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Israël -

Article académique : La stratégie israélienne concernant le grand barrage de la Renaissance éthiopienne

Par

Cet article a été écrit par le Prof. Dr. Walid ‘Abd al-Hay en exclusivité pour le Centre al-Zaytouna.

Introduction :

En général, la littérature politique sioniste voit le monde arabe en trois dimensions : les systèmes politiques arabes, la société arabe et l'État arabe. Comme les systèmes politiques arabes sont les plus éphémères des trois, la perspective stratégique israélienne s'est concentrée sur la société et l'État arabes. Depuis la création d'Israël, la région arabe a connu au total 54 coups d’Etat et tentatives de coup d'État, en plus des changements de dirigeants dus à des décès ou à des maladies.

Article académique : La stratégie israélienne concernant le grand barrage de la Renaissance éthiopienne

État du barrage au 20 juillet 2020. Niveau du réservoir à 560m d'altitude.
Par Hailefida — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, commons.wikimedia.org/.
Voir la photo originale ici.

La décision politique stratégique dans les systèmes politiques arabes est basée sur la volonté et les orientations d'un individu ou d'un nombre limité de personnes, l’élite. L'intérêt d'Israël n'est pas d'avoir une stratégie basée sur les orientations et les politiques du "dirigeant individuel", même si elles lui sont favorables. Israël a plutôt choisi de maintenir les pays arabes dans un état de faiblesse, rendant ainsi les capacités de tout dirigeant arabe hostile à Israël négligeables en raison de la faiblesse de son pays.

Par conséquent, même si Israël considère que l'existence d'un dirigeant non hostile est importante pour lui, il garde à l'esprit que le niveau élevé d'instabilité dans la région peut conduire à des changements soudains. Ainsi, si l'État et la société ont suffisamment de force et de capacités, le risque est élevé si un dirigeant hostile à Israël prend le pouvoir. Cependant, si l'État et la société sont tous deux faibles, un dirigeant hostile ne conduira pas à des changements stratégiques contre Israël.

Partant de cette base, Israël a pour politique de maintenir la faiblesse de l'État et de la société égyptiens (et du reste des pays arabes, en particulier les pays du centre).

Dans cet article, nous montrerons comment Israël a mis en œuvre cette politique lorsqu'il a abordé la crise entre l'Égypte et l'Éthiopie concernant le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (Grand Ethiopian Renaissance Dam-GERD).

Premièrement : La contribution israélienne au projet GERD


Le Nil est dans la stratégie de la pensée sioniste depuis ses débuts. L'idée d'établir des projets sionistes dans le but de fournir l'eau du Nil à Israël a débuté en 1903 par des appels clairement formulés par Theodore Herzl. Puis l'idée est réapparue durant la période 1964-1974 et de nouveau dans les années 1990. [1]

La question de la fourniture de l'eau du Nil au Néguev, en Palestine occupée, figurait parmi les termes des négociations des accords de Camp David en 1978-1979. Ces discussions ont clairement commencé avec l'étude d'Elisha Kally en 1974 et le projet Shaul Arlozorov en 1977 [2], tous deux étant des experts de l'Autorité israélienne des eaux. Le projet de canal de Jonglei au sud du Soudan a ensuite été proposé afin d’indemniser l'Egypte pour l'eau qui irait au Néguev. Cela a entraîné de nombreux problèmes au sud du Soudan [3]. Ce projet a finalement contribué, avec d'autres facteurs, à alimenter le conflit au Soudan. Celui-ci s'est terminé par la sécession du Sud, qui a fini par être l'un des pays africains les plus proches d'Israël.

Nous avons souligné dans une étude précédente l'intérêt évident des universités israéliennes pour les eaux d'Afrique, en particulier celles liées aux pays arabes, notamment les pays du bassin du Nil [4]. Israël considère le Nil comme un outil pour faire pression sur l'Égypte (en soutenant des projets des pays du bassin qui affectent la part égyptienne du fleuve) et normaliser les relations avec elle, par le biais de projets communs qui transforment le conflit israélo-arabe en un "jeu à somme non nulle".

L'Éthiopie est au premier rang des pays africains qui intéressent Israël. Cela ressort clairement de la propagande israélienne, qui se concentre sur des racines historiques, modernes et contemporaines communes. Evoquant l'époque de l'empereur Hailé Sélassié (Lion de Judée), Benjamin Netanyahou a mis l'accent sur plusieurs dimensions des relations bilatérales entre les deux pays dans son discours de 2016 devant le Parlement éthiopien (en faisant référence au roi Salomon) [5]. La propagande israélienne a également fait référence aux liens entre les populations (les juifs éthiopiens en Israël sont environ 140-150.000) [6]. Les relations entre l'Ethiopie et Israël se sont développées lorsqu'Israël a fourni un soutien militaire et technique à l’Ethiopie durant le conflit éthiopo-érythréen et dans l'après-guerre froide. Cela confirme le grand intérêt que porte Israël au développement des relations entre Tel Aviv et Addis-Abeba. [7]

Concernant le rôle d'Israël dans les frictions au sujet du GERD entre l'Égypte et l'Éthiopie tout au long de la période 2011-2020, nous discuterons des observations suivantes, tout en essayant d'en comprendre les motivations : [8]

1. Diverses sources confirment la présence d'un étage entier au ministère éthiopien de l'Eau et de l'Electricité où résident des experts israéliens de l'eau. Ceux-ci apportent leur expertise technique et de négociation aux équipes éthiopiennes. Cette information a été confirmée par Muhammad Nasr 'Allam, ancien ministre égyptien de l'Irrigation et de l'Eau, et réitéré par les responsables soudanais impliqués dans les institutions d'irrigation et d'eau. Le général Muhammad 'Ali Bilal a lui aussi affirmé, en mai 2013, la présence d'un grand nombre d'Israéliens travaillant sur le GERD, qui est financé par des organismes occidentaux (la Banque mondiale, l'Italie et la Banque européenne d'investissement) et les États-Unis, en plus de la Banque africaine de développement, la Chine et Israël.

2. Il existe des entreprises israéliennes, notamment celles liées aux besoins de construction du GERD (comme la Solel Boneh Construction Company), au Kenya, en Éthiopie et en Ouganda, ainsi qu'Agrotop pour l'agriculture, CORE pour l'électronique, Motorola Israël pour l'électricité et l'eau et Carmel Chemicals. La société israélienne Gigawatt Global, une société qui entretient des relations avec 10 universités éthiopiennes, a augmenté ses investissements dans le secteur de l'énergie de 500 millions de dollars en 2018. Par ailleurs, dix autres institutions israéliennes opèrent en Éthiopie. Le député égyptien Ahmed al-Awadi a confirmé que l'activité israélienne en Afrique, en particulier en Ethiopie, était destinée à exercer une influence sur les intérêts égyptiens, notamment en ce qui concerne la part égyptienne du Nil, dont le soutien d’Israël au projet GERD. [9]

3. Le projet GERD a en fait démarré en 2011, l'année du "Printemps arabe", où l'Égypte était au cœur de cet événement, absorbée par ses préoccupations internes et les troubles dans toute la région du Moyen-Orient. En 2013, le Parlement éthiopien a approuvé une révision des accords de distribution de l'eau du Nil entre les pays en amont et en aval, et la même année, le Premier ministre éthiopien, Haile Mariam Dessalegn, a annoncé que rien n'empêcherait son pays de mener à bien son projet et que l'Égypte n'entrerait pas en guerre à moins que ses dirigeants ne soient fous. L'auteur de ces lignes a notamment passé en revue le plan quinquennal éthiopien annoncé pour 2010-2015 (c'est-à-dire juste avant le début du projet GERD et juste avant l'éruption du printemps arabe), mais il n'a trouvé aucune référence à ce barrage qui, s'il était mis en œuvre, serait le plus grand projet du plan quinquennal. Sous-titré "Stratégies de mise en œuvre", le plan fait référence à des sujets généraux tels que l'irrigation et la construction de barrages, et mentionne des conditions facilitant le développement de l'irrigation à moyenne et grande échelle (construction de barrages et d'infrastructures connexes), tandis que des références générales sont faites au développement de l'électricité [10]. Il est à noter qu'un projet GERD au coût élevé (environ 5 milliards de dollars) dans un pays dont la population est à peu près égale à celle de l'Égypte, mais dont le produit intérieur brut (PIB) est inférieur de 20 % à celui de l'Égypte, ne peut être absent d'un plan quinquennal. Cela suggère que l'instabilité politique de l’Egypte en 2011 (qui tombe dans les années du plan quinquennal éthiopien) a incité l'Ethiopie à tirer profit des circonstances, d'autant plus que les entreprises israéliennes ont nourri ce désir éthiopien et ont en même temps souligné leur rôle dans la distribution de l'électricité que le barrage produira [11]. Cela signifie que le changement profond du plan quinquennal éthiopien résulte en partie de l’exploitation de la crise égyptienne en 2011.

