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Naplouse -

Négocier la vie quotidienne : accéder à la terre et être confrontés aux checkpoints

Par

Au cours de cette dernière semaine passée à ramasser des olives dans la région de Naplouse avec des familles palestiniennes et où j’ai été confronté de temps en temps aux soldats, j’ai beaucoup réfléchi au rôle de la négociation dans la vie quotidienne, ici en Palestine, et également au rôle des internationaux dans ces négociations. Je me suis souvent trouvé dans des situations où les Palestiniens nous demandaient de parler aux soldats pour leur permettre d’aller quelque part, mais je suis préoccupé par le fait que ceci puisse quelquefois être vu comme une adaptation à l’occupation.

Négocier la vie quotidienne : accéder à la terre et être confrontés aux checkpoints



Voici quelques exemples de situations que j’ai vécues récemment :

A part le passage des checkpoints, un de mes premiers contacts avec les soldats cette semaine fut pendant le troisième jour de récolte, dans le village de Tel. Nous étions quatre internationaux, parce que les fermiers du village ont souvent des problèmes pour traverser la route des colons qui passe entre leur village et la plus grande partie de leurs terres. Bien que les Palestiniens aient le droit d’aller sur leurs terres, de nombreux incidents ont eu lieu, au cours desquels l’accès leur était impossible.

Le matin, avec un groupe important et joyeux de familles et d’ânes, nous avons descendu la colline pour rejoindre la route. Juste au moment où nous la traversions, une jeep avec quatre soldats est arrivée et nous a ordonné de nous arrêter. La conversation de vingt minutes entre nous, internationaux, et les soldats peut se résumer ainsi : les soldats nous ont dit qu’ils savaient que les fermiers avaient le droit de traverser la route, mais ont insisté pour voir nos papiers d’identité, ainsi que ceux d’un jeune homme du groupe. Nous avons essayé de les raisonner, leur demandant de laisser passer les fermiers, mais ils n’ont pas cédé.

Ca a continué ainsi un bon moment. Les soldats ont pris les hawwiyas (cartes d’identité) de deux jeunes gens, et ont déclaré qu’ils devaient les vérifier. Finalement, les villageois ont décidé de revenir en arrière et de prendre une autre qui mène à leurs terres, avec une canalisation de drainage sous la route. Quelques fermiers nous ont expliqué que les soldats les empêchent souvent de traverser, et leur demandent de passer plutôt par cette autre route. Je ne vois aucune raison à ceci, sinon de rendre la vie des Palestiniens encore plus difficile.

Lorsqu’il a été décidé de partir, nous avons informé les soldats que nous resterions avec les deux hommes dont ils avaient pris les hawwiyas, jusqu’à ce qui les leur rendent. Ils ont eu l’air surpris de cette décision et ont immédiatement rendus les papiers d’identité à leurs propriétaires, n’ayant plus besoin de les vérifier.

Dans cette situation, je me suis demandé ce qui se serait passé si nous n’avions pas été là, et j’ai eu une réponse à cette question le lendemain, lorsque notre contact à Tel nous a raconté un incident au cours duquel les soldats ont retenu des fermiers non accompagnés par des internationaux pendant plus d’une heure, et ont jeté par terre un sac d’olives.

Nous nous sommes rendus compte cette semaine, en particulier par des incidents dont nous avons été témoins, que l’arrêt de la Haute Cour israélienne statuant que les Palestiniens ont le droit d’accéder à leurs terres en toute sécurité n’est appliquée que de manière sélective. En même temps, ce n’est pas forcément bon d’essayer de négocier avec les soldats des droits que les Palestiniens ont légalement, même si ça marche.

Samedi soir, rentrant chez nous pour souper, nous avons reçu un appel disant que le checkpoint Sabatash, à l’extérieur de la ville, était fermé et qu’environ 200 Palestiniens attendaient sous la pluie et dans le froid. Pensant que nous pouvions peut-être faire changer la situation, nous y sommes partis, vers 20h45.

