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Liban - 19 avril 2012
Par Eva Bartlett
Continuant à descendre plus au sud de l'ancienne prison de Khiam (1), la clôture fortifiée qui sépare le Liban de la Palestine occupée apparaît, ainsi que les maisons israéliennes aux toits rouges dans la ville de Metulli, anciennement mixte palestinienne et libanaise ; M. note que cette ville était un exemple des nombreuses villes où les juifs et les musulmans vivaient ensemble, sans problème... avant l'arrivée des sionistes. Le paysage est déroutant : au sud, la clôture frontalière remonte vers le nord, comme une sorte de péninsule et encercle "Le doigt de Galilée"... maintenant la Palestine occupée. Je suis effrayée qu'on puisse rouler si près de la clôture, ma propre expérience avec les clôtures frontalières à Gaza signifiant que quiconque se trouve à l'intérieur de 1 à 2 km de la Ligne verte risque d'être assassiné ou mutilé par les soldats israéliens. Mais au Liban, la présence des soldats de la FINUL et la médiation des Nations-Unies "maintiennent les deux côtés de leur côté," me dit M. qui ajoute, "mais si les Israéliens traversent la clôture, tout change."
A Kfar Kila, nous parlons brièvement à quelques-uns des soldats de la FINUL stationnés à Bal al-Fatima, qui nous disent que maintenant, tout est calme le long de la frontière. Nous faisons une pause pour un café arabe à l'ombre d'un petit troquet sommaire, dont le personnel fume tranquillement la shisha en regardant vers la Palestine et la ville israélienne, au sommet de la colline, qui occupe maintenant les terres.
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M. m'en dit un peu plus sur Kfar Kila. Ligne de front de la résistance depuis le milieu des années 1970, la ville, comme la plus grande partie du Liban sud, a été occupée par l'armée sioniste et ses habitants ont fui au nord, vers Beyrouth.
"Cette ville a eu beaucoup, beaucoup de martyrs, depuis les années 70," note-t-il, une remarque que je continue d'entendre au fur et à mesure que nous traversons d'autres villes vers le sud, les affiches des martyrs rappelant les énormes pertes.
Nous quittons Kfar Kila et nous continuons sur des routes montagneuses, d'où davantage du "doigt de Galilée", en dessous et à l'est, devient visible, chargé de pommiers et encerclé par la clôture sioniste.
"C'est notre terre," murmure M., qui ajoute "Shams" lorsque je lui demande ce qu'il veut dire. "Tout était des terres arabes, il n'y avait pas de frontières."
Les routes sinueuses nous emmènent à travers des villages libanais familiers, avec leurs petites places carrées, et les collines qui s'étendent du Liban à la Palestine. "Ce village aussi a été occupé en 1978," continue le refrain de M.
A l'est, des bases militaires des forces israéliennes d'occupation (FIO) flanquent les sommes des collines, regardant de haut la Palestine occupée et narguant le Liban. Des posters de Hasan Nasrallah et des drapeaux du Hezbollah relèvent le défi : Nous sommes prêts quand vous voulez.
A l'entrée de Mays al-Jabal - autre ville aux nombreux martyrs et grande résistante - une pancarte dit : "Dans ces collines et ces vallées, les sionistes ont été vaincus par la résistance."
Puis vient bientôt Aytaroun, "une ville de martyrs". Dans les années 1960 et 1970, "ils se sont confrontés activement avec les FIO," dit M. La ville a été occupée, et 95% de ses habitants ont fui à Beyrouth - vers la "ceinture de misère" comme Bourj Hamad, Bourj el-Barajney et les faubourgs de Beyrouth furent appelés à cause des conditions de vie dans la grande pauvreté et la surpopulation.
A Maroun ar-Ras, une ville à environ 1km de la frontière, un char israélien est échoué sur le bord de la route, preuve rouillée de la défaite des FIO à Maroun ar-Ras.
La ville elle-même a été lourdement bombardée pendant la guerre israélienne de 2006 contre le Liban, souligne M. tandis que nous arrivons près des ruines d'une des quelques maisons qui n'ont pas été reconstruites depuis. Pendant tout ce voyage vers le sud, M. m'a montré, village après village, les endroits où des maisons ont été détruites en masse par les bombardements des FIO puis reconstruites par le Hezbollah.
"La bataille de Maroun ar-Ras a changé la question de la guerre de 2006," me dit-il. "La résistance du Hezbollah a pris les FIO par surprise, alors au lieu d'essayer d'avancer vers le nord jusqu'au fleuve Litani, ils ont changé leurs plans et ont lancé des bombardements intensifs."
Le Monument à Maroun ar-Ras, lieu de la victoire du Hezbollah sur l'armée israélienne
Alastair Crook et Mark Perry ont décrit en détail les victoires du Hezbollah sur les FIO pendant la guerre de 2006 ("Comment le Hezbollah a vaincu Israël")
Au sujet de Maroun ar-Ras, ils écrivent :
"(...) Le 22 juillet, les unités hezbollahies de la Brigade Nasr ont livré des combats rue par rue contre les forces israéliennes dans la ville de Maroun Al Ras. Bien que l’armée israélienne ait clamé à la fin de la journée qu’elle avait pris cette ville, ce n’était pas le cas."
"(...) Les détachements israéliens n’ont été à aucun moment en mesure de déborder les défenseurs, et ils ont même dû faire face à des contre-offensives, à l’ouest de la ville. Des équipes spéciales de la Brigade Nasr, composées de trois tirailleurs, ont détruit plusieurs véhicules blindés israéliens au cours des combats, au moyen de missiles légers anti-tanks portables."