4. Lors de sa visite en Éthiopie en juillet 2016 effectuée dans le cadre d'une tournée dans les pays d'Afrique de l'Est, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé qu'il était le premier Premier ministre israélien à se rendre en Éthiopie, et a affirmé qu'Israël était prêt à fournir une aide technologique à l'Éthiopie pour lui permettre de mener à bien ses projets. Dans son discours devant le Parlement éthiopien, M. Netanyahu a mis l'accent sur le secteur agricole, en disant : "Voici ma vision de notre coopération : faire en sorte que les agriculteurs éthiopiens bénéficient du savoir-faire israélien, en travaillant avec nous ; faire en sorte que l'eau soit canalisée dans toutes les directions que vous souhaitez".

Photo
Source Courrier International.


5. Après l'escalade entre l'Ethiopie et l'Egypte à cause des effets du GERD, des rapports israéliens, occidentaux et arabes en 2019 ont indiqué qu'Israël a installé un système de défense aérienne Spyder-MR au-dessus du GERD pour lui permettre d'abattre des avions de guerre à une distance de 5 à 50 km. Trois sociétés israéliennes, à savoir la société Rafael spécialisée dans les missiles, la branche missiles MBT de l'armée de l'air israélienne et la société Elta Systems spécialisée dans les radars, ont réalisé ce système de défense pour l'Éthiopie.

6. Il existe une corrélation entre le soutien israélien au GERD et les relations croissantes entre les deux parties. Sur le plan économique, le volume des échanges entre l'Éthiopie et Israël jusqu'en 2019 a atteint environ 300 millions de dollars [12], tandis que les projets israéliens opérant en Éthiopie jusqu'en 2017 sont au nombre de 187, principalement dans le domaine de l'agriculture [13]. La coordination sécuritaire entre les deux parties s'est accrue après l'attentat à la bombe contre les ambassades américaines à Nairobi et à Dar es Salaam en 1998, et après l'attaque d'un des principaux magasins juifs au Kenya par le groupe somalien "al-Shabab" en 2013. Israël comprend l'importance de l'Éthiopie, qui surplombe l'Océan Indien et la Mer Rouge par lesquels passent 20 % du commerce extérieur israélien, sans parler des sources du Nil. Tout cela est renforcé par la coopération bilatérale en matière d'industrialisation et de formation militaire.
Ces relations s'inscrivent dans le cadre d'une activité israélienne accélérée en Afrique de l'Est et dans la Corne de l'Afrique. Cela ressort clairement de la visite de Netanyahu en Éthiopie en 2016. Il était accompagné de représentants d'une cinquantaine d'entreprises israéliennes. Au cours de sa visite, des accords ont été signés (agriculture, tourisme et investissement). Netanyahou s'est également rendu au Kenya où il a signé des accords concernant la santé, l'irrigation, l'agriculture et l'immigration.
En outre, il a été convenu qu'Israël ouvrirait un bureau pour la coopération au développement avec les pays de la région. Depuis 2007, Israël a des projets d'irrigation au Rwanda avec la société israélienne Ebony. En 2012, l'Allemagne, le Kenya et Israël ont signé un accord de coopération pour purifier les eaux du lac Victoria (une superficie de 69.000 km2), qui est une source essentielle pour l'eau du Nil. Israël a d'autres engagements dans la région, comme son rôle dans le conflit érythréen-yéménite concernant les îles Hanish, outre son rôle de soutien à la sécession du Soudan du Sud et son soutien à Silva Kiir au Soudan du Sud contre le leader de l'opposition Riek Machar, etc.
Cela signifie qu'en plus des relations bilatérales israélo-éthiopiennes, les intérêts israéliens croissants en Afrique de l'Est poussent Israël à y trouver une base sûre de repli. Il semble qu'Israël soit enclin à considérer l'Ethiopie comme un pilier de ce mouvement.

