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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Les olives palestiniennes

Par

Ma mère dit que je devrais porter des manches longues parce que quelquefois, les oliviers palestiniens ne partagent leurs fruits qu’au prix d’un peu de résistance. Mais je trouve que ces quelques petites égratignures sont une marque honorifique et le moins que je doive à nos arbres bienaimés. Toute l’année, nous attendons ces jours-là. Ma sœur, ma femme, ma mère et moi récoltons les olives, quelquefois en silence, quelquefois en parlant de banalités, et rarement de choses graves. Mais nous n’en pensons pas moins.

Les olives palestiniennes


Mes pensées vont aux Palestiniens qui ont perdu leurs oliveraies au bénéfice de l’activité de colonisation (plus d’un million d’arbres ont été déracinés). La photo de la vielle dame qui enlace son arbre qui va être coupé par les occupants israéliens me traverse l’esprit. Elle me rappelle mon père, décédé à cette époque. Je me sens en paix avec le chagrin et la colère, submergé par des émotions de gratitude et de sérénité sous les oliviers. La récolte des olives est après tout une sorte de culte. La stimulation de nos sens pendant la cueillette est difficile à décrire.

Ce n’est pas seulement le parfum revigorant des feuilles des oliviers et les bouffées d’odeur d’huile d’olive, mais la forme et la sensation de chaque olive, tandis que nos mains peignent l’arbre comme une mère peigne les cheveux de ses filles, la vue des bienaimés s’occupant du même arbre avant de passer à un autre. Nous accueillons en souriant les voisins qui s’arrêtent pour dire bonjour, ou commenter la production de cette année (pauvre cette année car l’année dernière fut vraiment bonne et ces choses alternent).

Les mécanismes de la récolte et de l’après-récolte deviennent habituels pour quiconque l’a fait une fois. On étale de vieux tapis ou des draps sous l’arbre, et on y fait tomber les olives (sans jamais frapper l’arbre !). On sépare les feuilles des olives et on enlève toutes les tiges qui restent (sur un "sidr", un plateau incliné). On les laisse à l’abri de l’air sur des nattes, dans un endroit sec, et on met les plus grosses dans la saumure, c’est-à-dire qu’on les fissure et on les recouvre d’eau mélangée à du sel, du jus de citron, des morceaux de citron et quelques feuilles de citron.
Le reste des olives est emmené à la presse pour produire l’huile.

Jadis, nous avions un pressoir en pierre, avec un animal (un âne ou une mule) tirant deux grandes pierres circulaires placés dans une pierre creusée comme un moule à gâteau. Aujourd’hui, les presses modernes (fabriquées en Turquie) le font en un rien de temps.

Il est difficile de décrire à un non-Palestinien ce que l’olivier signifie pour nous. On pourrait parler de choses pratiques, mais ça serait comme dire que nos épouses comptent beaucoup pour nous parce que… (et faire la liste de tout ce qu’elles font). Ce sont bien sûr des choses importantes mais ce n’est pas tout, et ce n’est pas ainsi qu’on peut rendre justice aux gens ou autres éléments vivants que nous aimons. Mais comme faire la liste de ce que font les gens aide les autres à visualiser leur personnalité, il en est de même pour l’olivier bien-aimé. Les Palestiniens cultivent les oliviers depuis plus de 5000 ans et tirent de grands bénéfices de ces merveilleux arbres robustes :

1) L’olive (“zeitoon”) est conservée (“rsees”) et mangée et elle est le seul aliment que l’on retrouve dans nos trois repas : le petit déjeuner, le déjeuner et le diner. On accorde à sa haute valeur nutritionnelle des effets très bénéfiques sur la santé.

2) L’huile d’olive (“zeit”) est la SEULE huile en Palestine. Elle est très nutritive et on l’utilise dans des dizaines de recettes. La recette principale et la plus commune, qui remonte à plus de 3000 ans, est “zeit u zaatar” (appelée quelquefois “zeit u dukka” ; on trempe le pain dans l’huile d’olive puis dans une poudre à base de thym (mélangé à des graines de sésame et à des épices). Le thym et le sésame, et beaucoup d’autres plantes, ont été « domestiqués » et utilisés ici même en Palestine (la partie occidentale du croissant fertile). Par le passé, l’huile d’olive a été énormément utilisée en Palestine dans les lampes à huile, pour la protection des cheveux et de la peau, comme lubrifiant, insecticide, et beaucoup d’autres utilisations.

