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ISM France - Archives 2001-2021

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Moyen Orient -

"L'axe de la peur" est né

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On peut dire que l'administration Bush est en train d'obtenir ce qu'elle veut au Moyen Orient. Pour combattre un croissant chiite fictif (une construction du roi Abdullah de Jordanie), elle a fortement encouragé le croissant sunnite (l'Arabie Saoudite, l'Egypte, la Jordanie, le Koweit et les Emirats arabes unis), exacerbant ainsi jusqu'au paroxysme la "stratégie" qu'elle avait déjà appliquée en Irak : le sectarisme comme paramètre doré du "diviser pour mieux régner'" impérial.

'L'axe de la peur' est né

Historiquement, les Sunnites et les Chiites ont coexisté malgré des tensions sociales. Mais jamais ces tensions n'ont été aussi cyniquement exploitées – par Washington – comme dans l'Irak d'après l'invasion et tout le Moyen Orient.

L'administration du Président US George W. Bush s'efforce d'imputer le désastre monumental de l'Iraq occupé à un nouveau bouc émissaire. Ainsi le énième revirement dans la "guerre contre la terreur" : exit al-Qaeda, voilà l'Iran.

L'"axe de la peur" arabe sunnite coopère gaiement. Le roi Abdullah d'Arabie Saoudite s'est même plaint dans un journal koweitien que l'Iran essayait de convertir au chiisme les Arabes sunnites. Même Israël s'allie maintenant, par tous les moyens, à l'Arabie Saoudite contre l'Iran – La Mecque/Jérusalem contre Qom ; les Musulmans et les Juifs luttant contre les Musulmans.

Il est éclairant de comparer ce développement avec l'analyse de l'Ambassadeur d'Iran en Syrie, Mohammad Hassan Akhtari – rien d'autre que la répétition du "diviser pour mieux régner" de l'Empire Britannique. Washington, une nouvelle fois, sème les graines de la discorde parmi les Musulmans : "Bush et ses alliés sont favorables à davantage de troubles, d'agitations et de crises, qui leur permettent de justifier le déploiement de leurs troupes dans la région."

Il arrive aussi que les Chiites vivent au milieu de l'"axe de la peur" – comme en Arabie Saoudite et dans les monarchies du Golfe Persique. Au-delà du sectarisme, la perception populaire arabe est assez en alerte pour identifier la manoeuvre pour ce qu'elle est : une guerre des Etats-Unis – soutenus par les régimes dictatoriaux arabes – contre l'Islam.

Et la cible n'est pas seulement l'Iran : la connexion israélo-saoudienne est aussi anti-Hamas – un point évident puisque la Maison des Saoud n'est rien d'autre qu'une annexe de Washington.

Une enquête récente menée dans l'opinion publique arabe par le groupe britannique YouGov a révélé qu'Israël est "la plus grande menace pour la sécurité et l'avenir" du Moyen Orient (88%), suivi par les US, al-Qaeda et enfin l'Iran (33%). Cela n'a pas empêché la majeure partie des principaux médias arabes de s'engager dans une vague de propagande anti-iranienne systématique.

Mais comme l'Iran s'efforce de se positionner, dans la pratique, comme le soutien-clé du mouvement national de libération palestinien, il ne peut pas manquer de consolider son rôle populaire de premier plan au Moyen Orient. Une fois de plus, cela n'amusera pas Washington.


Les jeux patriotes-

La guerre de l'administration Bush contre l'Iran a déjà commencé et l'escalade et la provocation sont menées avec fébrilité. Cela comprend :

- La – fausse – affirmation de la Maison Blanche sur des "réseaux" iraniens qui aideraient à cibler les troupes US en Irak.

- Un dossier bientôt colporté par l'administration Bush détaillant la prétendue "subversion" iranienne en Irak, et qui développe l'hypothèse surréaliste d'"agents" iraniens collaborant avec la résistance (muqawama) arabe sunnite dans un déchaînement anti-américain.

- Des Forces spéciales US déstabilisant l'Iran sur le terrain (en particulier dans les provinces du Khuzestan et du Sistan-Balochistan).

- Des sanctions des Nations Unies.

- La Banque Sepah appartenant à l'Etat iranien mise sur liste noire.

- Le déploiement de missiles défensifs Patriotes en Israël et dans les Etats du Golfe (en théorie pour abattre toutes représailles venant des missiles iraniens Shihab-3).

- Le déploiement vers le Golfe des porte-avions nucléaires USS (1) John C. Stennis et USS Eisenhower – deux énormes aéroports flottants accompagnés de croiseurs lance-missiles, de frégates, de contre-torpilleurs, de sous-marins et chargés d'un déluge de missiles et d'hélicoptères. Si le porte-avion Nimitz – actuellement à San Diego – fait lui aussi route sur le Moyen Orient, l'attaque de l'Iran sera une certitude.