7. Incitation médiatique et politique contre l'Égypte : les journaux israéliens ont écrit que la politique égyptienne en matière d'eau a porté préjudice aux intérêts éthiopiens. Par exemple, le Times of Israël a déclaré dans un de ses articles que les conséquences des politiques égyptiennes ont gravement nui à l'Ethiopie au cours des décennies. Le journal a ajouté que : « Riche en eau, l'Ethiopie a été légalement tenue de ne pas utiliser ses ressources en eau pour subvenir aux besoins de sa population de 90 millions d'habitants - plus que celle de l'Egypte - et a souffert de longues périodes de sécheresse et de famine ».

8. Tentatives de lier les positions égyptiennes sur le barrage à la question palestinienne. Certains chercheurs s'attendaient à ce qu'Israël pose des conditions concernant sa pression sur l'Éthiopie pour atténuer les conséquences du GERD sur l'Égypte, en faisant en sorte que cette dernière augmente sa pression sur les Palestiniens concernant le règlement arabo-israélien ou certains problèmes entre les deux parties [14]. Une étude de l'Institut israélien d'études de sécurité nationale (Israëli Institute for National Security Studies - INSS) estime que la diplomatie pragmatique du président égyptien Abdel Fattah el-Sisi et son souhait que l'aide internationale le soutienne pour résoudre ses problèmes d'eau, ouvre une opportunité pour la diplomatie israélienne lui permettant de normaliser davantage les relations de l’Egypte avec Israël, aux niveaux officiel et populaire. Israël élargirait sa coopération avec la Jordanie, l'Arabie Saoudite et l'Autorité palestinienne pour promouvoir l'idée de convertir le conflit arabo-sioniste d’un conflit à somme nulle à un conflit à somme non nulle.

Deuxièmement : Les dangers du GERD pour la sécurité nationale de l'Egypte


La plupart des études indiquent que les tentatives de l'Éthiopie de minimiser les dangers liés au barrage sont dues aux conseils des experts israéliens. L'Agence israélienne de coopération internationale, MASHAV, a noté sur sa page Facebook, le 3/12/2019, que 20 experts israéliens dans le domaine de l'eau et de l'agriculture participaient à la fourniture d'expertise à l'Ethiopie dans ce domaine [15]. La majorité des experts égyptiens, ainsi que d'autres experts, confirment les risques potentiels majeurs pour l'Égypte. Ces risques sont représentés dans ce qui suit : [16]

1. Le barrage étant construit dans une région sismique active, il est possible que son effondrement en raison d'un tremblement de terre de plus de 4 degrés sur l'échelle de Richter inonde de vastes zones de l'Égypte et du Soudan (le barrage n'est qu'à 40 km de ses frontières), et cause d'immenses pertes humaines au sein des populations égyptiennes et soudanaises. Selon les plans américains du Bureau of Reclamation des Etats-Unis datés de 1964, la zone où le barrage sera construit est caractérisée par une fragilité géologique, qui le rend moins apte à supporter le stockage de plus de 11 milliards de m3 d’eau, étant donné qu'il s'agit d'une extension de la grande vallée du Rift [17]. Cela aurait pu inciter les experts égyptiens à demander à l'Ethiopie de réduire le stockage de 74 milliards de m3 à moins de 30 milliards de m3. [18]

2. L'Égypte compte sur le Nil pour assurer 80 à 85 % de son approvisionnement en eau. Les experts estiment que le remplissage du GERD dans un délai de 3 à 5 ans entraînerait une baisse de 20 % de la part de l'Égypte des 55,5 milliards de m3 d’eau selon les accords de 1929 et 1959. Ainsi, cela entraînerait la détérioration de la part de l'eau par habitant en Égypte, qui passerait de 2.500 m3 par an à 600 m3.

