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Maghreb -

Allâl al-Fâsî, référence intellectuelle et politique

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Au cours du XXème siècle, le monde musulman a connu de nombreuses figures nationalistes qui ont dirigées les mouvements de résistance et de libération contre l’occupation. Ces figures ont excité la ferveur du peuple et ont conquis son cœur. Rares sont celles qui ont allié le côté politique, le jihad nationaliste, la référence intellectuelle, l’esprit juste, la capacité d’écrire, et une large connaissance de l’Islam. Parmi elles, il y a Allâl al-Fâsî, leader des mouvements de libération du Maroc, qui a aussi appelé à la réforme islamique.

Allâl al-Fâsî, référence intellectuelle et politique

Naissance et Formation

Allâl al-Fâsî est né le 20 janvier 1910 dans la ville marocaine de Fès. Il grandit dans une maison de science et de religion. Son père, Abd al-Wâhîd, enseignait à l’Université al-Qarawiyyin. Il travailla aussi, quelques années, dans la magistrature.

Alors qu’il avait un peu moins de six ans, Allâl al-Fâsî entra au kuttâb (1) où il apprit le Saint Coran et les rudiments de l’écriture et de la lecture. Puis, il intégra une des écoles élémentaires libres que les leaders du mouvement nationaliste de Fès avaient fondées. Le Maroc avait été assujetti à la tutelle française en 1912 et était à cette époque sous les griffes de l’occupation.

Ensuite, il intégra l’Université al-Qarawiyyin qui était l’une des plus importantes universités du monde musulman dont furent diplômés plusieurs leaders du mouvement nationaliste marocain. L’Université al-Qarawiyyin permit au Maroc de conserver sa langue arabe et sa culture islamique.

La personnalité d’Allâl al-Fâsî est apparue à cette période alors qu’il n’était qu’étudiant. Les regards se sont tournés vers lui grâce à son éloquence, à la douceur de sa langue, à sa capacité à toucher son auditoire et à son audace qui lui donnait la capacité de dire la vérité sans peur ni crainte. Il joua un rôle dans l’introduction de l’eau dans la ville de Fès alors que les autorités françaises cherchaient à en priver ses habitants. De même, il aida Abd al-Karîm al-Kattâbî dans son jihad contre l’occupation française. Sa noblesse de caractère le poussa à fonder « l’association al-Qarawiyyin pour la résistance contre les occupants » dans laquelle il rassembla ses camarades étudiants. Allâl al-Fâsî continua son activité avec persévérance jusqu’à ce qu’il obtint le diplôme d’al-‘âlamiyya (2) de l’Université al-Qarawiyyin en 1932 alors qu’il avait à peine vingt-deux ans.

Le Dahir berbère

Au fort de la résistance du peuple marocain contre l’ennemi usurpateur, ce dernier ne cessait de chercher un plan astucieux pour contrôler le pays. Il en vint à l’idée de la nécessité de creuser un fossé entre les Arabes et les Berbères. Il publia un décret connu sous le nom du « Dahir berbère » dont le but était de diviser la nation. Les berbères n’étaient plus assujettis à la loi islamique dans le domaine familial et dans celui de l’héritage. Il cherchait à éloigner la langue arabe des écoles berbères, et à ce que les langues berbère et française soient celles de l’enseignement.

Derrière tout cela, le but était la francisation du Maroc d’un point de vue linguistique et politique, et d’apprendre aux berbères toute chose excepté l’Islam.

Allâl al-Fâsî n’est pas resté inactif face à ces mesures rusées. Il prononça des discours et des cours pour aviser ses concitoyens de la réalité qui se tramait en cachette, afin de susciter la ferveur en eux et pour les appeler à la révolte et au soulèvement. Sa sincérité avait un grand impact sur la population. Des manifestations surgirent pour dénoncer cette politique malveillante.

Les orateurs dans les mosquées concluaient leurs propos par cette invocation : « Ô Bienveillant, nous Te demandons la bienveillance dans ce qu’à exécuter la destinée, et de ne pas faire de séparation entre nous et nos frères berbères ».

