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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Un héros rentre à Gaza

Par

Reportage de Charlie Andreasson et Joe Catron, ISM-Gaza

En ce lundi 4 novembre, jour de manifestation hebdomadaire en faveur des prisonniers, quel thème plus approprié aurait pu être trouvé que celui de la récente libération de prisonniers opérée par Israël ? Aurait-il seulement été possible d’en avoir un autre ? Peut-être, mais il n’aurait pas eu la même pertinence. Dans la rue, face aux bureaux de la Croix Rouge, une estrade a été érigée, avec un pupitre, et drapée de banderoles et drapeaux. Des haut-parleurs ont été installés de part et d’autre, comme pour un concert de rock ; et cette installation, complétée de plusieurs rangs de chaises en plastique pour le public, a fini par empêcher toute circulation automobile dans la rue.

Un héros rentre à Gaza

Mohammed Abu Amsha, en blanc, libéré après 7 ans d'incarcération dans les geôles de l'occupation sioniste (Photo Charlie Andreasson)
Des discours furent tenus, en présence des médias et des nombreux groupes qui s’étaient joints à l’évènement avec leurs propres drapeaux, y compris certains qui n’avaient pas de représentant parmi les prisonniers récemment libérés. Ces derniers ont fait leurs propres déclarations, applaudies par l’audience, avant que ne soient finalement brandies des pancartes.

Pendant l’un des discours, on m’a demandé si cela m’intéresserait de me rendre au passage d’Erez, aussi appelé ici passage de Beit Hanoun, pour assister à une autre libération : une proposition que j’ai acceptée, tout en me demandant si j’avais vraiment bien compris. Il était difficile d’entendre quoi que ce soit du fait du volume très élevé des haut-parleurs, et le temps n’était pas encore venu pour la libération du groupe suivant de 26 prisonniers, à laquelle s’est engagé Israël dans le cadre des accords liés à la reprise des négociations de paix.

Pour autant, je suis monté dans le bus affrété pour l’occasion, tandis qu’étaient distribuées des pancartes à l’effigie des cinq militants qui ont donné 20 ans et plus de leurs vies à la lutte contre l’occupation ; et pour la seconde fois de la semaine, je me suis retrouvé à la frontière nord de Gaza. Or, bien qu’y étant déjà allé tout récemment, tout était très différent, à l’exception de la foule et des drapeaux.

Cette fois, voyageant de jour, je pouvais même voir le mur qui coupe et balafre le paysage, celui qui n’est pas un mur mais une barrière selon la dialectique israélienne… Alors que nous attendions, nous fûmes rejoints par un nombre croissant de véhicules privés, de taxis, de motos, de tuk-tuks, et même par un camion à plateau ouvert, envahi par une foule de personnes agitant des drapeaux jaunes, ceux du Fatah. La seule différence notable était l’absence de la presse. En tant que seul occidental présent, et disposant d’un appareil photo, je ne pouvais que constater que ma position était unique.

Soudain, le murmure qui parcourait la foule s’est mué en clameur, et tous se sont précipités en direction des portes qui s’ouvraient pour aller à la rencontre de Mohammed Abu Amsha, âgé de 51 ans, marié et père de 8 enfants, qui venait d’être libéré après 7 années passées en prison. Il s’agissait de sa troisième incarcération durant laquelle il ne lui a pas été permis de bénéficier de soins appropriés pour ses problèmes cardiaques et respiratoires. Mais c’était désormais un homme libre. Nous avons roulé à la suite du véhicule dans lequel il a pris place, et avons parcouru les rues étroites du village voisin de Beit Hanoun, où les enfants et les adultes intrigués sortaient devant les maisons et se penchaient aux fenêtres.

Des femmes poussaient des youyous et un tuk-tuk a pris la tête du cortège avec de gros haut-parleurs à bord. Une vaste tente de célébration avait été installée devant la maison de la famille d’Abu Amsha. Les personnes qui n’y avaient pas trouvé de chaise plastique libre où s’asseoir s’étaient regroupées et attendaient patiemment que vienne leur tour d’exprimer leurs félicitations, d’embrasser Abu Amsha et de se faire photographier à ses côtés.

Je ne me sentais pas de m’y mêler. J’étais trop différent et je crains d’avoir pourtant détourné une part de l’attention du fait des enfants qui se groupaient autour de moi, curieux et souriants, pour me demander dans un anglais défaillant si j’allais bien, quel était mon nom et d’où je venais. Ils ont été on ne peut plus heureux et fiers lorsque j’ai accepté de les photographier, à leur demande. Soudain, quelqu’un m’a pris par le bras et m’a entraîné vers l’intérieur de la maison, me faisant passer devant la file de personnes qui attendaient, jusqu’en haut des escaliers et dans la salle de réception.

Des personnes arborant de larges sourires attendaient leur tour de venir serrer dans leurs bras et embrasser Abu Amsha, un homme qui, après tant d’années de prison, est obligé d’attendre encore quelques jours avant de pouvoir se retrouver seul avec sa famille.

C’est en effet un très grand jour, pas seulement pour lui, mais également pour tous ceux qui le considèrent comme un héros de la lutte contre l’occupation. Pour le lundi suivant, le thème de la manifestation hebdomadaire qui se tiendrait face à la Croix Rouge était tout trouvé.


Toutes les photos prises par Joe Catron et Charlie Andreassoici.

Source : Palsolidarity

Traduction : CR pour ISM

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