Et il y a l'avalanche ininterrompue de désinformation.

Comme en 2002, avant l'opération "Choc et Effroi", lorsque après Ousama Ben Laden, Saddam Hussein est devenue la cible, dans la redite 2007 (avec un rebondissement nucléaire), on fait glisser l'attention du bourbier irakien vers la "menace" iranienne.

L'Institut International d'Etudes Stratégiques, à Londres, a rejoint la bagarre, statuant que l'Iran "pourrait" être à seulement deux années de la possession d'une bombe nucléaire. Ce qui rejoint curieusement la déclaration du chef du Likud Benjamin Netanyahi, qui a dit que l'Iran est "à 1.000 jours" de devenir une puissance nucléaire. CNN et Fox News le martèlent impitoyablement pour obtenir la primeur des cadeaux du Pentagone – être aux premières loges lors de la prochaine guerre.

Pendant ce temps, à Téhéran, tout est suspendu à la décision cruciale qui doit être prise par la direction de la théocratie nationaliste.

Quelle voie choisir : la coopération avec les Etats-Unis ou la confrontation ?

Le Président Mahmud Ahmadinejad et son groupe sont favorables à une confrontation.

Hashemi Rafsanjani, en pratique le n° 2 du régime, est favorable à la coopération (comme l'est un acteur incontournable, l'Ayatollah réformiste Hossein Ali Montazeri).

Le chef suprême, l'Ayatollah Ali al-Khamenei a pris des mesures pour isoler Ahmadinejad. Mais c'est peut-être trop tard : quelle que soit la voie choisie, l'administration Bush est déjà sur le pied de guerre. Les options abondent.

Comme selon les nouvelles règles définies par la Maison Blanche, la guérilla en Irak est maintenant menée par l'Iran et non pas par Al-Qaeda, l'Iran peut être attaqué sans autre autorisation.

La principale pièce manquante : comment fabriquer le nouvel incident Golfe (persique) du Tonkin, comme en 1964, lorsque les vaisseaux vietnamiens ont attaqué les destroyers US, déclenchant la Guerre du Vietnam.


Priez et après, je vous tuerai

La division sunnite-chiite entretenue par les USA doit impliquer le pétrole. L'Arabie Saoudite est directement confrontée à l'Iran au sein de l'Organisation des Pays exportateurs de pétrole. Les marchés considèrent comme acquis que l'administration Bush est une fois de plus alliée à la Maison des Saoud. L'Iran veut que le pétrole soit vendu à au moins 70 US$ le baril. Le Ministre saoudien du Pétrole, Ibrahim al-Naimi, d'un autre côté, continue à répéter que les prix du pétrole vont "dans la bonne direction", c'est-à-dire à la baisse.

La collusion US/Saoud n'y va pas de main morte pour faire pression sur l'économie de l'Iran (moins de ventes de pétrole, moins de devises, problèmes croissants pour Ahmadinejad, dont l'administration notoirement incompétente n'a pas réussi une meilleure répartition des revenus du pétrole de l'Iran).

Et pour couronner le tout, extraire un baril de pétrole saoudien peut coûter au plus 2$. L'Iran, d'un autre côté, doit dépenser au moins 18$. Et cela va empirer. Il est impossible à l'Iran d'acheter le meilleur équipement d'exploration et de forage, parce qu'il est fabriqué en Amérique du Nord.

Ce n'est pas étonnant que Téhéran procède avec une extrême prudence – en même temps qu'il se prépare à une possible attaque.

D'un point de vue diplomatique, Téhéran a invité des scientifiques de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique et des diplomates du Mouvement des Non-Alignés, le Groupe des 77 et la Ligue Arabe à visiter les sites nucléaires iraniens. Ali Larijani, le directeur du Conseil Suprême de la Sécurité Nationale et négociateur en chef pour le nucléaire, est allé en Arabie Saoudite et a parlé personnellement au Roi Abdullah – lui transmettant l'offre du Chef Suprême de l'aide iranienne pour stabiliser l'Irak. Mais ceci ne sera pas suffisant pour appaiser Bush.

Le feu vert de Bush pour l'assassinat d'Iraniens en Irak a été une absurdité notoire – en plus d'être illégal. La majorité des Iraniens d'Irak sont des pèlerins, qui vont principalement sur les sites saints de Najaf et Karbala (l'Iran finance actuellement la construction d'un aéroport à Najaf).