3. Le remplissage du GERD pourrait faire que le Haut Barrage d’Assaoun reste vide pendant 12 ans, c’est-à-dire durant toute la période de remplissage du barrage éthiopien. Il existe un différend entre l'Égypte, qui demande que le barrage soit rempli en 10 ans, et l'Éthiopie, qui cherche à le remplir en 3 ans. Cette dernière option pourrait entraîner une série de conséquences négatives majeures, dont les plus importantes sont les suivantes : [19]

a. L'assèchement de l'irrigation d'une grande partie des terres agricoles, qui entraînerait la réduction des cultures ayant besoin de grandes quantités d'eau comme le riz. On estime que la superficie allouée à cette culture - la plus importante du panier alimentaire égyptien - passerait de 1,8 million d'acres à 724.000 acres, soit environ 40 % de sa superficie actuelle en 2020.
b. La baisse du niveau de la nappe phréatique et la perte de 11 à 19 milliards de m3 d'eau en Égypte.
c. Le chevauchement de l'eau de mer avec l'eau du delta égyptien. Cela entraînerait une salinité élevée du sol le rendant moins propice à la culture.
d. Pollution et menace pour la richesse piscicole.
e. Diminution de l'électricité en Égypte de 25 à 40 %.

4. La poursuite du projet par l'Ethiopie pourrait inciter les autres pays du bassin à construire des barrages similaires, ce qui aggraverait les dangers susmentionnés pour l'Egypte et le Soudan, et plongerait l'Afrique de l'Est et la région du bassin du Nil dans des conflits profonds et dévastateurs.

Conclusion


Nous avons souligné au début de cet article qu'Israël est "davantage" préoccupé par l'affaiblissement de tout État arabe que par l'affaiblissement des régimes arabes, nonobstant l'importance d’affaiblir ces régimes. En effet, le changement d'un système politique non hostile en un système hostile dans un État faible n'aura pas d'impact stratégique en raison de la faiblesse de l'État. La force croissante d'un État arabe sur le plan technique, économique, militaire ou social est un atout pour tout régime politique hostile à Israël. Par conséquent, la véritable garantie pour la sécurité d'Israël est que les États restent faibles.

Nous pensons qu'Israël est parfaitement conscient de la centralité de l'Égypte dans le système régional arabe. Donc si le régime égyptien se transformait en régime hostile, avec un État fort, cela poserait de risques importants pour la sécurité d'Israël. Par conséquent, l'Égypte doit rester faible politiquement (en affaiblissant sa centralité régionale et internationale), économiquement (en la privant de ses principales ressources, y compris le Nil, ou en les affectant) et militairement en la noyant dans des affrontements internes (au Sinaï), et à ses frontières avec la Libye, le Soudan (autour de Halayeb et d'autres) et l'Éthiopie, etc.

Enfin, dans un dialogue entre l'ancien Premier ministre israélien, Golda Meir, et l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger, Meir a déclaré à Kissinger : "Les régimes changent dans le monde arabe. Supposons que quelque chose arrive à Sadate et que quelqu'un de plus anti-israélien et pro-soviétique arrive au pouvoir ? Qu'arrivera-t-il alors à tous ces accords ?" [20] Cela nous amène à conclure que l'affaiblissement de l'État est la stratégie la plus appropriée pour Israël malgré l'importance de l'affaiblissement du régime.


Notes de lecture :

