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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

"Nous souffrons ensemble, nous partons ensemble"

Par

Fida Qishtais a 23 ans, elle est militante et éducatrice sociale à Rafah, dans la Bande de Gaza. Elle a fondé le Centre de Vie qui s’occupe de 300 enfants à Rafah.

13 juillet :
Après deux semaines d’attente avec mes parents et mon frère à la frontière égyptienne, je suis revenue chez moi à Rafah. Nous avons attendu parce que les Israéliens nous empêchaient de passer la frontière.
Nous avons passé deux jours à l’extérieur du terminal en Egypte, et douze jours à l’intérieur du terminal. 4.000 Palestiniens attendaient comme nous, certains depuis trois semaines

Quelquefois nous avons eu de la nourriture et de l’eau, quelquefois non. Je ne me souviens pas si j’ai ou non vraiment dormi, pendant les douze jours dans le terminal.

Il n’y avait pas de toilettes – quatre murs et un morceau de plastique en guise de porte. Neuf Palestiniens sont morts là. J’aurais pu être l’un d’entre eux.

J’avais peur pour mon père et ma mère parce que même des jeunes sont morts.

Depuis la frontière, nous pouvions voir les hélicoptères israéliens lancer des roquettes sur Rafah, et détruire l’aéroport palestinien proche. Nous avons entendu dire que le passage pourrait ouvrir, mais les Israéliens n’ont pas accepté.


Nous nous sommes retrouvés coincés dans le hall d’arrivée. Les Israéliens disaient que seulement 250 personnes pouvaient traverser, sur les 570 qui se trouvaient dans le hall. Ensuite nous avons été 800, avec des milliers qui attendaient à l’extérieur.

Les gens disaient : "Nous souffrons ensemble, nous partons ensemble"». Il nous est arrivé de dormir sans manger, sans couverture, et de nous réveiller sans déjeuner, jusqu’aux cinq derniers jours où la Croix Rouge est venue.


Une mère a appris que son fils avait été tué par l’armée israélienne. Elle ne pouvait arriver chez elle pour les funérailles, bien que nous soyons à un kilomètre de Gaza.

Selon n’importe quelle loi, une mère est une mère. J’observais une autre mère lorsqu’elle a appris que ses trois fils avaient été arrêtés par l’armée.

Elle s’est évanouie pendant cinq minutes. J’ai cru qu’elle était morte. Des malades étaient eux aussi coincés dans ce hall et non autorisés à revenir à l’hôpital. Ils disaient : « Ce ne sont pas de la nourriture ou des couvertures dont nous avons besoin, mais de rentrer chez nous. »

Aucune aide de personne, jusqu’à ce qu’on se tourne vers la résistance armée palestinienne. Celle-ci a appelé les Egyptiens et leur a donné trois jours pour ouvrir le passage.

Les Egyptiens ont répondu que les Israéliens avaient menacé de tirer sur les Palestiniens qui seraient autorisés à passer la frontière. En définitive, des hommes de la résistance palestinienne ont cassé le mur de séparation construit par Israël. Ils sont entrés par le côté égyptien et ont aidé les gens à sortir. Nous sommes rentrés chez nous grâce au trou qu’ils ont ouvert. Dieu merci je suis enfin chez moi.

J’ai l’impression que mon corps est brisé. Pas de douche pendant deux semaines, pouvez-vous imaginer cela ?

Mais laissez-moi partager avec vous ce qu’est ma vie à la maison. Les gens de Gaza vivent dans une grande prison pour 1,4 millions de personnes, la plus grande prison au monde.

Lorsque je suis arrivée chez moi, j’ai pris une douche. Mais avant que je ne le fasse, ma sœur m’a prévenu que nous avions très peu d’eau, parce que l’armée israélienne avait détruit les canalisations d’eau et le circuit électrique.

Nous avons de l’eau pendant deux heures tous les quatre jours, et l’électricité six heures par jour. C’est ainsi que nous vivons maintenant, sans eau, sans nourriture et sans salaires. Nous disons toujours à ceux qui viennent nous voir : « Racontez comme nous vivons lorsque vous serez de retour chez vous. »

Maintenant, les gens doivent aussi savoir ce qui se passe au Liban, et c’est horrible. Quelquefois, je ferme les yeux et je me dis que la guerre n’est qu’un cauchemar. Pourquoi cette guerre ? Les combattants du Hezbollah ont arrêté deux soldats israéliens. Ils ont essayé de nous aider, nous les Palestiniens.

A ce jour, et en deux semaines, dans la Bande de Gaza, les Israéliens ont tué 94 personnes. La guerre au Liban n’est pas une guerre pour défendre les droits des Israéliens.

C’est une guerre pour créer une deuxième Palestine en déplaçant le plus de gens possible et en créant de plus en plus de souffrance.


23 juillet

J’ai fini mon travail et suis rentrée à la maison à 23h30. Il y avait beaucoup de monde dans la rue. C’est comme ça que les gens passent leurs soirées à Rafah parce qu’il fait vraiment trop chaud dans les maisons.

Un peu plus loin, il y avait le mariage d’un de nos voisins. Les gens sont restés très tard. Chez moi, avec mes sœurs et mon frère, nous avons essayé de nous distraire.

Nous avons regardé la télévision, et nous pouvions entendre les hélicoptères et les avions israéliens.

Je savais au fond de moi que quelque chose allait arriver, mais je ne savais pas quoi. Soudain, nous avons entendu le bruit d’une bombe.