Chacun peut maintenant traiter les pèlerins d'"espions" ou de "terroristes" ou pire, et se lancer dans des assassinats ciblés.

Ce que les agents iraniens font, c'est vendre des obus de mortier et des grenades lance-roquettes aux commandants de l'Armée du Mehdi de Muqtada al-Sadr. L'Armée du Mehdi ne tue pas d'Américains – du moins pas encore.

Les pèlerins shiites ne sont pas responsables des victimes américaines. Les tueurs sont les Arabes sunnites – de la province d'al-Anbar à Salahuddin, de Mosul à Bagdad ouest. Ces tueurs arabes sunnites sont sponsorisés par personne d'autres que des individus riches vivant dans "l'axe de la peur" – l'Arabie Saoudite, l'Egypte, la Jordanie, le Koweit et les Emirats. Parmi les 10.000 prisonniers dans les geôles US en Irak, la majorité des étrangers sont les Saoudiens, suivis par les Jordaniens. Il n'y a pratiquement aucun Iranien.

Dans une interview du 19 janvier donnée à la chaine arabe al-Manar, le secrétaire général du Hezbollah, le Sheikh Hassan Nasrallah, a analysé avec finesse comment la libanisation est liée à l'irakification et, plus largement, à la division Sunnite-Chiite au Moyen Orient. Et tout a à voir, bien sûr, avec le "Nouveau Moyen Orient" de Bush.

D'après Nasrallah, "En bref, le –Nouveau Moyen Orient- signifie une série d'Etats-croupions divisés selon des lignes religieuses, sectaires et raciales, du Liban à la Syrie, à l'Irak, à l'Iran, à la Turquie, à l'Afghanistan, au Pakistan ; toute la route vers l'Arabie Saoudite et le Yemen et le reste des Etats du Golfe, jusqu'à l'Afrique du Nord. Et là, je voudrais mettre chacun en garde, dans le monde arabe et islamique, quelle que soit la secte ou la religion à laquelle il s'identifie, qu'il soit musulman ou chrétien, shiite ou sunnite ou druze, quelle que soit sa race, arabe, kurde, turc, etc. Quiconque peut croire que le "Nouveau Moyen Orient" lui garantira son propre Etat indépendant, et ça sera peut-être le cas, mais il ne doit pas ignorer qu'un des piliers central de ce "Nouveau Moyen Orient" est le conflit continuel entre ces Etats-croupions".

La réalité lui donne raison. L'administration Bush prospère sur le chaos – sectarisme interne et sectarisme d'Etat à Etat.

Elle donne à un Etat irakien clientéliste (le gouvernement de Nuri al-Maliki) l'ordre de tuer les Arabes sunnites (ou les Shiites nationalistes, comme les Sadristes).

Elle donne à un client suppliant en Palestine (Mahmoud Abbas) l'ordre de tuer les gens du Hamas.

Elle donne à un régime clientéliste au Liban (le gouvernement de Fouad Siniora) l'ordre de tuer les gens du Hezbollah. C'est ce que Washington appelle "la démocratie".

Comparez cela avec le fait que Nasrallah, Khalid Meshal du Hamas et Ahmadinejad sont les trois chefs musulmans les plus populaires en Egypte.

Si la "solidarité sunnite" était davantage qu'un slogan vide de sens dans la guerre pour l'âme de l'Islam, l'"axe de la peur" soutiendrait les guérillas arabes sunnites en Irak pour chasser les US.

Ils n'ont jamais pu trouver le courage, bien sûr – contrairement à leurs populations – alors ils ont fabriqué la menace du "croissant chiite". Pour les Etats-Unis, c'est plus que confortable d'attribuer à l'Arabie Saoudite sunnite inconditionnelle le rôle d'acteur clé de "l'axe de la peur" dans leur guerre contre l'Iran chiite. Le Pakistan ami des Talibans devrait s'y joindre bientôt.

Le fait que l'Arabie Saoudite et le Pakistan fabriquent des "terroristes" en quantité industrielle est un détail mineur. Ce qui importe maintenant pour l'administration Bush est cependant une autre bande sauvage de "terroristes" encore plus malfaisants qui menacent la "civilisation" avec des armes nucléaires (qui n'existent pas).

Si un mini-11 septembre 2001 devait se produire, les USA accuseraient l'Iran. Nancy Pelosi (2) et le Congrès devront dire "oui" aux bombes US. Et pendant ce temps, des Musulmans tueront des Musulmans partout au Moyen Orient, pour le plus grand bénéfice des Etats-Unis.

(1) ndt. Abréviation de United States Ship
(2) ndt. Présidente de la Chambre des représentants

Source : Wa3ad

Traduction : MR pour ISM

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