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ISM France - Archives 2001-2021

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Jayyous -

La Résistance au Mur à Jayyous

Par

Après être allée à Jayyous, je me demande ce que craignent tellement ces soldats israéliens.
Est-ce de ces piles de clémentines fraîches qui ne sont pas vendues à cause des bouclages ?
C’est clair que si on veut bien le voir, ils ont beaucoup plus à craindre de leur gouvernement qui nourrit la peur des Israéliens à l’égard du peuple Palestinien et envoie ensuite ses fils de 18 et 19 ans dans des lieux hostiles appuyer sur la gâchette, heureux et seuls.

Chère Stella

Je suis désolée de ne pas avoir écrit depuis plus d’une semaine.

Un de mes problèmes, c’est que je ne savais pas par où commencer. Je commencerai par conséquent par le milieu et j’irai d’arrière en avant our essayer d’expliquer ce que je vois.

L’occupation est un lent étranglement des communautés. C’est un véhicule hummer qui avance délibérément sur le terrain accidenté des champs, propriétés des fermiers, et dans les rues de la ville.

Parfois, c’est absolument dramatique.
La plupart du temps pourtant, c’est une stratégie délibérée de dépréciation dont le but ultime est de ne garantir à la population palestinienne que deux options : humiliations et pauvreté s’ils restent là où ils sont, ou succès s’ils s’en vont de chez eux pour ne pas revenir.

Parfois quand je parle à des Israéliens cultivés, j’ai l’impression qu’ils sont persuadés de faire une grande faveur aux Palestiniens parce que le gouvernement israélien cherche à faire partir les Palestiniens bien plus qu’il ne cherche leur mort.
On ne le dit jamais explicitement, mais le sentiment général c’est qu’un Palestinien instruit vivrait beaucoup mieux en Occident. Il excellerait au Etats-Unis ou en France.
Pourquoi choisirait-il de rester dans un monde Arabe sous-développé ?


Je voudrais que vous puissiez voir les maisons de la colonie illégale que je vois, toutes avec leur toit de tuiles rouges parsemant le sommet des collines, entourant les villages palestiniens. De là où je suis on dirait que les colonies ont été ajoutées après coup, comme si quelqu’un avait sérieusement triché au jeu du Monopoly.

Quand les Israéliens ont menacé de construire le mur de séparation sur les terres agricoles appartenant au village de Jayyous, les gens du village avec le soutien des ISM, ont lancé une campagne de résistance non-violente contre la construction du mur.

Cette campagne a été couverte par tous les journalistes du monde ; et l’un des fermiers, Abu Azzam, est même allé à La Haye pour témoigner devant la Cour Internationale de Justice, qui par la suite a ordonné aux Israéliens d’arrêter la construction du mur.

Après deux années de résistance, incluant tous les moyens que les Palestiniens ont appris à utiliser des occidentaux, le gouvernement israélien a terminé la construction du mur de séparation sur ce côté.


Sam, un militant ISM a vécu à Jayyous presque tout le temps quand la résistance non violente y a fleuri et a vu l’espoir des gens retomber quand il est devenu évident qu’en dépit des efforts des Palestiniens et de leurs supporters internationaux et israéliens, la construction du mur allait se poursuivre avec la même vigueur.
En gros 75% des terres de Jayyous, leur seul moyen d’existence, ont été confisquées par le côté « israélien » du mur.


Les Israéliens continuent d’autoriser les fermiers, avec les restrictions les plus drastiques, à accéder à leurs récoltes.
Il y a une grille, avec deux jeeps devant. De temps à autre, le soldat ou la soldate de 18 ans qui la garde, l’ouvre selon son bon plaisir.

Les Israéliens ont instauré un système de permis, grâce auquel les fermiers peuvent demander et obtenir du gouvernement l’autorisation d’accéder à leurs terres.

Les fermiers avaient décidé pendant quelques mois de ne pas se plier à ce système de permis coûteux pour eux et leurs familles.

Quand finalement ils ont décidé d’accepter le système, sur les conseils de responsables Palestiniens, les Israéliens ont donné des permis à des morts, à des gamins (mais pas à leurs parents), aux personnes âgées, aux handicapés et à quelques fermiers qui ne s’étaient pas associés aux manifestations.

Ceux qui n’ont pas reçu de permis sont ceux qui avaient participé à des manifestations contre le vol de leurs fermes.


Maintenant, un grand nombre de fermier n’a toujours pas de permis. Le gouvernement israélien dit qu’on ne donne pas de permis à ceux qui présentent une menace pour la sécurité.

Etant donné que de très très nombreux Palestiniens ont été arrêtés ou emprisonnés, souvent sans raisons légitimes, le résultat c’est que beaucoup de gens ne peuvent obtenir de permis.

Evidemment, le système de permis a fait naître une certaine tension entre les gens de Jayyous eux-mêmes, entre ceux qui ont eu des permis et ceux qui n’en ont pas eu, entre ceux qui pouvaient s’auto-suffire et ceux qui n’avaient pour vivre que la bonne volonté des autres.


Maintenant les Israéliens ont de nouveau Jayyous dans le collimateur.

Ils cherchent à revendiquer une partie de la terre confisquée sur le mauvais côté du mur agrandir la colonie de Zufim. Les Israéliens affirment que la terre qu’ils veulent pour la colonie est une terre qui a été achetée par un agent immobilier israélien en 1982.

Jayyous confirme que 19 dunams dans une zone et 55 dunams ont été vendus à cet agent immobilier par un seul fermier. Ces zones sont distantes l’une de l’autre de 3km.
Les Israéliens veulent maintenant l’exclusivité de la terre achetée et encore plus de terre pour construire.


