Jérusalem - 23 janvier 2005

Résister à l’expulsion

Par May

compte rendu de l’audition de Kate le 16 janvier 2005

Il lui sera très difficile maintenant d’essayer d’entrer de nouveau en Israël, et on ne peut pas entrer dans les territoires occupés de l’Autorité Palestinienne sans passer par Israël.
Pour moi ces expulsions se fondent sur le fait que les internationaux entravent l’armée dans son travail, contre la loi israélienne.
Pour les responsables israéliens de la sécurité, ce n’est qu’une militante de plus dont on s’est commodément débarrassée.

Je suis allée au tribunal aujourd’hui. C’est l’audition de Kate Bender.
C’est une fidèle de l’IWPS qu’elle a fondé après avoir été précédemment militante des ISM, et c’est une militante juive, résolue, de San Francisco qui a été arrêtée lors d’une manifestation contre le mur de ségrégation dans les territoires palestiniens occupés il y a en gros cinq semaines.

C’est la seconde fois qu’elle est arrêtée.
Auparavant, elle avait été expulsée, était retournée chez elle, avait changé de nom et était revenue.

Cette fois, ils ont de nouveau émis un ordre d’expulsion la concernant et elle a décidé de faire appel.
Ils l’ont gardée en détention pendant cinq semaines et ont fixé son audition à aujourd’hui – juste un jour après l’expiration de son visa de touriste.

C’était une curieuse audition. J’en ai vu quelques unes (toutes en Grande Bretagne) et le caractère informel de celle ci était frappant.

Kate avait décidé de se représenter elle-même. L’ un de ses arguments est qu’elle a été invitée dans les territoires palestiniens (elle possède une lettre de l’Autorité Palestinienne à ce propos), ce qui est l’équivalent d’un visa valide selon la loi issue des Accords d’Oslo (auxquels a adhéré l’Autorité Palestinienne)

Elle a aussi fait valoir que les autorités israéliennes n’ont pas le droit de l’arrêter ici - qu’elles occupent illégalement la terre de l’Autorité Palestinienne et qu’en cherchant à arrêter la construction du mur de ségrégation, elle voulait empêcher une construction déclarée illégale par la Cour Internationale de Justice – la plus haute Cour au monde.

Aux journalistes qui l’attendaient dehors ; elle a expliqué que, agissant selon les valeurs juives, elle essayait de toutes ses forces d’empêcher Israël de poursuivre ses activités illégales, et qu’elle était inquiète pour l’âme du peuple Juif.

Au tribunal le juge l’a prise à contre-pied en commençant par déclarer que ce procès n’avait aucun sens puisque l’appelante ne pouvait de toute façon pas se trouver dans le pays, son visa étant expiré.

Kate a expliqué qu’elle avait demandé que cette audition ait lieu avant mais qu’on le lui avait refusé. Le juge s’est contenté de dire qu’il y avait eu erreur du tribunal, mais ne s’est pas excusé pas plus qu’il n’a proposé de dédommagement pour rattraper une erreur qui rendait le procès purement « théorique ».

Il était clair que le juge n’avait aucun intérêt à entendre les arguments de Kate qui citait les résolutions des Nations-Unies, les lois internationales et un précédant qui concernait une expulsion et la résistance à l’occupation illégale.

Il a autorisé que soient versés au procès verbal les objections de Kate selon lesquelles il n’était pas juste qu’elle ait été incarcérée jusqu’à l’expiration de son visa, mais elle a tenu à affirmer qu’il était important d’avoir des visiteurs (comme elle) qui travaillent pacifiquement pour qu’Israël ne se mette pas hors la loi.

Elle a aussi argumenté que ne pas l’autoriser à présenter sa cause serait dire au public israélien et au monde qu’Israël – un pays qui se veut être une démocratie - supprimait la liberté de parole.

Le juge a déclaré que Kate devrait commencer par se regarder d’abord elle-même et ensuite le monde et les « tikkun olam » (expression juive pour signifier qu’on observe le monde, ou qu’on l’arrange).

Ce qui fit passer un souffle dans le tribunal qui était bondé de plus de 40 militants et de supporters qui semblaient partager l’idée qu’observer le monde doit être une priorité.
Kate a proposé de retirer sa plainte en échange d’un retour aux Etats-Unis sans ordre d’expulsion enregistré sur le procès verbal.

Le juge a demandé à parler à l’avocat de l’autre partie. Il dit qu’il avait besoin de réfléchir, et il y eut une brève suspension tandis que l’avocat sortait pour appeler le Ministère de l’Intérieur (juridiction dont dépend l’expulsion des internationaux)

Jamais auparavant je n’avais vu un juge prendre ses ordres du pouvoir exécutif de manière si éhontée.


De toute façon, sa proposition fut rejetée. Le juge informa Kate qu’elle avait le choix – ou bien elle décidait maintenant de faire appel (et il était clair qu’il le rejetterait) ou bien Kate pouvait être expulsée sans qu’il soit donnée à son expulsion l’imprimatur judiciaire (pour se rapprocher des mots exacts : sans que la cour ne décide de son expulsion).

Ce qu’elle a accepté. Légalement parlant, cela ne changeait pas plus sa position que si elle avait simplement accepté d’être expulsée en ce moment.

Il lui sera très difficile maintenant d’essayer d’entrer de nouveau en Israël, et on ne peut pas entrer dans les territoires occupés de l’Autorité Palestinienne sans passer par Israël.

Pour moi ces expulsions se fondent sur le fait que les internationaux entravent l’armée dans son travail, contre la loi israélienne.
C’était plus que décevant que la question de savoir s’il est légal d’expulser quelqu’un au motif qu’il soutient la loi internationale n’ait pas été posée.

Pour les responsables israéliens de la sécurité, ce n’est qu’une militante de plus dont on s’est commodément débarrassée .

L’expulsion, c’est la principale crainte qu’ont les militants qui sont arrêtés.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : CS pour ISM-France