Cisjordanie - 12 janvier 2006

Trois checkpoints, Une journée

Par Suneela

C'était le deuxième checkpoint de la journée, avant Qalandia mais après Tayaseer.
Un soldat avec un accent vaguement américain est venu vers nous et nous a demandés pourquoi nous étions dans cette région, et quel genre de "tourisme" il y a à faire ici.
Il semblait parler comme s'il n'y avait personne dans ce secteur, seulement une espèce de sous-humains qui s'avèrent justement s'appeler Palestiniens ou "Arabes".

Photo : Machsom Watch - Nouveau checkpoint de Qalandia

C'est atterrant d'être confronté tout d'un coup à la réalité d'une occupation militaire.

Le terminal de Qalandia est censé être le visage propre et efficace de l'occupation, comme un terminal d'aéroport avec des portes métalliques actionnées électroniquement avec des signaux pour attendre ou passer et des machines à rayon X, ou une humiliation aseptisée ultramoderne.

Dès que j'y suis arrivée, j'ai vu des dizaines de personnes entassées contre les portes métalliques, poussant, hurlant, priant les gamins israéliens en tenue de soldat de les laisser passer.

La seule façon pour moi de passer fût d'exhiber mon passeport américain partout et de négocier avec les soldats pour qu'ils me laissent passer.

Ce fût l'une des expériences les plus humiliantes, personnellement et collectivement, que j'ai dû vivre et je confirme que ce qui passe ici ne ressemble pas à de l'Apartheid, mais c'est réellement de l'Apartheid.
Je sais que c'est entretenir ma culpabilité au sujet de mon propre privilège, mais j'ai vraiment eu que la sensation d'être complice du système qui m'a laissée passer alors que des dizaines de personnes désespérées qui avaient attendu depuis bien plus longtemps que moi étaient repoussées de force, juste en raison du passeport que je possède qui fait de moi un "Blanc".

Sachez, rationnellement parlant, que j'étais seule et que je ne pouvais rien faire pour montrer ma solidarité de façon efficace même si j'étais restée à attendre et que, dans ce cas-ci, je n'étais pas une activiste de l'ISM mais simplement un "touriste" individuel, mais j'avais l'impression de participer au système d'Apartheid, et je transpirais de partout jusqu'au moment de sortir.

En particulier, après avoir vu un Palestinien se faire presque tuer sous mes yeux. Ce pauvre homme avait apparemment perdu la tête et essayait de passer par-dessus les portes métalliques et hurlait sur les soldats, et ce sale gosse de soldat semblait en avoir marre (comme il est correctement formé à le faire) et avait son arme pointée et chargée, prêt à tirer.

De l'autre cêté (du mon cêté), les gens autour de cet homme essayaient frénétiquement de le faire descendre avant que le soldat perde patience et tire sur la gachette.

Heureusement, cela ne s'est pas produit et je fus heureuse quand les gens autour de lui ont réussi à le faire descendre. Avant, l'homme était parvenu à tordre une pancarte au-dessus des portes qui disait quelque chose comme : "Un par un. Veuillez être patients."

Ce n'était pas terminé. Le taxi que j'ai pris au checkpoint pour aller Porte de Damas à Jérusalem a été stoppé par des soldats à un autre checkpoint "normal" et un autre Hulk incroyable est monté dans l'autobus pour "inspecter" nos papiers d'identité. Par malchance, ma valise était celle qui ne pouvait plus entrer dans le coffre, et je l'avais donc avec moi et j'ai dû tout en sortir.


Et cela m'est arrivé après avoir passé deux autres checkpoints dans la même journée, le premier était dans la région de Jénine où nous avons été refusés de passer et les deux ISMers Palestiniens qui étaient avec nous ont dû attendre, isolés de nous, pendant un heure et demi.

