Bethléem - 31 décembre 2006

Ce n'est pas la Bethléem que nous connaissons

Par Leila Sansour

Leila Sansour, une Chrétienne Palestinienne de Bethléem, est la fondatrice et la directrice de Open Bethléem, une fondation non gouvernementale créée pour promouvoir et protéger la vie et l'héritage de la ville de Bethléem (www.openbethlehem.org).

C'est peut-être la leçon la plus importante après l'incarnation elle-même que Bethléem peut offrir au monde.
Ici, les Musulmans et les Chrétiens ont vécu côte à côte pendant des siècles, et, si on leur en donnait la chance, cela continuerait. Nous ne sommes pas forcés à partir par les Islamistes, mais par les difficultés économiques résultant de l'annexion de la terre et de l'emprisonnement derrière un mur dont l'existence est une honte pour l'humanité.

Le Mur construit sur la terre palestinienne déclaré illégal par la Cour Internationale de Justice - Photo : Bethléem Bloggers

Cette année, Noël à Bethléem a été, de mémoire, le plus difficile. Cette réalité n'étonnera probablement pas la plupart des Américains qui ont une idée générale du conflit au Moyen-Orient.
Cependant, une étude que nous avons commandité révèle que les Américains ignorent beaucoup d'autres faits de base sur Bethléem.
La plupart des Américains ne sont pas capables d'identifier la localisation de notre ville, ses habitants, ou la cause de la mort de Bethléem selon la plupart de ses habitants : l'occupation militaire israélienne.

La plupart des Américains croient que Bethléem est une ville israélienne habitée par un mixte de Juifs et de Musulmans, selon un sondage réalisé dans l'ensemble du pays par l'organisme de sondage américain, Zogby International.

En grande partie ignorants de la communauté historique des Chrétiens Palestiniens de Bethléem, seuls 15% des Américains savent que Bethléem est une ville palestinienne avec une communauté mixte de Chrétiens et Musulmans, située en Cisjordanie occupée

Les Chrétiens de Terre Sainte sont connus comme étant le Cinquième Evangile ou les Pierres Vivantes de l'Eglise parce que le Christ est né dans notre communauté et a pris ses disciples parmi nos ancêtres. Tragiquement, notre communauté à Bethléem ne pourra pas survivre deux autres générations si les tendances remarquées dans un rapport des Nations Unies de 2004 sur le Christianisme à Bethléem se poursuivent.

Bethléem a survécu parce qu'elle est restée ouverte au monde, offrant l'hospitalité aux pélerins pendant des siècles. Cette ouverture est menacée par le Mur en béton et les barrières électriques construits par les Israéliens qui encerclent Bethléem.

Le mur est construit autour du coeur urbain de Bethléem, cependant à la sortie de Bethléem se trouve la Ligne Verte, la frontière d'Israël avec la Cisjordanie d'avant 1967. Le mur sépare Bethléem des villages voisins et menace de séparer Bethléem de 70% de ses terres, facilitant ainsi l'expansion des colonies illégales d'Israël en Cisjordanie .

Nos vies sont intimement liées, économiquement et socialement, à la communauté chrétienne de Jérusalem. Pourtant, le mur et les checkpoints nous empêchent d'accéder à cette ville, située seulement à 20 minutes. La basilique de la Nativité de Bethléem et l'église du Saint Sépulchre de Jérusalem et leurs communautés chrétiennes ont été séparées.

Le mur a entrainé une réduction importante des visites de pélerins. Cela a également signifié que nos moyens d'existence, dépendants de la terre et de l'eau annexées par Israël au nom de la sécurité, ont disparu sous nos yeux, causant un exode progressif des Chrétiens Palestiniens.

Les visiteurs d'aujourd'hui à Bethléem ne peuvent pas échapper à un sentiment d'emprisonnement. La géographie de la ville, une colline entourée d'autres collines, signifie que le Mur en béton de 8 mètres de haut et les barrières, complétés par des tours de guet, entourent l'horizon, produisant un sentiment implacable de claustrophobie.

Les perceptions des Américains de ces réalités sont largement en désaccord avec celles des habitants de Bethléem, selon un autre sondage que nous avons effectué auprès de 1.000 habitants de Bethléem.

Tandis que 78% des Chrétiens de Bethléem blâment le blocus d'Israël pour l'exode chrétien de la ville, les Américains (45.9%) blâment la politique Islamique, et sont peu disposés (7.4%) à blâmer Israël.
Et tandis que 4 Américains sur 10 pensent que le mur existe pour la sécurité d'Israël, plus de 9 habitants de Bethléem sur 10 croient que son but est de confisquer la terre palestinienne.

L'enquête de Zogby suggère que beaucoup d'Américains sont étonnés que les Chrétiens et les Musulmans palestiniens forment une seule communauté milti-croyances à Bethléem.

C'est peut-être la leçon la plus importante après l'incarnation elle-même que Bethléem peut offrir au monde.

Ici, les Musulmans et les Chrétiens ont vécu côte à côte pendant des siècles, et, si on leur en donnait la chance, cela continuerait. Nous ne sommes pas forcés à partir par les Islamistes, mais par les difficultés économiques résultant de l'annexion de la terre et de l'emprisonnement derrière un mur dont l'existence est une honte pour l'humanité.

Sans la poursuite des visites régulières des pélerins, le Christianisme en tant que foi vivante s'éteindra ici, et d'autres centres de foi en Terre Sainte pourraient suivre.
Ce n'est pas seulement la mémoire folklorique vivante de l'incarnation qui sera perdue, mais une balise d'espoir au Moyen-Orient.

Notre sondage montre un soutien écrasant des Américains à l'héritage Chrétien de Bethléem. Pourtant notre enquête réalisée auprès des citoyens de Bethléem montre que la ville ne peut pas conserver cet héritage et sa communauté chrétienne alors que le mur reste. L'étranglement de Bethléem force les Chrétiens à partir chercher des moyens de subsistance à l'étranger.

Le choix est simple. Soit le mur reste et Bethléem cesse d'être une ville Chrétienne, soit Bethléem conserve sa population chrétienne, dans ce cas le mur doit tomber. Les Américains doivent se réveiller à ce qui se passe ici et choisir.

Source : http://www.palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM