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Monde Arabe - 6 janvier 2013
Par Ibrahim Alloush
Depuis les années 1950-1960, dans les pays arabes, nous polémiquons sur ce qui doit primer entre l’unité arabe et la libération. Devons-nous d’abord unifier la oumma afin d’être en mesure de réaliser la libération ? La libération est-elle réalisable sans l’unité car il s’agit d’un projet prioritaire ne pouvant pas attendre l’accomplissement de l’unité ? Devons-nous d’abord bâtir nos forces en fondant un État arabe unitaire afin d’être en mesure de libérer la Palestine et les autres terres arabes occupées ou les deux projets sont-ils autonomes l’un de l’autre ? Ces deux projets peuvent-ils fonctionner de manière parallèle sans que l’un repose nécessairement sur l’autre ?
"Notre force réside dans notre unité"
Sur cette question, nous nous divisons en deux camps. Le premier camp considère que l’unité arabe prime sur la libération. Le second pense que la libération prime sur l’unité arabe. Ceux qui privilégient la libération par rapport à l’unité, s’engagent dans une action politique sur le plan régional. Par exemple, le Mouvement des nationalistes arabes (MNA) s’est dissout pour permettre la naissance du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Le camp considérant que l’unité arabe prime sur la libération, comme les organisations et les partis nationalistes arabes, s’autorise à faire certaines concessions sur le front du conflit arabo-sioniste en considérant que la priorité doit être donnée à la construction d’un État arabe unitaire.
L’histoire arabe contemporaine nous donne un exemple concret d’une libération sans unité arabe ou sans projet nationaliste. Il s’agit de la libération du Sud-Liban en 2000. À cet exemple, nous pouvons ajouter celui de la bande de Gaza. Dans ces deux situations, la libération fut le résultat d’une action populaire organisée par des forces locales n’ayant aucun lien avec un projet nationaliste mais s’inscrivant davantage dans le cadre d’un projet local. De plus, ces libérations ne furent nullement la conséquence de l’action d’un système arabe officiel.
Les exemples de la Somalie, de l’Iraq, du Liban et de la Palestine confirment le fait que le prolongement et le renforcement d’une résistance populaire armée est possible en l’absence de l’existence d’un État unitaire. Les forces locales peuvent produire une résistance effective. Elles peuvent créer des champs de bataille afin de libérer un territoire. Elles ont également la capacité de poser de réels obstacles face à la mise en œuvre d’un projet ennemi. La résistance iraquienne neutralisa l’avancée du projet du « Grand Moyen-Orient ». Quand la résistance locale joue ce rôle, elle acquiert une dimension nationaliste et obtient un réel soutient du reste de la oumma.
Est-il possible de terrasser le projet sioniste, avec sa présence militaire, son poids politique et ses soutiens impérialistes, en recourant simplement aux forces locales présentes ? Cela est-il envisageable en l’absence d’un projet national et sans un État arabe unitaire ? La oumma peut-elle rompre avec les différentes formes de dépendance – la colonisation indirecte – en l'absence d’un projet national ? Par exemple, les pays du Golfe peuvent-ils se débarrasser de la présence militaire américaine sans l’existence d’un État arabe unitaire assurant la sécurité nationale dans la région du golfe arabo-persique ? Pouvons-nous libérer le Sandjak d’Alexandrette, Ahwaz et les trois îles du golfe arabo-persique en l’absence d’un État arabe unitaire ?
En réalité, la libération du Sud-Liban diffère totalement : 1) de la libération de la Palestine ; 2) de la libération de la oumma de l’hégémonie impérialiste, directe et indirecte ; 3) de la capacité de libérer les terres arabes occupées par des États voisins tels que l’Éthiopie, l’Iran, la Turquie ou l’Espagne. Les forces locales peuvent réaliser des objectifs localisés pour l’intérêt de la oumma. Elles peuvent jouer un rôle national au niveau local sans être le résultat de l’existence d’un projet nationaliste clair. Toutefois, ces actions n’ont rien à voir avec la libération globale de la colonisation, directe ou indirecte, de la oumma et des terres arabes.
Une libération totale ne pourra pas se réaliser sans l’existence d’un État arabe unitaire. En l’absence d’un État arabe unitaire, la libération locale demeurera toujours incomplète. La résistance maintient une pression politique et militaire, comme à Gaza et au Liban.
Selon certains, l’État unitaire doit réaliser l’unification de la nation arabe avant de mettre en œuvre le projet de libération. Les partisans de cette orientation, notamment certains nationalistes officiels qui insistent en premier lieu sur la création d’un marché économique arabe commun, essaient de se soustraire à leurs tâches immédiates concernant la libération de la terre : combattre les armes à la main l’axe américano-sioniste. La formation d’un État arabe unitaire ne pourra se réaliser que dans la lutte concrète contre l’axe américano-sioniste.
Il est attendu d’un État arabe unitaire qu’il porte un projet de lutte, à l’image, par exemple, de l’État créé par Salaheddine al-Ayyoubi (1138-1193) dans le nord de l’Iraq et dans certaines parties de la Syrie, de la Jordanie et de l’Égypte. L’État unitaire doit être à la fois un noyau combattant pour l’unité arabe totale et un projet de libération. Cette dernière deviendra possible uniquement lorsque le projet de libération sera un projet nationaliste. De même, l’unité ne deviendra réalisable que si le projet d’unification est un projet de lutte. Ainsi se forme la relation dialectique entre l’unité arabe et la libération dans sa juste perspective : la vraie libération nécessite un noyau unitaire et un projet nationaliste et l’unité n’est réalisable qu’en se fondant sur un projet de libération combattant, populaire et armé.
Source : Free Arab Voice
Traduction : Souad Khaldi
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