Nous sommes arrivés pour découvrir une situation très tendue, avec une vingtaine de taxis et de bus coincés sur une file, et plus d’une centaine d’hommes en train d’attendre. Les soldats avaient bloqué le checkpoint avec des fils de fers barbelés à lame, et se tenaient juste là. Il faisait nuit, froid, il pleuvait, et le projecteur de la tour de contrôle éclairait la foule. Les gens, qui attendaient depuis 14h, nous ont raconté que plus tôt, il y avait un incident. Les soldats avaient tiré sur un homme, l’avaient blessé à la jambe, parce qu’il défendait verbalement une femme qui avait été touché par un soldat, alors qu’elle refusait de relever sa chemise. Personne n’avait pu passer le checkpoint depuis.

Tous les 8, nous avons marché jusqu’au checkpoint et certains ont traversé les fils de fer barbelés, malgré les ordres des soldats de rester en arrière. Nous avons commencé à leur parler, leur demandant pourquoi ils ne laissaient passer personne, et essayant de faire appel à eux en expliquant que beaucoup de ces personnes attendaient depuis plus de cinq heures dans le froid et la pluie. Il a fallu beaucoup de discussion et de plaintes et de négociations, mais après trente minutes, les soldats ont accepté de laisser passer les femmes, puis les étudiants de l’université dans les autobus, les camions et finalement, deux heures après, les shebab (les jeunes hommes).

Bien qu’il soit évident que la présence de huit militants américains et européens a représenté une force positive dans la modification de la situation (après près de sept heures de fermeture, ils ont rouvert le checkpoint trente minutes après notre arrivée et notre confrontation), je ne considère pas cette action comme un succès. Lorsque nous sommes partis, je ne me sentais pas à l’aise, pensant à tous les moments où nous n’étions pas là pour faire la différence, et me souvenant que compter sur la présence des internationaux pour ouvrir les checkpoints, permettre d’aller sur sa terre et protéger, n’est pas une solution au problème. En fait, cela m’a fait me sentir encore plus comme faisant partie de cette occupation brutale.

Le lendemain, on nous a demandé de revenir à Sabatash, qui était à nouveau fermé. Lorsque nous sommes arrivés, les files de gens progressaient, mais lentement. Nous avions décidé de partir lorsque nous avons réalisé que les soldats allaient un groupe de femmes de passer, clamant que seuls les gens en voiture le pourraient. C’est un endroit où il n’est pas facile de trouver un taxi et il faisait froid, aussi nous avons une fois encore essayé de négocier pour qu’elles puissent passer.

Un soldat nous a dit qu’il était obligé de suivre les ordres et qu’en conscience, il ne pouvait pas les laisser passer. La plupart de nos réponses tournaient autour de : « Mais n’est-ce pas pire pour toi d’avoir sur la conscience de laisser un groupe de femmes et d’enfants dans le froid ? » et « Que ressentirais-tu si quelqu’un faisait ça à ta mère ou à ta sœur ? ».

Finalement, nous avons suggéré aux soldats de demander un taxi de manière à ce que les femmes puissent passer dedans, et ils ont accepté. Nous étions furieux que ce soit nous, militants internationaux, qui devions continuellement faire des suggestions aux soldats pour qu’ils les suivent. Et une fois de plus, notre implication a produit une petite modification sur la situation, mais pas sur l’occupation ni sur le processus habituel en cours.

Si je suis dans un endroit où les Palestiniens me demandent d’intervenir pour essayer de modifier une situation, et si mes négociations et confrontations avec les soldats peuvent améliorer, même temporairement, la situation, je me sens bien sûr tenu de le faire.

Mais en même temps, je me bats pour des droits que les Palestiniens (ou les internationaux) doivent négocier, alors qu’ils sont déjà sur le papier, ou qui devraient l’être.
Ce n’est pas une solution, et j’espère que nous pourrons tous continuer à utiliser des manoeuvres variées pour défier directement cette occupation, même lorsque nous essayons de maintenir un niveau basique de dignité, ici, dans la vie quotidienne.

Source : ISM

Traduction : MR pour ISM

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