[1] Ronald Bleier, “Will Nile Water Go to Israël? North Sinai Pipelines and the Politics of Scarcity,” Middle East Policy Council, no.3, vol. v, 1997, https://mepc.org/node/4673
[2] Elisha Kally, Al-Miyah wa al-Salam: Wijhat Nazar Israeiliyyah (Water and Peace: An Israëli Perspective), traduit en anglais par Randa Haidar (Beirut: Institute for Palestine Studies, 1991); Bassem Shaaban: “The Nile and its Distribution Crisis”, Al-Jaish Magazine, Lebanon, Issue 397, July 2018, See www.lebarmy.gov.lb and William Claiborne, “Sadat Offers Israël Water From the Nile”, The Washington Post newspaper, 7/9/1979, www.washingtonpost.com
[3] Ronald Bleier, “Will Nile Water Go to Israël? North Sinai Pipelines and the Politics of Scarcity,” pp. 113–124; et Phil Finnegan, “Egyptians dispute Sadat bid to give Nile water to Israël”, site The Christian Science Monitor, 21/1/1980, www.csmonitor.com
[4] Walid ‘Abd Al-Hay, “Trends in Political Science and International Relations Dissertations in Israëli Universities”, site of al-Zaytouna Centre for Studies and Consultations, 5/6/2020, eng.alzaytouna.net
[5] PM Netanyahu addresses the Ethiopian parliament, site of Israël Ministry of Foreign Affairs, 7/7/2016, mfa.gov.il
[6] Site of CNN, 4/7/2019, edition.cnn.com
[7] Michael B. Bishku, “Israël and Ethiopia: From Special to Pragmatic Relationship,” Conflict Quarterly journal, vol. 14, no.2, 1994, pp. 38-56.
[8] Hani Raslan, chef du département d'études sur le Soudan et le bassin du Nil au Centre Al-Ahram d'études politiques et stratégiques basé au Caire, et Haidar Youssef, le ministre soudanais de l'irrigation, ont confirmé l'existence d'un étage spécial pour les experts israéliens. Voir Walaa Hussein, “Is Israël key to solving Renaissance Dam crisis?”, site of Al-Monitor, 2016, www.al-monitor.com ; Fahad Yasii, “Israëli Penetration into East Africa Objectives and Risks,” site de Al Jazeera Centre for Studies, 29/9/2016, studies.aljazeera.net
- Voir aussi le Discours de Netanyahou devant le Parlement le 7/7/2016, site du Ministère israélien des Affaires étrangères : mfa.gov.il
- Voir aussi “Israël denies providing air defense systems to protect Ethiopia’s disputed Nile dam”, site de Xinhua, 23/10/2019, www.xinhuanet.com ; “Israëli finished installing advanced Spyder-MR air defense system for Ethiopia GERD”, site de GMN’s Agencies, 10/7/2019, www.gambellamedia.com; Michael Bassin, “Egypt’s Water War”, site de The Times of Israël, 30/5/2013, www.timesofisrael.com
- Un centre d'études égyptien a notamment préparé un rapport complet de 80 pages sur le GERD, le rôle de l'Occident dans ce projet, ses risques, la position du droit international, les alternatives techniques au barrage et ses effets sur l'Égypte et le Soudan, sans aucune référence au rôle d'Israël. Voir Ahmad Amal (rédacteur), "Le barrage de la Renaissance : risques, erreurs, partenariat possible", Centre égyptien d'études stratégiques, Le Caire, 2020. (en arabe)
- Voir aussi Kirubel Tadesse, “Vowing to build dam, Ethiopia ratifies new Nile water pact”, The Times of Israël, 13/6/2013, www.timesofisrael.com et Ofir Winter et Yogev Ben-Israël, “Water in the Land of the Nile: From Crisis to Opportunity,” INSS Insight No. 1089, 24/8/2018, www.inss.org.il
[9] Site de Egypt Today, 5/1/2018, www.egypttoday.com et le site de Egypt Independent, 23/10/2019, https://egyptindependent.com
[10] Site of The Federal Democratic Republic of Ethiopia, Ministry of Finance and Economic Development, Growth and Transformation Plan 2010-2015, Addis Ababa, September 2020, pp. 42 and 78, et.chineseembassy.org
[11] Michael Bassin, “Egypt’s Water War”, The Times of Israël, 30/5/2013.
[12] Site of International Policy Digest, 4/9/2019, intpolicydigest.org
[13] “Israëli Penetration into East Africa Objectives and Risks,” site of Al Jazeera Centre for Studies, 29/9/2016, studies.aljazeera.net
[14] Evgeni Klauber, “The Ethiopian Dam That’s Strengthening Israël”, 26/7/2016, mosaicmagazine.com
[15] www.facebook.com/
[16] “GERD to collapse within years: int’l dam expert”. Website of Egypt Independent, 1/11/2018, egyptindependent.com
[17] Ahmed Amal (editor), “The Renaissance Dam: Risks, Fallacies, Possible Partnership,” p. 38 and p. 41. (in Arabic)
[18] Michael Bassin, Egypt’s Water War, The Times of Israël, 30/5/2013.
[19] Ahmed Amal (editor), “The Renaissance Dam: Risks, Fallacies, Possible Partnership,” pp. 13-14. (in Arabic)
- Voir “The Ethiopian Dam That’s Strengthening Israël”, site of Mosaic, 26/7/2016, mosaicmagazine.com et Jacques Neriah, “Will a New Ethiopian Dam Choke Water-Parched Egypt”, site of Jerusalem Center for Public Affairs (JCPA), 30/6/2019, jcpa.org/
[20] Edward Sheehan, “Step by Step in the Middle East,” Journal of Palestine Studies, vol. 4, no.2, p. 218.


Source : Al Zaytouna

Traduction : MR pour ISM, avec la relecture experte de Youssef Girard.

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