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Palestine occupée - 3 juillet 2019
Par Joseph Massad
26.06.2019 – L'atelier de cette semaine à Bahreïn est la dernière tentative pour faire en sorte qu'Israël reste un État juif - et pour refuser les droits du peuple dont il a volé la terre.
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Depuis sa création, le projet sioniste de colonisation de la Palestine a été déterminé et sans compromis, tout en faisant preuve d’innovations et d’acrobaties idéologiques pour maquiller le vol du pays.
Alors que l'objectif initial était de créer une majorité juive en Palestine, atteint avec succès depuis quelques décennies grâce à l'expulsion de centaines de milliers de Palestiniens en 1948 et 1967, les sionistes ont récemment dû faire face à la réalité ancienne/nouvelle des juifs en tant que minorité dans leur propre État colonial de peuplement.
Le 'danger démographique'
Le gouvernement israélien est obsédé par le nombre décroissant de Juifs et le nombre croissant de Palestiniens sous ses décennies de gouvernance. Cela l'a amené à convoquer plusieurs conférences sur le « danger démographique » que constituent les Palestiniens pour son projet raciste de colonisation de peuplement.
La première conférence, parrainée par l’Institut de politique et de stratégie du Centre interdisciplinaire d’Herzlia, a été inaugurée en décembre 2000. L’un des « points principaux » mis en évidence dans le rapport de la conférence de 52 pages était l’inquiétude suscitée par le nombre requis pour le maintien de la suprématie juive d'Israël :
« Le taux de natalité élevé [des citoyens palestiniens d'Israël] remet en question l'avenir d'Israël en tant qu'État juif (…). Les tendances démographiques actuelles, si elles se poursuivent, défient l'avenir d'Israël en tant qu'État juif.
« Israël a deux stratégies alternatives : adaptation ou endiguement. Cette dernière nécessite une politique démographique sioniste énergique à long terme dont les effets politiques, économiques et éducatifs garantiraient le caractère juif d'Israël. »
Le Premier ministre israélien et les anciens premiers ministres étaient présents et le président israélien Moshe Katsav avait pris la parole. La conférence était coparrainée par le Comité juif américain, le Centre israélien pour le progrès social et économique, le Ministère de la défense israélien, l'Agence juive, l'Organisation mondiale sioniste, le Centre de sécurité nationale de l'Université de Haifa et le Conseil de sécurité nationale israélien et le bureau du Premier ministre.
Inutile de dire que les deux stratégies élaborées par la conférence pour modifier la domination de la minorité juive sur une population majoritairement palestinienne ont échoué.
Résistance anticoloniale
Lorsque le sionisme est apparu à la fin du XIXe siècle, à l'époque des beaux jours du colonialisme, il était fier de faire partie des entreprises coloniales de l'Europe. L’Association de colonisation juive (JCA), créée en 1891 pour financer les colonies juives d’Amérique du Nord et du Sud, en particulier en Argentine, a également commencé à financer les colonies juives de Palestine après 1896.
Une fois que le mouvement sioniste a décidé, moins de dix ans plus tard, de se concentrer exclusivement sur la colonisation de la Palestine, il a été décidé que la JCA serait également transformée. En 1924, elle a été officiellement rebaptisée Association de colonisation juive en Palestine et ses fonds ont été exclusivement utilisés pour la colonisation juive de la Palestine. En 1899, la première banque sioniste a été fondée, appelée à juste titre le Trust colonial juif, afin d'acheter des terres palestiniennes à l'usage exclusif des Juifs.
À partir des années 1930, au plus fort de la résistance anticoloniale en Asie et en Afrique, les sionistes ont commencé à suggérer des changements dans leur vocabulaire idéologique. Frederick Kisch, président de l'exécutif sioniste palestinien chargé de la colonisation juive de la Palestine, nota dans son journal en 1931 qu'il « s'efforçait d'éliminer le mot ‘colonisation’ (…) de notre phraséologie.
« Le mot n'est pas approprié de notre point de vue car on n'établit pas de colonies dans une patrie mais à l'étranger : par exemple des colonies allemandes sur la Volga ou des colonies juives en Argentine, tandis que du point de vue de l'opinion arabe le verbe ‘coloniser' est associé à l'impérialisme et à l'agressivité. »
Depuis les années 1950, les propagandistes sionistes ont travaillé dur pour recoder le projet sioniste de colonialisme de peuplement comme un projet de libération nationale des Juifs. Affirmant que la création de l'État d'Israël n'était pas un acte colonial, mais plutôt un acte d’ « indépendance » du colonialisme, Israël a tenté d'effacer l’histoire du débat entre les dirigeants sionistes sur le nom du document qu'ils avaient l'intention de publier le 14 mai 1948.
Lorsque certains ont suggéré d'appeler cela une « déclaration d'indépendance », ils ont été rejetés. Les sionistes l'appelaient à juste titre « La Déclaration de la création de l'État d'Israël ». Alors que la déclaration mentionne les aspirations juives à une « nation indépendante », elle ne fait pas référence à l'établissement d'Israël comme État « indépendant », mais plutôt comme État « juif ».