3) Les noyaux des olives sont utilisés pour la fabrication des rosaires dont se sont servis pendant des centaines d’années tant les chrétiens que les musulmans palestiniens. Le simple fait de faire courir ses doigts sur ces noyaux, dans la méditation et la concentration, nous donne un sentiment de tranquillité et de paix (très nécessaires étant donné la situation de la Palestine au cours des siècles).

4) Avec le bois de l’olivier, on fait des objets artisanaux que les Palestiniens vendent aux pèlerins comme souvenirs de la Terre Sainte, ou qu’ils gardent chez eux. C’est vrai de toutes les traditions monothéistes. Ici à Bethléem, nos ancêtres en ont vécu comme artisans pendant des générations (ma propre famille a vécu de l’artisanat et de l’agriculture aussi loin que nous pouvons remonter au 16ème siècle).

5) Les feuilles et les branches des oliviers taillées cette saison compteront pour une part importante dans la nourriture des troupeaux de moutons et de chèvres pendant toute l’année.

6) L’olivier a été utilisé (mais moins récemment) comme bois de chauffage. C’est un bois robuste qui donne beaucoup plus de chaleur au kilo que tout autre bois que je connais. Les fonderies de verre d’Hébron (célèbres pour leur art du vitrail) utilisaient du charbon dérivé du bois d’olivier comme principale source d’énergie.

7) Les oliviers offrent à notre peuple un abri contre le soleil brulant et ont inspiré les poètes, les amoureux, les peintres et les prophètes à travers les âges.

8) Même la matière qui reste après la production de l’huile est recyclée comme source d’énergie.

Voici, prises par ma femme, quelques photos de notre récolte, de la mise en conserve et de la presse pour notre consommation annuelle :

Photo Photo Photo



La production de l’olive est toujours élevée une année, et basse la suivante (1). L’année dernière fut très bonne, cette année est médiocre et l’année prochaine, inshallah, elle sera meilleure, sauf nouvelle destruction par Israël, comme c’est arrivé récemment.

Pendant ce temps, nous jouissons de nos olives et espérons que vous viendrez nous voir en Palestine, pour que nous puissions vous servir quelques-uns de ses plats fantastiques dans lesquels nous mettons des olives ou leurs produits, et que nous pourrons le faire sous les oliviers.

J’ai également noté cette histoire intéressante d’un Palestinien en Chine, prouvant une fois encore qu’on peut mettre un Palestinien hors de la Palestine, mais qu’on ne peut pas mettre la Palestine hors d’un Palestinien : « China’s first olive harvest strikes oil »

Sur le site de la bibliothèque de l’université de Bethléem : “Know your Palestinian Heritage : The Olive Tree"

Ici la photo de Mahfoutha Shtayyeh, 65 ans, qui « nous a inspirés quand elle a résisté, devant les soldats israéliens et les colons en 2004, qui déracinaient dans son village des centaines d’oliviers, la ressource de toute la communauté. Seule et sans défense, elle s’est cramponnée à un des quelques arbres restés debout. Son geste a dénoncé avec force la destruction gratuite et ses effets désastreux sur une population déjà dans la souffrance. » (Article OpenDemocracy du 6.12.2007 : Mahfoutha lauréate du Prix Sindiyanat el-Karama le 28 novembre 2007 en Jordanie).

(1) Production d’huile d’olive en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza de 1988 à 2004, en tonnes, montrant des différences cycliques d’une année sur l’autre :

1988 : 31.100
1989 : 1.690
1990 : 27.500
1991 : 570
1992 : 33.700
1993 : 525
1994 : 18.000
1995 : 8.628
1996 : 24.953
1997 : 5.500
1998 : 22.000
1999 : 3.800
2000 : 30.000
2001 : 6.686
2002 : 31.784
2003 : 11.300
2004 : 30.232

Source : A Bedouin in cyberspace, a villager at home

Traduction : mazin@qumsiyeh.org

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