"(...) Des rapports de commandants du Hezbollah sur les combats sont venus confirmer que les troupes israéliennes n’ont jamais totalement sécurisé la zone frontalière et que la ville de Maroun Al Ras n’a jamais été totalement prise. De même, le Hezbollah n’a jamais éprouvé la nécessité de mobiliser ses réservistes, comme l’a fait Israël. « Toute la guerre a été menée par une seule brigade du Hezbollah, composée de 3 000 hommes, et pas plus… » a indiqué un expert militaire spécialiste de la région. « La Brigade Nasr a combattu du début de la guerre jusqu’à la fin. Le Hezbollah n’a jamais éprouvé le moindre besoin de la renforcer… »"
"(...) Des rapports émanant du Liban soulignent ce point. A leur grande surprise, les commandants du Hezbollah ont constaté que les troupes israéliennes étaient mal organisées et indisciplinées. La seule unité israélienne qui se soit montrée à la hauteur fut la Brigade Golani, d’après plusieurs observateurs libanais. L’armée israélienne était « composée de bric et de broc », « a motley assortment », a indiqué un responsable officiel fortement versé dans l’argot usaméricain. « Mais c’est le genre de choses qui arrivent, quand vous avez passé quarante ans à tirer des balles revêtues de caoutchouc sur des femmes et des enfants, en Cisjordanie et à Gaza… »"
Au sommet de la colline, à 1km, le Parc iranien attirent les visiteurs à la recherche de l'histoire et les familles qui veulent pique-niquer sur un site au panorama stupéfiant et révéré pour sa résistance.
Le parc, financé largement par l'Iran, comprend un faux parcours d'entraînement militaire, une aire de jeux, des sites de pique-nique avec barbecue et la reproduction du Dôme du Rocher de Jérusalem.
Nous grimpons au sommet d'une tour de trois étages, où la vue panoramique des collines libanaises et de la Palestine occupée est à couper le souffle. Un télescope puissant et gratuit permet de voir la Palestine en gros plan.
En-dessous de nous, Bin Jbeil, une ville connue comme "la Capitale de la Libération". M. montre un grand bassin d'eau, lieu de la Bataille de la piscine, et explique que c'est là que le Hezbollah a tenu en retrait l'invasion des soldats des FIO et a fini par les repousser de la ville.
Crooke et Perry écrivent :
"(...) Plus tard, dans la journée de ce même 25 juillet, pendant que la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice était en visite à Jérusalem, l’armée israélienne avançait vers Bint Jbeil, renommée « capitale de la terreur du Hezbollah ». La bataille pour la conquête de Bint Jbeil se poursuivit durant neuf jours. Mais cette ville resta aux mains du Hezbollah jusqu’à la fin de la guerre. Quand celle-ci arriva enfin, la ville était entièrement détruite, les combattants du Hezbollah ayant été capables de survivre à des bombardements constants de l’aviation et de l’artillerie israéliennes, en s’abritant dans leurs bunkers au plus fort des bombardements, et n’en ré-émergeant qu’au moment où les troupes israéliennes, au cours d’opérations terrestres ultérieures, tentèrent de reprendre la ville."
"(...) Le 26 juillet, des responsables de l’armée israélienne concédaient que les vingt-quatre heures précédentes de leur tentative de conquérir Bint Jbeil avaient été « la journée la plus difficile de tous les combats livrés par les nôtres au Sud-Liban ». Après avoir échoué à arracher la ville au Hezbollah dans la matinée, des commandants de l’armée israélienne ont décidé d’envoyer leur formation d’élite : la Brigade Golani. A deux heures de l’après-midi, neuf soldats de cette brigade avaient été tués et vingt-deux autres, blessés."
"(...) Le 27, afin de répondre à l’échec de ses unités à s’emparer de ces villes, le gouvernement israélien donna son accord pour la mobilisation de trois divisions supplémentaires de réservistes – soit un total de 15 000 hommes."
"(...) Les responsables du Hezbollah escomptaient qu’entre le moment où ils tiraient, et celui où l’armée de l’air israélienne était en mesure d’identifier l’origine des tirs et de déployer des combattants pour s’emparer des missiles mobiles, il s’écoulait environ une minute et demie. Après des années d’un entraînement intensif, les équipes d’artilleurs du Hezbollah avaient appris à se déployer, à tirer et à dissimuler leurs lanceurs mobiles en moins d’une minute, ce qui a eu pour conséquence que les avions et les hélicoptères de l’aviation israélienne (hélicoptères dont l’armée israélienne dispose d’un bien moindre nombre qu’elle ne le prétend) étaient incapables d’empêcher le Hezbollah de poursuivre ses tirs de roquettes contre le territoire israélien (« Israël n’en est plus qu’à trois hélicoptères du désastre total », a commenté un officier usaméricain.)
"(...) De surcroît, et de manière encore plus significative, les combattants du Hezbollah ont apporté la démonstration qu’ils étaient dévoués et disciplinés. En utilisant leurs atouts en matière de renseignement pour clouer sur place les incursions de l’infanterie israélienne, ils ont prouvé qu’ils étaient les égaux des combattants des meilleures unités israéliennes."
"(...)La robuste défense du Hezbollah infligeait également un lourd tribut aux blindés israéliens. Israël ayant finalement accepté un cessez-le-feu et commencé à se retirer de la zone frontalière, il abandonna derrière lui sur le terrain quarante véhicules blindés, presque tous détruits par des missiles anti-tanks AT-3 « Sagger », utilisés avec une grande expertise – il s’agit du nom utilisé par l’OTAN pour désigner un missile de fabrication russe, lancé depuis un véhicule ou portable, guidé par fil, le 9M14 Malyutka de deuxième génération (Malyutka signifiant « Petit Bébé »…)"
(1) "The Khiam prison is now open", Eva Bartlett, In Gaza.
Source : In Gaza
Traduction : MR pour ISM
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