Le colonisateur français a répondu à ces manifestations par la force. Il arrêta de nombreux manifestants parmi lesquels Allâl al-Fâsî. Malgré cela, les manifestations augmentèrent en zèle et en fureur. Les berbères, eux-mêmes, s’élevèrent contre cette politique et ils la combattirent avec ardeur. Le gouverneur français n’eut d’autre choix que de libérer Allâl al-Fâsî et d’abandonner les mesures qui étaient spécifiquement imposées aux berbères.

L’éveil est le chemin de la résistance

A sa sortie de prison, une nouvelle étape pour l’éveil du peuple débuta : par le biais de cours et de séminaires dans lesquels ils apprenaient la vie du Prophète, que les saluts et les bénédictions de Dieu soient sur lui. On y comparait aussi l’état des premiers musulmans et la réalité de nos frères contemporains. Ces cours attirèrent l’attention des Marocains, hommes et femmes. Allâl al-Fâsî ne se contenta pas de cela : il choisit un groupe d’amis qu’il envoya dans différents villages pour répandre l’appel, les idées justes, et pour attiser le sentiment nationaliste.

L’administration française a réagi à cette activité débordante avec une grande hostilité. Elle vit dans ces conférences des manifestations politiques et nationalistes. Elle tenta de les interdire de différentes façons, mais elle ne trouva d’autre moyen que l’arrestation d’Allâl al-Fâsî et son exil en dehors du pays. On lui proposa le Ministère de la justice à Marrakech mais il refusa de travailler sous un régime colonisateur. Les efforts de l’occupant échouèrent devant l’opposition d’Allâl al-Fâsî qui refusait même les plus hautes fonctions.

En exil au Gabon

Après avoir publié la décision d’exiler Allâl al-Fâsî, l’occupant français l’envoya au Gabon dans un avion privé le 3 novembre 1937. Le Gabon était alors une colonie française en Afrique équatoriale.

Il resta en exil neuf années durant lesquelles il était enfermé dans une cellule sombre souffrant de la solitude et de l’éloignement. On lui refusa l’accès au Coran et à sa lecture pendant un an et demi.

Il ne rentra dans son pays qu’en 1946 pour poursuivre son rôle actif. Le pays était sous le contrôle d’une autorité nationale, celle de Mohammad V, qui voulut faire face à l’occupation et qui déclara l’indépendance de son pays. Allâl al-Fâsî ne resta pas longtemps au Maroc. Il voyagea en France où il écrivit dans les journaux appelant à l’indépendance de son pays. Ensuite, il quitta la France et visita de nombreux pays arabes. Il fit halte au Caire qui l’accueillit chaleureusement. Il y demeura jusqu’à l’indépendance du Maroc. Il rentra dans son pays en 1957.

Le retour au Maroc

Après l’accession du Maroc à l’indépendance en 1955 (3) et le retour du roi Mohammad V sur le trône, Allâl al-Fâsî rentra dans son pays après une absence de dix ans passés au Caire. Il reprit son ancienne activité et devint Président du parti de l’Istiqlal qui avait été créé auparavant. Il fut choisi comme membre principal du Conseil constitutionnel pour rédiger la Constitution du pays.

Ensuite, il fut élu à sa présidence. Il a présenté le projet de la loi fondamentale et a participé à la mise en place des premiers fondements de la Constitution en 1962. Il se présenta aux élections qui eurent lieu en 1962 et entra au gouvernement. Il fut l’initiateur de la création d’un ministère d’Etat chargé des affaires islamiques.
Parallèlement à cela, il fut élu correspondant de l’Académie de la langue arabe à Damas et de celle du Caire.

Sa production littéraire

Ses recherches scientifiques et ses écrits littéraires sont nombreux. On peut se demander comment, malgré ses responsabilités politiques au sein du mouvement nationaliste, il a eu le temps d’écrire tout cela alors qu’une personne libre n’aurait pas pu le faire. Dieu donne à qui Il veut.

