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Gaza - 6 janvier 2013
Par Abeer Ayyoub
Gaza-ville, Territoires Palestiniens Occupés – Vendredi matin 4 janvier, des centaines de milliers de partisans du Fatah se sont réunis dans Gaza, sur la Place Al-Saraya, pour commémorer le 48ème anniversaire de la création de leur parti. Pour la première fois depuis cinq ans, le Fatah a été autorisé à célébrer cette date anniversaire à Gaza, qui est gouvernée par son rival, le Hamas. Agitant des drapeaux jaunes et chantant des slogans, des partisans de tous âges, venus des quatre coins de l’enclave côtière, ont envahi les rues de la ville, jusque dans la nuit, nombre d’entre eux préférant dormir dehors par peur de perdre leurs places.
Une mer de drapeaux jaunes du Fatah pour le 48ème anniversaire de la faction à Gaza [Mustafa Ashqar/Al Jazeera]
Dans une allocution télévisée depuis Ramallah, le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a salué la foule en liesse et a rendu hommage à la détermination des habitants de Gaza. « Prochainement, nous parviendrons à l’unité et à mettre un terme à l’occupation, pour finalement hisser le drapeau palestinien sur Jérusalem, » a-t-il dit, acclamé par la foule. « Gaza a été le premier territoire à se débarrasser de l’occupation et des colonies, et nous voulons que le blocus soit levé afin que Gaza puisse être libre et qu’elle soit reliée au reste de la nation. »
De nombreux membres, activistes et officiels, avaient fait le voyage depuis la Cisjordanie vers Gaza pour participer au rassemblement, dont Jibril Rajoub, qui dirigeait auparavant les Forces de sécurité palestiniennes en Cisjordanie , le négociateur Nabil Shaath, le cofondateur du Fatah Abdul Aziz Shaheen, ainsi que Fadwa Barghouti, l’épouse de l’activiste Marwan Barghouti, détenu en prison.
Réconciliation ?
L’évènement est analysé comme une étape clef vers la réconciliation nationale palestinienne entre les mouvements Hamas à orientation religieuse, et Fatah laïque. Les deux bords se sont rapprochés depuis que les négociations entre Israël et l’Autorité Palestinienne sont suspendues, et encore plus depuis la toute récente attaque israélienne sur Gaza : l’opération "ciel bleu".
Les partisans du Fatah ont été interdits de célébrer les évènements de leur faction depuis 2007 – quand le Hamas a chassé le Fatah de la Bande de Gaza lors de combats fratricides, le banissant de fait vers la Cisjordanie . Dans la même période, les partisans du Hamas se sont vus également frappés de l’interdiction de se rassembler en Cisjordanie , jusqu’aux célébrations marquant leur 25ème anniversaire en décembre 2012.
Abu Hassan se dirige vers la Place Al-Saraya, accompagné de ses dix enfants. L’homme, âgé de 45 ans, nous dit que son sentiment est celui d’un grand jour pour une grande faction. « Le Hamas a gagné la guerre à Gaza et le Fatah nous a obtenu un Etat palestinien. Aujourd’hui, le Hamas devrait reconnaître dans le Fatah un partenaire solide qui ne peut être ignoré, » a-t-il dit à Al Jazeera.
Abbas a le vent en poupe depuis que sa démarche en vue d’accéder au statut d’Etat observateur non-membre aux Nations-Unies a été couronnée de succès. Vendredi, il a signé un décret qui remplace officiellement le nom de l’Autorité palestinienne par celui de "l’Etat de Palestine".
Les représentants officiels du Hamas, dont la participation au rassemblement était prévue, ont annulé leur venue, suite à la suppression d’une partie du programme des festivités, pour des raisons « de surpopulation et de problèmes logistiques. »
« Nous avons décidé de ne pas nous y rendre après un appel des coordinateurs du Fatah. Ils nous ont dit de ne pas venir en raison de dégâts [causés par la pression de la foule] autour de la tribune, » a indiqué le porte-parole du Hamas, Sami Abu Zohri.
Environ 50 personnes ont été blessées, dont 3 cas graves, a rapporté Ahraf Al-Qedra, porte-parole du Ministère de la Santé du gouvernement du Hamas à Gaza. Des participants au rassemblement, pris dans les bousculades, ont souffert de difficultés respiratoires, tandis que d’autres sont tombés de postes d’observation précaires.
