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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Expulsée de son propre pays

Par

Ida Audeh est une Palestinienne qui travaille comme rédactrice dans une entreprise nord-américaine et qui vivait avec son mari à Ramallah jusqu'à ce que les Israéliens décident en juillet que cela était inacceptable.

Dans la nuit du dimanche 30 juillet, mon mari et moi sommes devenus des déportés.
Nous avions quitté la Cisjordanie quelques jours avant qu'expire notre visa d'un mois. Depuis notre arrivée à Ramallah en janvier 2005, nous sortions des territoires occupés bien avant que notre visa expire et ré-entrions dans le pays pour obtenir un nouveau visa à la frontière.

Expulsée de son propre pays


Image: Maureen Clare Murphy - Electronic Intifada

Mais depuis la victoire du Hamas aux élections du Conseil Législatif Palestinien, nous avions entendu dire que d'autres détenteurs de passeports américains avaient été refusés de ré-entrer lorsqu'ils étaient sortis pour renouveler leurs visas.


Nous sommes partis nerveusement mais en pensant toujours que nous pourrions revenir, ne fût-ce pour un mois.

Nous sommes arrivés à Tel Aviv et nous sommes allés au poste de contrôle des passeports ; la femme dans la cabine a bientôt réclamé de l'aide.

Ce n'était pas complètement inattendu ; à chaque fois que nous présentons nos passeports à l'aéroport ou au pont, les Israéliens regardent le passeport de Walid, ils voient que son lieu de naissance est indiqué comme étant la Palestine, et ils s'agitent de façon incontrôlable, comme si personne n'était autorisé à antidater leur état idiot.

Nous avons été emmenés dans un coin de la grande salle, légèrement caché par une cloison. Là, nous y avons trouvé d'autres personnes qui ressemblaient à des Palestiniens et un couple d'Ethiopiens au regard fatigué, la femme tenant un enfant endormi. Nous nous sommes assis et nous avons attendu.

Walid a été appelé seul et il est parti un très long moment. Je me suis finalement levée et j'ai commencé à écouter discrètement à la porte, et c'est là que j'ai réalisé que nous avions des ennuis.

Walid et le fonctionnaire israélien sont sortis de la salle. Assommé, Walid m'a dit que nous n'étions pas autorisés à entrer ; il avait essayé d'expliquer que nous quittions la région pour de bon dans trois mois et que nous n'essayerions pas de revenir avant un certain temps, et quand cela n'a pas fonctionné, il a essayé d'obtenir un visa d'une semaine de sorte que nous puissions au moins récupérer nos affaires personnelles et prendre nos dispositions.

Le fonctionnaire israélien a prétendu que, bien qu'il n'était pas d'accord avec cette politique, il ne pouvait pas nous donner l'accord. Walid a insisté en disant qu'il serait discret et il a affirmé qu'il ne pouvait pas.

J'ai commencé à discuter avec lui, en lui disant que nous devions fermer notre appartement et nous occuper du chat. (En me préparant sans enthousiasme au scénario du pire, j'ai décidé que dire à un Israélien que je devais m'occuper de ma vieille mère serait peu susceptible de l'émouvoir, mais que lui parler d'un chat qui risquait de se retrouver en fourrière pourrait toucher sa corde sensible. Je me suis dit que, comme beaucoup d'occidentaux, les Israéliens seraient bien plus émus par la situation difficile d'un chat sans foyer que celle d'une mère palestinienne de 72 ans se retrouvant soudainement seule.)


Ma stratégie a échoué. Le fonctionnaire israélien m'a dit qu'en tant que touriste je ne devrais pas avoir d'appartement ou de chat. Parler était inutile.

Là, nous étions, trois Américains -- nous avons supposé à la façon dont il parlait que l'Israélien devait avoir une double nationalité : l'un, probablement né à Brooklyn mais qui, en vertu de sa religion, avait le droit de dire aux autres deux qu'ils devaient partir, que Walid n'avait aucun droit de s'attarder dans ou à proximité de son lieu de naissance, que je ne pouvais pas aller dans ma ville natale où mes racines étaient profondément ancrées.