Allâl al-Fâsî a écrit plus de vingt livres dans différents domaines. En histoire, il a écrit, à la demande de la Ligue des Etats Arabes, al-harakât al-istiqlâliyya fîl-Maghrib al-arabî (Les mouvements indépendantistes au Maghreb). C’est un résumé de la situation politique du Maghreb sous différentes formes. Il a aussi écrit al-Maghrib al-arabî mundhu al-harb al-ûlâ (Le Maghreb depuis la Première Guerre Mondiale) qui est un ensemble de conférences qu’il a données en 1955 aux étudiants du département d’études d’histoire et de géographie de l’Institut d’études arabes lié à l’Université Arabe.

Dans le domaine de la loi islamique, il a écrit son livre le plus connu maqâsid al-sharî’a al-islâmiyya wa makârimuha (Les objectifs de la loi islamique et sa nature bienfaisante) qui est un ensemble de conférences qu’il a données aux étudiants en droit de l’Université Mohammad V à Rabat, et aux étudiants en droit de Fès et aux étudiants de sharia de l’Université al-Qarawiyyin. Il a aussi écrit difâ’ ‘an al-sharî’a (Défense de la loi islamique (4)) qu’il avait composée afin de refléter la réalité de la sharia, quelles sont ses caractéristiques, ce qu’elle englobe de bienfaits, et pour affirmer que c’est une loi valable à toute époque en en tout lieu. Il voulait aussi dévoiler les objectifs des lois coloniales dont nous avons héritées et ce qu’elles ont de mauvais, d’injuste et de volonté de démolition de la communauté islamique.

Deux autres livres traitent de ces sujets : madkhal lil-fiqh al-islamî (Introduction à la jurisprudence islamique) et târîkh al-tashrî’ al-islamî (Histoire de la législation islamique). Dans ces ouvrages, il prouve de manière convaincante que les lois occidentales et la jurisprudence du droit romain, dans sa figuration actuelle, ont été influencées par la législation islamique par le biais de commentateurs et d’exégètes sortis de l’école de Bologne en Italie et d’autres écoles européennes. Ils ont été influencés par la culture arabe par l’intermédiaire de l’Andalousie.

Parmi ses livres les plus importants, citons : al-naqd al-dhâtî (l’autocritique), écrit en 1949 lorsqu’il vivait au Caire, qui comprend la plupart de ses opinions, et de ses orientations réformatrices.
Dans ce livre, il définit la méthode intellectuelle pour la construction d’un Maroc indépendant en prenant la liberté de pensée comme principe de toute réussite et en appelant à l’expansion de la liberté de pensée afin qu’elle ne soit pas limitée à une seule classe ou à une catégorie particulière.

Dans les domaines de l’économie, de la sociologie, et de la justice sociale, il a écrit de nombreux ouvrages parmi lesquels : ma’rakatul-yaûm wal-ghadd (La bataille d’aujourd’hui et de demain), dâ’imân ma’a al-sha’b (Toujours avec le peuple) et al-‘aqîda wal-jihâd (La foi et le jihad).

Sa mort

Dieu voulut qu’Allâl al-Fâsî meure alors qu’il travaillait et luttait. Il mourut à Bucarest, la capitale de la Roumanie, alors qu’il exposait au Président ses impressions sur ses voyages qu’il effectua en tant que Président de la délégation du parti de l’Istiqlal marocain. Il expliquait l’affaire du Maroc et du Sahara marocain et le combat du peuple palestinien pour la libération de ses terres. Il mourut le 13 mai 1974.

Notes de lecture :

(1) Ecole coranique (NdT)
(2) Diplôme qui rend apte son titulaire à enseigner (NdT)
(3) Le Maroc a acquis son indépendance le 2 mars 1956 mais le France a reconnu le principe de son indépendance le 6 novembre 1955 (NdT)
(4) Cet ouvrage a été traduit en français : El Fassi Allal, Défense de la loi islamique, Casablanca, 1977. (NdT)

Source : Islam On Line

Traduction : Souad Khaldi

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