Jeudi dernier, l’armée israélienne a déraciné 100 oliviers pour faire place à de nouvelles maisons pour la colonie. C’est à ce stade que les fermiers de Jayyous ont organisé un meeting avec leurs supporters internationaux et israéliens.

Nous avons collectivement décidé d’organiser une manifestation. 15 internationaux iraient dormir sur les terres confisquées du mauvais côté du mur, comme le souhaitaient plusieurs fermiers.
Les Israéliens arriveraient par la ville de Tzugeral en "48" et nous devions manifester ensemble devant le site des arbres déracinées et y semer des graines.
Les gens de Jayyous se rassembleraient de l’autre côté de la grille, avec les internationaux et les israéliens.


La nuit précédant la manifestation, nous avons rencontré Abu Azzam dans son abri.
Abu Azzam est l’un des organisateurs les plus enthousiastes et les plus optimistes que j’aie rencontrés depuis longtemps.

Après avoir résisté à l’occupation pendant toutes ces années, il encourage tout le monde avec un « Vous êtes le bienvenu » venu du cœur.
Et il adopte tous les internationaux qui attendent depuis un assez long moment au village.
"Ma fille" voilà comment Abu Azzam m’a accueillie l’autre nuit.
Il a chaleureusement accueilli le soutien de tous ceux qui veulent défendre les droits des gens de Jayyous, même et surtout les Israéliens.


Les femmes ont dormi à l’intérieur de l’abri et les hommes ont bénéficié de ce qu’Abu Azzam appelle "un hôtel avec un millier d’étoiles".

Il dit : "Aux Etats-Unis, le meilleur hôtel qu’on puisse trouver a cinq étoiles, bon ici, j’ai un hôtel avec un millier d’étoiles". Nous voyons tous les soldats tout autour, qui nous surveillent depuis le château d’eau, et nous sommes allés dormir.

Notre action le lendemain a été calme. Les Israéliens ont pu semer des graines et nous avons défilé devant la grille. Les Suédois avec lesquels j’ai fait le chemin ont chanté avec moi différents slogans radicaux de Jato (Jet Assisted Take Off, une rocket) ce qui a amusé tout le monde surtout les Palestiniens. Les soldats ont décidé de nous repousser et ont commencé à hurler «du balai, du balai» en Hébreu.

Rien n’indiquait que la manifestation était pour tout de suite.
Tout le monde défilait et chantait, et voilà. Malgré tout, les soldats, en tenue d’émeute, repoussaient les manifestants qui ne faisaient pas de provocation, même les hommes âgés et les femmes.


Ils essayaient aussi de photographier ceux des internationaux qu’ils n’avaient jamais vus auparavant. J’ai détourné rapidement la tête d’une grande séance de photo.
Au bout d’une demi heure, Abu Azzam et deux militants de l’organisation israélienne Taayush, sont passés de l’autre côté du mur d’Apartheid et ont pu y semer des graines.

Quand ils ont retraversé, la manifestation s’est dispersée sans incident.
Pendant que nous revenions vers les champs pour reprendre nos affaires, les soldats se sont approchés de nous et ont voulu nous aider.

Je n’ai pas pu m’empêcher de me demander pourquoi Israël avait tellement peur d’un groupe de fermiers et d’un groupe d’une vingtaine et quelques de gens ?
J’ai alors compris qu’Israël a beaucoup à craindre.


Ce ne sont pas des fermiers ordinaires. Ils sont là pour eux-mêmes, pour leurs droits et leurs maisons.
Ils ne tremblent pas de peur devant le barillet d’un revolver. Ils savent que leur maison est leur maison, et peu importe les Nations Unies, la Bible et autres expansions "naturelles" d’Israël.

Et à nous qui défilons avec eux, les fermiers nous en apprennent beaucoup. Nous ne sommes pas impressionnés par le parfait anglais de Netayahu ou l’arrogance d’Ari Ben Canaan. Nos yeux sont grand ouverts et nous voyons les choses telles qu’elles sont.

Quand je parle aux Israéliens de mes expériences, ils se lancent immédiatement dans la défense des soldats des territoires : "Ils sont si jeunes" disent-ils et "ils ont probablement une frousse pas possible".

Après être allée à Jayyous, je me demande ce que craignent tellement ces soldats israéliens.

Est-ce de ces piles de clémentines fraîches qui ne sont pas vendues à cause des bouclages ?
Ces "hommes" protégés dans leurs tenues pare-balles, avec des chars, des véhicules hummer et des M16 en bandoulière comme les femmes ont des sacs à main, n’ont rien à craindre de fermiers qui ne veulent que nourrir leurs familles.

C’est clair que si on veut bien le voir, ils ont beaucoup plus à craindre de leur gouvernement qui nourrit la peur des Israéliens à l’égard du peuple Palestinien et envoie ensuite ses fils de 18 et 19 ans dans des lieux hostiles appuyer sur la gâchette, heureux et seuls.

Peut-être que ces soldats n’ont pas envie d’y aller, mais ils ont à coup sûr entendu parler des refuzniks.
Il y a un moment où les gens doivent prendre leur responsabilité et faire entendre leurs voix à l’intérieur de leur société, ou bien c’est leur société qui parlera pour eux en raison de leur silence.

Les Israéliens me disent souvent : "Vous ne comprenez pas".

Ils ont raison, je ne comprends pas.
J’espère ne jamais comprendre.

Avec tendresse et solidarité

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : CS pour ISM-France

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