J'ai été autorisée à passer un coup de téléphone, et donc j'ai appelé l'Ambassade des Etats-Unis. La personne à qui j'ai parlée s'est proposée d'appeler l'un de ses contacts au Ministère de l'Intérieur, mais il a admis que cela n'affecterait probablement pas les résultats. Il m'a lu une certaine loi israélienne et nous avons conclu tous les deux qu'elle n'était pas du tout appropriée à notre situation.

Il a rappelé comme promis pour dire que son contact ne pouvait pas rien faire concernant ma situation et que je devais appeler l'Ambassade en Jordanie et le Consulat à Jérusalem parce qu'il y avait quelqu'un qui suivait les cas comme le mien.

Nous sommes retournés dans la même salle d'attente où nous avons été rejoints par un autre Palestinien qui était expulsé et un garde bavard, Uzi Tal. C'était le garde qui avait expliqué que nous étions expulsés - jusqu'à ce moment-là, le mot "expulsé" n'avait pas été prononcé.

Uzi avait pris lui-même l'initiative de nous expliquer que nous ne pourrions pas revenir avant 5 à 10 ans. J'ai eu un blanc.

J'ai appelé ma mère pour lui expliquer ce qui se passait, et sa voix était à peine audible. Elle était au moins aussi déçue que nous.

Le vol de retour vers la Jordanie a décollé juste aprés minuit et il était pratiquement plein, principalement des jeunes Israéliens qui semblaient être des touristes.

Dimanche, c'était le jour où le gouvernement israélien a commis le massacre de Qana au Liban, mais ces Israéliens, aimant s'amuser, partaient vers un pays arabe et apparemment sans se préoccuper du reste du monde, et certainement aucun sentiment apparent de culpabilité nationale pour les dégâts catastrophiques qu'ils causaient au Liban et pour le bain de sang permanent dans la bande de Gaza.

Walid et moi sommes arrivés à Amman trop abasourdis pour parler. Nous avons loué une chambre d'hôtel et nous nous sommes endormis vers 3h du matin.

Quelques heures plus tard, je me suis réveillée et j'ai eu ma première pensée de la journée : nous sommes à la rue. Ma belle-mère nous hébergerait, naturellement, mais pour la première fois de ma vie, j'ai essayé de penser au futur ou à ce que nous devrions d'abord faire. Je n'en avais aucun idée.

Près de six semaines se sont passées depuis cette nuit terrible. Le lendemain de notre expulsion, ma mère a fait une demande pour remettre en état une vieille carte d'identité qui était périmée depuis les années 80, et chaque jour, mais on lui promet qu'elle sera bientôt disponible. Nous attendons. Chaque matin, j'ai un léger sentiment de présage, en espérant que ce sera le jour où notre chance commencera à tourner. Et chaque jour je suis déçue.

Les après-midis et les soirées sont déprimants ; Je me sens prise au piège et complètement impuissante, à la merci d'Israéliens sans visage et indifférents (et peut-être des intermédiaires palestiniens) qui décident de mon destin.

Peut-être que décider est un mot trop catégorique -- peut-être que tout simplement, ils laissent faire. Pourtant, depuis que je suis dans les limbes, je n'ai pas beaucoup de vie. Je vais et je viens mais avec peu de sentiment de direction ou d'objectif. Ma vie est en suspens.


Nous vivons avec l'espoir que mon retour est simplement une question de temps.

Par la suite, spéculons-nous, les Israéliens devront céder et émettre mon hawiya (carte d'identité), et avec cela en main, obtenir un passeport palestinien devrait être du gâteau. Et alors, je ferai une demande pour que mon mari me rejoigne.

Nous pensons fortement tous les deux que je dois saisir toutes les chances possibles, exercer seulement mon droit de revenir et mon droit d'être à la maison quand je le veux, et non au bon vouloir d'une certaine politique israélienne conçue pour contrôler la population autochtone et la punir d'avoir élu le Hamas au gouvernement.

Mais nous réalisons également que Walid a moins d'une chance sur deux d'entrer et qu'il y a de fortes chances que nous soyons séparés. Nous n'avons pas été capables de réfléchir clairement à la façon de gérer cela.


A LIRE :

L'article de Jennifer Loewenstein :
Contrôle des identités et des déplacements dans les Territoires Palestiniens Occupés


Source : http://electronicintifada.net/

Traduction : MG pour ISM

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