Ce n'était pas un oubli, mais le résultat du rejet d'un amendement qui ajoutait les mots « souverain indépendant » à la déclaration. Néanmoins, les apologistes israéliens admettraient au mieux, sans ironie, que le pays aurait pu être établi par la colonisation, mais pas par le colonialisme.
Le droit d'Israël d’exister
Depuis les années 1950 jusqu'aux années 1990, Israël a insisté pour que les États arabes reconnaissent son « droit d'exister » - une formule qu'aucun autre État n'a jamais exigée, car en droit international, un État peut être reconnu de facto ou de jure, mais aucun n'a un « droit d’exister » légal.
Dans les années 1970, alors que l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) appelait avec insistance le peuple palestinien à réaliser son droit à l'autodétermination, Israël s'y opposa avec la prétendue « autodétermination israélienne ». Ce qui fut exprimé en septembre 1972 par le ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, qui a déclaré que « l'autodétermination israélienne doit avoir la priorité morale et historique sur l'autodétermination palestinienne, même si cela ne l'exclut pas totalement ».
La reconnaissance d'Eban n'était pas sans rappeler les déclarations antérieures de David Ben Gourion ou de Chaim Weizmann, qui plaçaient le droit juif de conquête de la Palestine comme supérieur au droit des Palestiniens à l'autodétermination.
En 2007, les gouvernements israéliens d'Ehud Olmert et de Benjamin Netanyahu ensuite ont insisté sur le fait que l'Egypte, la Jordanie et l'OLP - transformés par les accords d'Oslo d'un mouvement de libération en une filiale du colonialisme israélien – avaient été obligés de reconnaître le « droit d’Israël d’exister » en tant que colonie de peuplement, la nouvelle tâche qui incombait aux Palestiniens et à tous les autres Arabes était de reconnaître Israël en tant qu' « État juif », qui privilégierait les Juifs sur les plans racial et religieux par rapport aux non-Juifs.
Au cours de cette dernière phase, les propagandistes israéliens ont commencé à parler d’ « autodétermination juive » plutôt que d' « autodétermination israélienne ». Ce qui a été formalisé l'année dernière dans la loi israélienne sur l’État-nation : « L'État d'Israël est la patrie du peuple juif et remplit son (…) droit historique à l'autodétermination. Le droit d'exercer l'autodétermination nationale dans l'État d'Israël est propre au peuple juif. »
Légitimer le racisme d’Etat
L'autodétermination n'a jamais été avancée auparavant, ni en tant que principe juridique, ni en tant que droit, par le mouvement sioniste ou par la loi israélienne. En effet, elle n’a même pas été mentionné dans les principaux documents idéologiques historiques sionistes - ni dans les écrits de Theodor Herzl, ni dans la Déclaration Balfour, ni dans le mandat de la Société des Nations, ni dans le Plan de partition des Nations Unies, ni dans la « Déclaration sioniste de la création de l’Etat d'Israël. »
Le « droit d'exister en tant qu'État juif » d'Israël est plutôt la formule que plusieurs présidents américains ont pressé les Palestiniens et les Arabes d’accepter. De George W. Bush à Barack Obama, les Palestiniens furent menacés de conséquences désastreuses s’ils refusaient. Le nouveau code de ce droit est « autodétermination juive ».
« L'accord du siècle » du président Donald Trump vise à légitimer, une fois pour toutes, le projet sioniste colonial de peuplement et son droit au racisme d’État.
Les dirigeants israéliens acceptent maintenant que les colons juifs et leurs descendants soient à jamais une minorité en Palestine historique, en particulier parce que les mesures préalables visant à en faire une majorité par le biais du nettoyage ethnique et de l'expulsion ne sont plus des options disponibles.
Devant l’impossibilité de réduire davantage le nombre de Palestiniens, le plan de Trump vise à nier catégoriquement le droit de retour des réfugiés palestiniens dans leur pays d'origine, garanti par le droit international, en sabotant l'UNRWA, l'agence qui leur fournit une aide vitale. Yasser Arafat a expliqué dans un article paru en 2002 [en français à ce lien] dans le New York Times qu'il comprenait les « préoccupations démographiques » racistes d'Israël en ce qui concerne le droit de retour des Palestiniens.
Remplir les poches des hommes d’affaire
Pour ce qui est de la majorité palestinienne vivant sous le colonialisme et la domination de la minorité juive, la loi israélienne sur l’État-nation a complètement érodé leurs droits. Le problème de l'exclusivité de l'autodétermination pour les colons juifs est qu'elle doit être exercée indépendamment des données démographiques. Israël n'avait d'autre choix que de laisser tomber sa prétention libérale-démocratique.
« L'atelier » de cette semaine à Bahreïn sur la « paix » et la « prospérité » est simplement un mécanisme compensatoire pour le soutien indéfectible des États-Unis au refus d'Israël de libérer les terres palestiniennes volées ou d'accorder le moindre droit à la population palestinienne majoritaire encore sur cette terre, qu'il ne peut plus expulser.
Au lieu d'accorder aux Palestiniens - victimes de tous les précédents accords américains et israéliens - leurs droits internationalement reconnus, le « deal du siècle » offre de remplir les poches des dirigeants et des hommes d'affaires palestiniens et arabes qui ont bénéficié des nombreux accords américains et israéliens précédents.
Source : Middle East Eye
Traduction : MR pour ISM
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