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Tunisie - 24 octobre 2011
Par Abou Yaareb Marzouki
21.10.2011 - Son annonce avait créé la stupeur parmi les intellectuels tunisiens. Abou Yaareb Marzouki, considéré comme un penseur à l’esprit libre et critique, professeur de philosophie mis à la retraite anticipée parce qu’il déplaisait au régime de Ben Ali, milite pour le mouvement islamiste Ennahda. Il est même tête de liste dans l’importante circonscription de Tunis 1, qui recouvre le centre de la capitale et nombre de quartiers populaires. Entretien à la veille de l’élection de l’Assemblée constituante de dimanche qui devrait consacrer le triomphe d’Ennahda.
Pourquoi avez-vous accepté de rallier Ennahda ?
Primo, je précise que je suis indépendant, associé à la liste d’Ennahda, et j’entends garder mon esprit critique aussi vis-à-vis de ce mouvement. C’est une condition que j’ai posée d’emblée. J’ai aussi dit qu’Ennahda devra participer, quand il sera l’heure de le former, à un gouvernement d’union nationale. Si tel n’était pas le cas, je me désolidariserais. La Tunisie doit se reconstruire, or nous sommes dans une dynamique où les figures de l’ancien régime font tout pour tenter de conserver leurs privilèges. Ennahda est la seule formation qui peut libérer le pays et amener plus de justice sociale.
Vous auriez aussi pu militer au sein d’une formation de gauche ?
Le mouvement Ennahda a gardé les mains propres sous l’ère Ben Ali. Il est le seul à avoir résisté, au prix de 30 000 prisonniers politiques. Beaucoup de gens de gauche se sont compromis avec l’ancien régime, ils ont même été les agents de sa propagande. Surtout, Ennahda est un mouvement qui fait la jonction entre l’enracinement dans notre culture et la modernité, mais pas n’importe quelle modernité: l’authentique, celle qui valorise la fraternité, le travail, pas celle de la consommation, de la paresse et de l’exploitation de l’autre.
En Tunisie, certains craignent le double langage des islamistes. Un glissement vers l’intégrisme privant les individus de leur liberté, ça s’est déjà vu ailleurs…
Le risque du dogmatisme existe partout. C’est précisément pour cela qu’en tant que philosophe je m’essaie à jouer les pacificateurs, à rationaliser ce mouvement populaire. Ennahda a passé son temps durant cette campagne à rappeler ses bonnes intentions, basées sur le respect et la liberté de chacun. Je les crois sincères. De quel côté sont les fanatiques? La vérité est que les laïcs font actuellement tout, en Tunisie, pour éveiller à dessein le dogmatisme religieux. La diffusion, il y deux semaines, par Nessma TV du film Persepolis était une provocation délibérée. Et cela a marché: des jeunes désœuvrés ont répondu par des violences, mais on a tort d’y voir une signification politique.
Mais on voit bien que religion et politique font des étincelles…
Il ne faut pas confondre les dogmatiques avec la religion. De ce côté-ci de la Méditerranée, on en a assez que l’Europe, et d’autres, nous donnent des leçons sur la manière dont nos sociétés doivent se développer. L’Europe a oublié qu’elle s’est elle-même construite au travers de la religion, de la religion au sens de «référentiel de valeurs». Pourquoi voudriez-vous que notre propre construction n’intègre pas notre religion, notre culture, l’islam ?
Que proposerez-vous concrètement aux Tunisiens ?
Nous avons en Tunisie 700.000 chômeurs, dont 200.000 universitaires. La priorité absolue, c’est de créer de l’emploi. A cela s’ajoute un fossé entre les régions, le Nord et le Sud, ahurissant, qu’il faut combler. Les systèmes scolaire et sanitaire sont dans un état déplorable. Nous devons aussi revoir nos rapports avec l’Europe, axés pour l’heure sur les seules valeurs de la consommation. L’Europe doit apprendre à nous faire confiance et nous aider sur une base assainie de l’échange.
Qui votera pour vous dimanche ?
La circonscription de Tunis 1, ce sont 80% de gens ordinaires, au niveau de vie très modeste. Ils veulent une vraie rupture avec l’ère Ben Ali, basée sur le mensonge et la corruption. Nombre de Tunisiens, depuis la révolution, veulent croire à l’avènement d’une ère de fraternité et de justice. Ceux-là voteront pour nous.
Source : Tribune de Genève
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