Naplouse - 7 novembre 2003

Des bulldozers de l'armée d'Occupation Israélienne dans Balata

Par Pappy

En fait, 2 bulldozers militaires travaillaient dans un champ de l'autre côté du camp, près de la maison d'ISM, accompagnés par quelques jeeps et un Humvee ( véhicule tout terrain armé). D'autres soldats avaient occupé une maison où les 23 membres d'une famille sont restés recroquevillés, tremblants de peur pendant 7 heures dans leur cuisine et ce depuis 2 heures du matin. La maison surplombe le champ, c'est pourquoi les soldats l'ont occupée pour y placer, selon leur stratégie, des tireurs d'élite.

Aujourd'hui était supposé être un jour d'action pour enlever des barrages. Dans la matinée, avec mon copain suédois et notre hôte palestinien, nous sommes venus du camp d’Askar tout proche, jusqu'à Balata et nous avons trouvé de nouveaux barrages massifs qui avaient poussé comme des champignons. Le premier signe que les choses n'allaient pas se passer comme prévu. Au Sud, le barrage isolait l'usine Coca-Cola et le bâtiment de l'UN ; au Nord, il bloquait l'accès à Naplouse.

En fait, 2 bulldozers militaires travaillaient dans un champ de l'autre côté du camp, près de la maison d'ISM, accompagnés par quelques jeeps et un Humvee (véhicule tout terrain armé). D'autres soldats avaient occupé une maison où les 23 membres d'une famille sont restés recroquevillés, tremblants de peur pendant 7 heures dans leur cuisine et ce depuis 2 heures du matin. La maison surplombe le champ, c'est pourquoi les soldats l'ont occupée pour y placer, selon leur stratégie, des tireurs d'élite.

Nous étions un groupe de 8 et nous avons commençé à nous confronter au Humvee, en marchant dans sa direction et lors du face-à-face qui s'en est suivi, ils nous ont dit que c'était une « zone militaire interdite », le mantra habituel de ces jeunes de 18-20 ans en treillis vert.

"Montrez-nous votre autorisation" leur a demandé Shora, une Suédoise.

Ils nous ont regardé, perplexes, derrière le pare-brise,. Notre demande fut répétée avec des mimiques. Encore plus de silence perplexe, alors qu'il y avait quelques 40 gamins quelque part derrière nous, des pierres à la main. Finalement, le chauffeur dit dans son mégaphone :

« Merci et bonne journée », puis il a fait demi-tour et ils sont partis.

Ce qui est arrivé est le rituel habituel d'avançée et de recul mené par les gamins et leurs pierres. Le Humvee voulait accompagner les bulldozers massifs D9 qui étaient en train de construire une barrière de terre autour du champ. Nous nous sommes positionnés en plein champ pour en bloquer un. Un soldat a sorti son fusil de l'Humvee et a tiré quelques coups de semonce en l'air avec son M16 : un avertissement.

Les bulldozers géants se sont repliés lorsque nous avons refusé de battre en retraite, au point que 3 des volontaires d'ISM ont été soulevés dans la pelle, qui faisait au moins 3m de large. Je pouvais voir la barrette de la kippa du conducteur, qui semblait plutôt perplexe et qui a reculé. Les soldats ne pouvaient sauter à l'extérieur de leurs engins pour nous arrêter, sans se prendre des pierres lançées par les gamins. S'en est suivi un lent jeu de chat et de souris.

Finalement, les bulldozers ont battu en retraite, ayant pris suffisament de cailloux au point que le protège pare-brise en métal de l'un d'eux commençait à tomber en morceaux. Une victoire. Nous avions fait fuir 2 bulldozers! De la maison occupée, au 2ème étage, quelques grenades lacrymogènes ont été tirées d’un M16 dans notre direction, l'une d'entre elles a frappé Mani à l'estomac mais il n'a pas été blessé.

Après le retrait de l'Humvee, nous avons repéré un nouveau point de confrontation. Une jeep contre 45 gamins avec des pierres. Alors que nous nous dirigions vers l'endroit, nous avons essuyé d'autres tirs, des tirs de semonce venant des tireurs d'élite postés dans la maison. Dans le face-à-face qui a suivi, la jeep s'est prise un grand nombre de pierres de la part des gamins très remontés qui font cela continuellement. Après s’être garé dans un angle, un soldat a ouvert sa portière et a commençé à tirer des coups de semonce à quelques mètres de la rue où nous nous trouvions juste devant lui.

Des cameramen palestiniens avaient suivi toute la scène, et j'ai fait quelques prises de son, casque sur les oreilles, bien que je n'aie pas de veste marquée " Presse" comme ils en ont.

C'est vraiment effrayant d'avoir un canon de F16 pointé dans votre direction et tirant à balles réelles. La plupart d'entre nous étions serrés contre le mur de l'un des côtés de la rue, alors que les gamins étaient au milieu et jetaient des pierres. Shora, qui m’avait semblé ne pas avoir peur, se tenait devant, les bras croisés sur sa poitrine. D'autres parmi nous ont continué de filmer.

Finalement ils sont partis, sous les applaudissements de la foule. Ils avaient servi de couverture pour que les tireurs d'élite postés dans la maison puissent partir.
Nous avons rendu visite à la famille, qui semblait aller bien, leur maison n'ayant pas été démolie, ni vandalisée, et ils étaient plutôt contents de nous voir. Il y avait des petits enfants partout, et nous avons eu du thé malgré le Ramadan. Notre visite les a rendus tous très souriants, et ce fut alors le temps de l'intégration culturelle, avec Mika qui traduisait.

Puis ce fut l'heure de rentrer à la maison. Juste un autre jour d'occupation.

Pappy

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MDB