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Palestine occupée -

La connaissance et la mémoire détériorée de la Palestine

Par

12.11.2016 – Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas n’a manifestement aucun scrupule à ajouter des spéculations aux récits entourant le probable assassinat de l’ancien chef de l’OLP Yasser Arafat. Pour le 12ème anniversaire de la mort d’Arafat, Abbas a prononcé un discours provocateur similaire à ces discours prétendument dénonciateurs réservés aux réunions de l’ONU chaque fois qu’il est décidé qu’Israël a dépassé les limites acceptables de la violence coloniale. Espérant probablement provoquer un tollé sur son aveu qu’il sait qui a tué Arafat, il est très probable que la déclaration sera une confirmation de plus de la corruption de l’AP et de sa collaboration avec Israël.

La connaissance et la mémoire détériorée de la Palestine

Le vendredi 11 novembre 2016 marque le 12ème anniversaire de la mort de l’ancien président palestinien Arafat, alias Abu Ammar
Dans son discours pendant une cérémonie organisée par le Fatah à Ramallah, Abbas a déclaré, « Vous me demandez qui l’a tué ; je le sais, mais mon témoignage seul n’est pas suffisant. » Il faisait référence à une enquête en cours sur l’assassinat. « Vous le découvrirez à la première occasion et vous serez étonnés quand vous saurez qui l’a fait, » a-t-il ajouté. La dernière partie de son commentaire est puéril et sensationnaliste, ce qui fait de sa reconnaissance plus un ragot qu’une déclaration politique susceptible de conforter la mémoire palestinienne.

Etant donné que l’anniversaire et l’ouverture du Musée Yasser Arafat (1) ont eu lieu dans un laps de temps court, Abbas semble avoir essayé de mêler glorification, commémoration et opportunité, mais en vain. Les expositions du musée sont le reflet d’une mémoire sélective qui sert un but ; la liaison de la lutte anti-coloniale à un personnage historique et à des dirigeants internationaux comme Fidel Castro, dont l’engagement internationaliste reste permanent, entre autres. Le déclin du leadership palestinien, qui est passé de la lutte anti-coloniale à la servilité diplomatique, est moins prononcé, ce qui est aussi synonyme de ce qu’Abbas a fait pour la Palestine en termes d’engagement diplomatique. Entre les expositions et la rhétorique, il y a une ressemblance sous-jacente qui repose dans une décadence putride, celle qui consiste à sacrifier le peuple pour une réminiscence partiale et son exploitation consécutive.

Les enquêtes précédentes sur la mort d’Arafat, qui ont été jugées non concluantes, continueront sans aucun doute à alimenter les spéculations, en particulier après la reconnaissance claire d’Abbas qui suggère l’assassinat. Cependant, il est utile de garder à l’esprit qu’en février 2015, des admissions similaires ont été faites par Tawfik Tirawi, pour tomber dans les oubliettes jusqu’au prochain épisode théâtral de l’AP.

En effet, le penchant d’Abbas pour l’oubli peut être résumé par son prétendu raisonnement derrière le refus de donner des noms : « Je ne veux pas donner de noms parce que ces noms ne méritent pas d’être retenus. » Non seulement cette déclaration contredit son raisonnement précédent de ne pas divulguer l’identité du-des tueur-s présumé-s, mais elle est aussi l’expression d’un mépris flagrant pour l’importance de la mémoire historique et collective palestinienne. Abbas a tenté de dicter les trajectoires de la mémoire palestinienne en oblitérant le droit à l’expression collective et à la connaissance, ce qui constitue une aberration totale des éléments soutenant les processus mémoriels en termes de construction de récits par des faits et des souvenirs historiques. Sans le besoin de se souvenir, l’histoire devient un sujet dénué de pertinence.

La mémoire palestinienne a rencontré une série d’obstacles prémédités et intentionnels. L’effacement colonial de la mémoire palestinienne a été consolidé par les Accords d’Oslo, ou leurs vestiges, qui ont inversé la lutte anticoloniale dans un compromis permanent avec Israël et avec la communauté internationale par le paradigme de deux Etats. Commémorer la mort d’Arafat requiert une réminiscence des deux extrémités du spectre si la mémoire palestinienne doit prospérer à l’intérieur de l’espace confiné qui est maintenant la Palestine et l’extension coloniale oppressive incarnée par Abbas.

La direction de l’AP a prolongé l’échec des Accords d’Oslo, enchâssant leurs ramifications au point d’anéantir la mémoire palestinienne. Comme on peut le voir d’après les nouvelles récentes, la tendance qui consiste à chercher des dates particulières d’importance historique pour faire une déclaration opportuniste prévaut sur le souvenir. On a vu la même attitude sur la Déclaration Balfour, le 100ème anniversaire dramatique a également prévalu sur les conséquences du document infâme, étant donné que l’Autorité palestinienne n’a absolument pas l’intention de s’aligner sur la résistance palestinienne.

Dans ce cas, Abbas a exploité le concept de la prétendue connaissance, les restes de la mémoire d’Arafat et sa pertinence pour la mémoire collective palestinienne, tout en étant conscient de l’absence d’impact plus large, précisément en raison de la détérioration de la mémoire palestinienne, démarche collective d’Israël et de l’AP. Autant Arafat a été glorifié en fonction du besoin politique, en réalité la Palestine a été volontairement abandonnée et ses symboles récupérés pour servir des fins provisoires. C’est la raison pour laquelle la terre et les gens restent bien calés dans un espace où les réalités du colonialisme et de l’occupation sont séparées les unes des autres, pourquoi il n’y a pas de volonté politique pour discuter avec Israël en tant que présence plutôt qu’en tant qu’Etat et pourquoi des diplomates continuent de distinguer entre colonies et premières colonies de peuplement. Pour l’AP, Israël et la communauté internationale, la Palestine n’existe qu’en tant que discussion abstraite. Il est donc inconcevable que toute information au sujet de l’assassinat d’Arafat soit soutenue d’un point de vue politique.

Par conséquent, la divulgation de l’identité de l’assassin présumé d’Arafat fournira une connaissance permettant de combler une lacune dans le récit, mais son impact dans le cadre politique plus large sera probablement moins important. Peu importe ce qu’Abbas tente de transmettre, il a initié une autre rupture dans la mémoire palestinienne. Dans le scénario actuel, connaître l’assassin présumé remplira un fragment d’une mémoire déjà attaquée par des initiatives beaucoup plus traîtresses et par l’oubli permanent.

Abbas préfère s’aliéner le peuple palestinien par des paroles incongrues qui détournent l’attention du fait que la révélation du nom du coupable ne fera que compléter une narration. Pour que la révélation s’ancre dans la mémoire, Abbas doit se débarrasser de son discours hypothétique et s’abstenir d’influencer les trajectoires de la mémoire palestinienne. Pour la Palestine, la mémoire et la détérioration se sont imbriquées de façon macabre. Abbas est simplement en train d’en accélérer l’extension.


(1) Inauguration à Ramallah du musée dédié à Arafat avec ses keffiehs , Al Manar, 9 novembre 2016.

Photo

Source : Middle East Monitor

Traduction : MR pour ISM

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