l'une des leaders de Ahoti. "Les filles reçoivent le message qu'elles sont difformes, qu’elles sont moins bonnes, qu'il y a quelque chose en elles d'intrinsèquement mauvais. Cela se produit partout en Israël, mais c’est encore plus frappant dans cette école."
Cette histoire survient à la suite d'une révélation aussi choquante de pratiques racistes dans une école religieuse à Petah Tikva. En début d’année, dans une école religieuse d’Etat, l'école a séparé physiquement et scolairement des Ethiopiennes du reste de l'école : des enseignants différents, des programmes différents, des salles différentes, des heures de récréations différentes.
Mes enfants et moi avons passé quelque temps l'an dernier dans une école maternelle à une majorité éthiopienne à Mevasseret Sion, peu après les révélations sur les évènements de Petah Tikva. Un matin, alors que les enfants jouaient ensemble dans le sable, l'enseignante a déclaré: «Cette communauté est très blessée. Elle ne peut tout simplement pas comprendre à quel point une haine aussi profondément enracinée peut exister dans le pays où ses membres rêvaient de venir."
L'enseignante a suggéré que comme une forme de guérison, les enfants des quatre coins du pays devraient jouer avec les enfants éthiopiens dans les écoles maternelles. Cela semble si basique, et pourtant ce sentiment basique de moralité et d'égalité fait si profondément défaut.
Ce n'est pas un hasard si beaucoup de ces histoires de racisme ont lieu dans les écoles religieuses. Les écoles religieuses sont inondées des pratiques qui ont créé des hiérarchies sociales entre ceux qui sont les "plus" et ceux qui sont les «moins», ou ceux qui sont «in» et ceux qui sont «out».
En effet, pour ma recherche pour mon doctorat sur la culture de l'école religieuse, j'ai découvert de multiples hiérarchies qui se coupent et s’imbriquent dans les écoles religieuses via un discours qui prend pour acquis que la culture Ashkénaze est moralement, intellectuellement et religieusement supérieure à à la culture Mizrahi ou Séfarade.
L’avilissement des enfants Mizrahi est parfois subtil, mais souvent étonnamment manifeste. La discrimination peut prendre la forme d’enseignants faisant naturellement référence à l’"intelligence ashkénaze», et à «l’émotion Mizrahi», ou que si les classes de plus haut niveau sont majoritairement Ashkénazes et que les classes avec le plus bas niveau sont principalement Séfarades, c’est probablement basé sur "l'intelligence".
Les élèves Mizrahi sont en général sanctionnés et suspendus plus souvent que les étudiants ashkénazes, ils sont réprimandés pour les mêmes infractions que les enfants Ashkenazes qui eux ne le sont pas, et on leur donne des conférences sur la façon d'éviter des choses comme le renvoi, devenir enceinte ou allumer la lumière le jour de Shabbat. Les étudiants Mizrahi sont supposés être des «problèmes», des marginaux, au bord de l’abîme ou à avec un risque important d'être considéré comme le pire de tout : non-religieux.
En effet, dans les écoles religieuses, par opposition à l'école d’Etat, les pratiques discriminatoires sont rationalisées sur la base de la "religiosité".
Alors, tandis que dans les écoles non-religieuses, la discrimination tourne principalement autour de l’enseignement et des classes, dans les écoles religieuses, il existe tout un niveau supplémentaire de paternaliste dans lequel les enfants Mizrahi sont supposés être moins religieux.
Ainsi, par exemple, le député Avraham Ravitz d’United Torah Judaism, qui tentait d’"expliquer" les événements à Emanuel et à Elad, a déclaré : "La discrimination ethnique vient principalement de la volonté de maintenir l’atmosphère pédagogique de l'école... Nous enseignons des valeurs internes et externes et il existe des différences entre les différents groupes ethniques.
En d'autres termes, les Séfarades ont des «valeurs» différentes qui menacent l’"atmosphère pédagogique" Les étudiants Mizrahi sont donc considérés comme des marginaux au niveau éducatif, économique et moral - et dans les écoles religieuses, ces hiérarchies convergent pour finir vers l’idée que les étudiants Mizrahi sont moins "religieux".
Ce langage décrivant la culture Séfarade comme étant une "menace" à la religiosité est omniprésente. Yair Sheleg, dans son livre Dati'im Hadashim (Les Nouveaux Religieux), documente la crainte des Ashkénazes de "contamination" par les familles Mizrahi. Il écrit qu’on trouve parmi les familles religieuses ashkénazes la version du 21e siècle de "l’exode des Blancs".
Dès que les parents voient des élèves Mizrahi entrer dans "leur" écoles, ils ouvrent une nouvelle école élitiste "torani« en prétextant créer un niveau religieux "supérieur", mais en fait, ils ne veulent pas de Mizrahi dans leurs écoles.
Ces hiérarchies religieuses sont la dernière du racisme colonialiste de la « Grande Chaîne de l'Etre" et du "Darwinisme Social" du19e siècle. Shlomo Deshen et Moshe Shokeid ont brillamment écrit dans Dor Hatemura (Génération en transition) que les identités religieuses des Mizrahi et des Ashkénazes prenaient des formes différentes - pas supérieures et inférieures, mais simplement différentes.
La religiion Mizrahi est transmise par des personnes, des familles et des traditions, alors que la religion Ashkenaze est transmise par des écrits.
Ainsi, un enfant qui passe Shabbat avec sa famille et allume la lumière respecte la foi dans la culture Séfarade, alors qu’un enfant qui passe Shabbat tout seul mais n’allume pas la lumière dans la culture Ashkénaze. Mais dans les écoles religieuses, seule compte la version Ashkénaze de la religion, et ceux qui ne respectent pas la culture Ashkénaze sont juste des étrangers inférieurs.
"Pour parler des filles dans ce système», déclare Vardit de l'organisation Tmura, "les jeunes filles à Beit Ya'acov devraient renoncer à la totalité de leur culture, tout ce qu'elles connaissent et aiment à la maison. Elles doivent accepter que leur nourriture, leurs coutumes, même leur prononciation de l'hébreu est mauvaise. Elles doivent être prêtes à rejeter la totalité de leur patrimoine spirituel et culturel comme étant inférieur. C'est horrible.
A l’école Beit Ya'acov d’Emanuel, explique Vardit, les filles Séfarades qui veulent entrer dans la filière "normale" doivent actuellement signer un contrat écrit par lequel elles s’engagent à se conduire selon les attentes des Ashkénazes - et, soit dit en passant, payer un supplément de frais scolaires. "Jusqu'ici, aucun des jeunes filles n’a accepté de signer», dit-elle.
Alors que je parlais à la maison de ces événements, ma fille de 11 ans était sidérée. "Pourquoi ne laissent-ils pas les filles aller en classe?" a-t’elle demandé. Elle n’arrivait pas à se faire à l’idée de cette réalité raciste. Les enfants peuvent être très sages - en fait, beaucoup plus sages que de nombreux adultes. Ma fille comprend que ces pratiques violent notre humanité de base.
Source : http://www.jpost.com/
Traduction : MG pour ISM
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