Quand deux filles de notre groupe ont essayé d'aller parler aux soldats pour demander ce qui se passait, pourquoi ils les détenaient puisqu'ils n'avaient rien à leur reprocher après avoir été "nettoyés", un soldat qui communiquait seulement par des hurlements a pointé son arme sur elles.
Je ne sais pas s'il a agi ainsi pour se sentir mieux, comme pour se donner de l'assurance, ou s'il a voulu réellement tirer.

Tous les Palestiniens qui passent par des checkpoints doivent être "nettoyés" pour s'assurer qu'ils "ne sont pas recherchés" pour des crimes honteux tels que la résistance à l'occupation militaire illégale.
J'ai vu de nombreuses fois des types avec des grosses armes, mais en voir un pointer une arme chargée sur moi plusieurs fois dans la même journée est autre chose.

Ils avaient l'habituel couple : "bon flic, mauvais flic", avec un type de toute évidence américain qui s'est identifié comme "volontaire" dans l'armée qui était le bon flic et parlait anglais, et le mauvais flic étant le soldat ci-dessus qui avait parfaitement compris tout ce que nous disions mais voulait nous effrayer en beuglant seulement en Hébreu.

Et d'ailleurs, avant que ce soit notre tour d'avoir un traitement spécial, nous avons dû observer ces deux types dans un camion de meubles décharger chaque meuble et ouvrir chaque emballage juste pour "vérification".
C'est ridicule. Je ne comprends aucune justification de "sécurité" pour ça.
Si quelqu'un veut passer discrètement une bombe par un checkpoint, la cacherait-il vraiment dans un meuble, en 2006? Bonjour ! Le seul objet de cela était l'humiliation, une humiliation raciste.


Pour aller à Ramallah, nous avons dû aussi passer par la région de Naplouse et par le checkpoint de Huwarra, qui est un autre "terminal" du genre cage de bétail, bien connu puisqu'il est situé près d'une base militaire israélienne ainsi que des colonies (ce qui rend toujours les déplacements des Palestiniens plus difficiles).

C'était le deuxième checkpoint de la journée, avant Qalandia mais après Tayaseer (ci-dessus).

Il pleuvait et naturellement, mes camarades internationaux et moi sommes passés avec nos merveilleux passeports bleus, mais nous avons attendu de l'autre cêté en solidarité avec nos amis palestiniens, bien que plusieurs soldats nous aient hurlé de ne pas rester là et de partir.

Un soldat avec un accent vaguement américain est venu vers nous et nous a demandés pourquoi nous étions dans cette région, et quel genre de "tourisme" il y a à faire ici.
Il semblait parler comme s'il n'y avait personne dans ce secteur, seulement une espèce de sous-humains qui s'avèrent justement s'appeler Palestiniens ou "Arabes".

J'ai remarqué ici et aux manifestations de Bil'in que les "minorités" chez les militaires, les femmes et les volontaires Palestiniens-Israéliens (en majorité des Druzes) sont souvent plus mesquins que les hommes Juifs.

Les femmes semblent avoir besoin de se montrer plus viriles que les hommes, si souvent qu'elles ont plaisir à maltraiter les Palestiniens, et les Druzes ont besoin de prouver qu'ils sont aussi loyaux envers Israël que les Juifs, et ils traitent leurs frères et soeurs Arabes comme de la merde.

Je suis désolée si ce témoignage n'est pas dans un ordre chronologique, mais ce fût vraiment difficile pour moi de l'écrire.
Mon esprit continue à dériver ailleurs parce qu'il ne veut pas le revivre encore, mais je sais que je dois l'écrire de sorte que vous puissiez le lire.
J'essayerai d'écrire plus tard quand je pourrai mieux traiter tout ça.

De plus, afin que vous puissiez mieux visualiser ce que j'ai eu à traverser en termes de cantonisation de la Cisjordanie par les checkpoints et le mur, voici un lien d'une carte vraiment utile :
www.electronicintifada.net /bytopic/maps/372.shtml

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG pour ISM