Nous avons tous couru pour voir ce qui se passait. On ne peut pas s’empêcher d’aller aider. Ma mère pleurait et demandait à mon frère de rester à la maison, après que nous ayons entendu des gens crier, en particulier des cris d’enfants. J

e reconnaissais leurs voix. Tout le monde courait. Nous avons ouvert la porte pour permettre à des gens de se mettre en sécurité chez nous. Ma mère a demandé au voisin, qui était assis sur son balcon, où était tombée la bombe.

C’était très près et nous avons vraiment eu l’impression que la maison allait s’effondrer. Il a dit que c’était la maison de Sami, notre autre voisin. Elle avait été bombardée par un F16.


Quelques personnes avaient été blessées alors qu’elles marchaient dans la rue. Ensuite nous avons appris qu’un enfant était blessé. Je ne pouvais pas marcher.

La bombe était tombée vraiment très près de nous, à 30 ou 40 mètres. Des briques et des pierres avaient volé partout. C’est comme ça que les gens ont été touchés. Je m’imaginais marchant, ou si le taxi avait juste eu dix minutes de retard, parce que je passe toujours par là pour rentrer à la maison.

J’aurais pu faire partie des blessés. J’avais plus peur pour les enfants et leurs familles qui avaient quitté le mariage et fuyaient en courant.

Les cris des enfants effrayés m’ont fait pleurer. Je voulais aider, mais je ne pouvais pas. Je suis allée à l’hôpital, où tout se passait correctement.

La nuit dernière, dans notre rue, les Israéliens ont demandé à trois familles de quitter leurs maisons, parce qu’ils allaient les bombarder. Ils avaient fait pareil dans d’autres camps de Rafah, menaçant dix familles.

Le jour suivant, j’ai eu envie de faire quelque chose de différent. J’ai appelé une amie et lui ai proposé de se retrouver dans un restaurant parce que j’allais être très occupée la semaine suivante, à mon travail.

C’était mon premier jour de repos. J’ai pris un taxi pour aller à Khan Younis, ville voisine. Dans le taxi, il y avait une grosse discussion sur la guerre au Liban, sur la situation dans la Bande de Gaza et sur pourquoi tout ceci arrivait. J’ai toujours apprécié ce que disent les personnes âgées.

Un vieux monsieur a dit au chauffeur : "Mon fils, ce qui se passe au Liban, c’est la même chose qu’à Gaza. Les Israéliens qui tuent ici tuent là-bas. Ils disent qu’ils se défendent. Fils, ces drames peuvent être réglés par la négociation, pas par la guerre. Une guerre pour deux soldats israéliens ?"

Il a ajouté : « Fils, j’avais 10 ans lorsque j’ai quitté ma maison, et je me souviens de tout ce qui s’est passé. Alors maintenant, je me vois au Liban, parmi les milliers de personnes qui partent. Ils ne veulent pas regarder en arrière parce qu’ils ne veulent pas garder l’image d’un ami tué ou d’une maison détruite. »

J’ai demandé au vieil homme : « Vous pensez que nous allons vivre comme ça pendant longtemps ? »

Il m’a répondu : « Je pense que les gens ici, en Irak, au Liban, au Darfour, au Vietnam, ou dans d’autres pays pauvres, auront une bonne vie si le monde voit la réalité de ce qui se passe ici et si nous faisons un bon travail d’éducation des autres pays dans le monde. »

Cela m’a fait du bien d’entendre cette remarque, parce qu’une partie de mon travail est d’éduquer les gens. Au milieu de tout cela, j’ai été choquée lorsqu’ils ont commencé à parler de Gaza, la partie nord de la Bande. Il ne s’y passait rien, et soudain l’armée israélienne y est entrée.
Ils ont tué 19 personnes et blessés beaucoup d’autres. J’ai essayé de me remonter le moral en allant voir des amis que j’avais rencontrés lorsque j’étais coincée pendant deux semaines à la frontière entre Gaza et l’Egypte.

C’était difficile de leur rendre visite parce que l’armée israélienne a envahi El Maghazy, où vivent ces amis.

Là, l’armée a tué 18 personnes et blessé plus de 40. Lorsque j’avais quitté Rafah en taxi, nous avions appris aux informations que les Israéliens avaient envahi Rafah, et qu’ils étaient dans la région de Elshoka. Une personne avait été blessée.

Ma mère m’avait regardé et m’avait dit : « Nous ne reviendrons pas. Nous irons voir si nos amis vont bien et nous partirons au bout de 10 minutes. »

Nous sommes arrivées une heure après, mais à Rafah l’attaque israélienne avait été plus dure. De nombreuses familles s’étaient réfugiées dans les écoles, ça m’avait rendue triste. En 2004, l’armée avait démoli notre maison. C’était encore une fois l’histoire de ma famille, avec une autre famille.

La même ville, les mêmes personnes, et le temps qui passe ne voit aucune différence, même en 2006. Nous étions là-bas il y a trois ans. Et eux étaient ici il y a une heure. C’est la même histoire, la même.

A Rafah maintenant, nous avons de l’eau pendant 2 heures tous les 4 jours, et l’électricité 12 heures par jour.

Chacun espère avoir une vie et un avenir agréable. Nous aimons nos enfants, nos mères, nos pères. Nous aimons nos familles comme vous aimez les vôtres, et nous sommes tristes lorsque quelqu’un est tué.

Nous sommes des êtres humains, faits de chair et de sang. Pensez-y une minute, s’il vous plaît. Le cœur sait quelle information est juste et guide les gens vers la vérité. La vérité peut nous dire comment atteindre la justice et la paix.



Source : ISM / The Observer

Traduction : MR pour ISM

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