Cloîtrés ces cinq dernières années sans possibilité d’identification collective, des partisans excités du Fatah ont envahi les rues vendredi pour proclamer, haut et fort, qu’ils existent toujours à Gaza.
« Par le passé, je venais toujours seul, mais cette fois, c’est différent, » dit Ra’ed Omar, un ancien officier de l’AP à Al-Jazeera, « je suis venu avec tous les membres de ma famille pour envoyer un message au Hamas, pour leur dire que la popularité du Fatah est plus énorme maintenant et qu’ils doivent faire avec. » Omar fait partie de ceux qui ont fui vers l’Egypte après que le Hamas ait pris le contrôle de la Bande de Gaza. Il est rentré il y a un an, et précise que le Hamas lui a alors interdit de repartir de Gaza. « J’espère que nous aurons bientôt des élections, » dit-il. « Je voterai sans hésitation pour le Fatah car je croyais déjà en eux avant que le Hamas ne soit créé. »
Sabah Al-Bahnasawy a 60 ans et se repose du bruit de la foule dans un restaurant voisin. Elle dit qu’elle a insisté pour venir –« en dépit de son grand âge »- parce qu’elle a toujours « tenu à partager le parfum de l’unité ». « J’ai été surprise de ce que j’ai vu aujourd’hui, » dit-elle. « On voit de l’unité et de la cordialité entre partisans de toutes les factions – ce qui est tout ce dont nous avons besoin pour faire face à l’occupation. » Sabah ajoute que la réconciliation faciliterait la vie difficile à laquelle sont confrontés les Gazaouis du fait de l’isolement international qui frappe la Bande de Gaza, depuis que le Hamas est sorti vainqueur des élections libres de 2006. « De [nouvelles] élections nous donneront la chance d’avoir un gouvernement d’unité et d’accéder à une vie meilleure, socialement, financièrement et politiquement, » conclut-elle.
Premiers pas
Tout n’est pas rose pour autant entre les deux factions. La semaine dernière, le Fatah avait annoncé que le rassemblement allait être annulé après que le Hamas ait refusé de le laisser se tenir sur la Place Al-Saraya ou sur celle, plus centrale, de Al-Kateiba – arguant du fait qu’ils ne pourraient en assurer la sécurité. Le jour suivant, le Hamas revenait sur sa décision et donnait son feu vert pour la tenue du rassemblement.
Taher Al-Nono, un porte-parole du gouvernement du Hamas, a indiqué que le Premier ministre Ismael Haniyeh a appelé Mahmoud Abbas, suite au rassemblement pour le féliciter de cet anniversaire. « Abu Mazen [Abbas] a exprimé sa gratitude pour notre coopération et a dit espérer que cette unité soit le point de départ d’un rapprochement des deux factions, » a-t-il expliqué.
Dans la foule, des partisans de Mohammed Dahlan
Mais en dépit de l’atmosphère positive de ce jour, parler de réconciliation imminente serait encore prématuré.
Mukhymar Abu Sa’ada, analyste politique et maître de conférence à l’université Al-Azhar de Gaza, précise que les différences entre les factions rivales ne seront pas facilement aplanies. « Nous sommes face à une différence idéologique, » explique-t-il. « Le Hamas croit en la solution d’un Etat unique et adopte la résistance armée pour y parvenir, tandis que le Fatah croit en la solution de deux Etats et use de négociations avec Israël pour y parvenir, deux positions où il sera difficile de trouver un compromis. »
Le leader politique du Hamas, Khaled Mashaal, considéré plus pragmatique que nombre de militants de Gaza se retrouvant dans la ligne dure, est parvenu à obtenir un accord de réconciliation avec Abbas en 2011. Mais un accord dont les termes ont encore à être pleinement traduits sur le terrain.
Pendant ce temps, Faten Saleem, qui a 23 ans et habite Gaza, est représentatif de beaucoup d’autres qui ne croient plus en la capacité des factions à s’unir autour d’une cause commune. « Je ne leur fais plus confiance, la réconciliation est un sujet si compliqué, » dit le jeune-homme qui est resté à l’écart du rassemblement. « Ce n’est pas qu’une histoire de festivités et de coups de fil. »
Source : Al Jazeera
Traduction : CR pour ISM
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