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France - 6 novembre 2012
Par Badia Benjelloun
En 1535, Soleiman Le Législateur, dit le Magnifique, avait cru bon de renforcer les liens de vague vassalité avec François 1er qui l’avait appelé à son secours après sa défaite à Pavie et son emprisonnement par son rival Charles Quint en lui octroyant des privilèges commerciaux. L’empire ottoman était alors surtout chrétien, sa population atteignait 32 millions en Europe orientale et les 22 millions de sa partie orientale étaient loin d’avoir été majoritairement convertis à l’Islam.
Afin de garantir le respect des intérêts des négociants français, les consuls de France virent leur compétence s’élargir en matière commerciale, civile et pénale. Bientôt, la France mit à profit ses capitulations pour s’instituer protectrice des maronites et des catholiques de rites orientaux. Ce fut le premier abandon de souveraineté sur la question des minorités.
Par l’institution des millet (1), le pouvoir ottoman déléguait son autorité en matière des droits de la personne aux chefs spirituels de chacune des communautés confessionnelles rendant tout à fait superfétatoire cette protection par un pouvoir étranger.
En 1740, le traité des capitulations a été reconduit à la requête du roi de France sous forme d’une obligation et non plus comme largesse selon le bon vouloir du Sultan de la Sublime Porte.
Le système des capitulations (2) fit son apparition au Maroc dès 1856 lors de la signature des accords d’amitié de commerce et de navigation avec l’Angleterre. Ce traité fut augmenté des dispositions de la nation la plus favorisée qui imposait une liberté absolue des échanges avec la disparition du contrôle des taxes afférentes, principale ressource du Trésor sultanien et une soustraction des agents commerciaux à la législation marocaine. En 1961, l’Espagne imposa par les armes d’obtenir les mêmes avantages. En 1963, l’accord franco-marocain rapidement étendu aux autres puissances consacra le droit de protection aux indigènes en relation d’affaires avec les Européens. Chaque avantage nouveau accordé aux puissances étrangères leur fournissait un moyen supplémentaire et permanent d’intervention.
Ainsi sous le prétexte du devoir de protéger, s’étaient dessinés les contours d’une colonisation d’abord douce dans ce type de contrées.
La visite de Benjamin Netanyahu à Toulouse en hommage aux victimes de l’école confessionnelle juive assassinées à la veille des élections présidentielles en France s‘apparente à l’exercice d’un privilège octroyé par des Capitulations. Le Premier Ministre d’un État étranger s’arroge le droit de se prétendre le protecteur d’une partie de la population française, sous prétexte de sa confession. Le discours prononcé à cette occasion était celui d’un politique venu surtout exalter Israël et exhorter son auditoire français à y émigrer.
Ici, la France représentée par son Président élu fraîchement et embarrassé d’un lapsus à l’origine d’un néologisme fait de la coalescence de tragédie et de stratégie pour en faire une ‘stragédie’ affirme sans ciller accepter perdre de sa souveraineté.
Le renoncement au traitement de tous les citoyens selon les mêmes lois et règles indigènes ne va jamais seul. Cette pratique précède ou accompagne une incarcération dans un tissu de subordinations.
Le traité de gouvernance, solidarité et convergence décidé sous le quinquennat précédent, preuve que l’alternance est un procédé formel et coûteux, étaie l’impossibilité pour le gouvernement français de décider d’une politique monétaire ou budgétaire autonome. Au mieux, le chef de l’exécutif peut tenter d’effectuer des visites de voyageur de commerce.
Que peut bien vouloir vendre à la famille des Séoud le 24ème Président qu’ils n’aient déjà ? Les pétromonarques ont passé un marché de plus de 30 milliards de dollars en 2011 avec la puissance tutélaire étasunienne avec, à la clé, quelques 85 unités F15. Plaider en faveur du nucléaire français après que des discussions soient plus qu’engagées avec les Chinois nécessitait-il l’escale en pays jamais totalement conquis à Beyrouth ?
En réalité, le diplômé d’HEC est sans doute aller inspecter les bases arrière et les financiers du protagoniste soutenu par l’Occident de la guerre en Syrie qui a vingt mois d’âge et rien de civil.
Ici aussi, il ne peut faire preuve d’aucune initiative, condamné à aménager, traduire, à la rigueur anticiper les décisions prises au sein de l’OTAN. Le Département d’État vient de s’aviser que les combattants employés à détruire la Syrie et collatéralement le régime de Assad sont en nombre insuffisant, 30.000 à peine, au lieu des 70.000 escomptés, et que pour une bonne part, ils seraient des takfiristes prompts à être enrôler pour le coup de feu. Seulement les mercenaires ou volontaires de l’ASL, avec leurs contingents afghans, libyens et tunisiens échappent au contrôle après usage et Fabius semble en phase de dégrisement, il ne donne plus de la voix.
Les échos du très onéreux remplacement d’un chef de l’exécutif par le presque même aux US(a) parviennent très amortis par delà les océans. Obama a été le candidat de Wall Street car il avait soutenu les programmes TARP dès sa nomination avant même son investiture quand Bush hésitait encore à l’entériner. Il a été celui qui a contresigné les lois qui permettent les assassinats ciblés extrajudiciaires et les détentions administratives qui autorisent, selon le modèle colonial britannique puis israélien, d’emprisonner à vie un suspect par les autorités militaires ou de renseignement sans jugement et sans assistance d’un avocat. Il avait conservé à la Défense le Secrétaire d’État Robert Gates hérité de Bush. En cas de permutation à la Maison Blanche, les mêmes dispositions seront conservées et Léon Panetta assurera peut-être la continuité du suivi des affaires militaires nombreuses en cours.
Le bruit des clochettes et tambours des pom pom girls est étouffé par un événement plus austère, de plus grand poids, le 18ème congrès du Parti Communiste Chinois qui se tiendra le 8 novembre à Pékin, en retard par rapport à la date habituelle d’octobre. Il a fallu exclure du Parti un dirigeant symbole encombrant de corruption et surtout ajuster les cinq prochaines années à la crise économique mondiale qui décélère la croissance du PIB, viser un équilibrage social quand les inégalités deviennent insupportables mais aussi gérer vers l’atténuation l’amorce du conflit avec le Japon à propos des îles Senkaku. Les îles Senkaku ou Diaoytai ou encore l’art d’esquiver la bataille telle que votre adversaire vous la propose.
En 2012, quelques mois de gouvernement Hollande et les capitulations, les redditions sans conditions, se poursuivent.
Devant l’UE, l’OTAN, Netanyahu et les maîtres du CAC 40.
L’interventionnisme irréfléchi en Syrie, faisant suite à une guerre de plusieurs mois en Libye, est un symptôme supplémentaire de la vassalisation de la France.
Douce, cette colonisation de la France qui dure depuis au moins 1945 ?
Or, si une authentique ingérence humanitaire devait s’imposer à tous, elle aurait dû l’être urgemment à l’égard de la population résiduelle de 800.000 Rohyngias transformés en apatrides et persécutés en Birmanie pour leur appartenance religieuse (3) et de celle de Gaza soumise à un blocus criminel sous le regard des impuissances rendues complices.
(1) "Millet" : terme ottoman qui désigne une communauté religieuse légalement protégée. Il concerne aussi les minorités (voir gens du livre et dhimmi). Il vient du mot arabe milla, communauté confessionnelle (aussi taïfa, d'où taïfiyya), qui est aussi utilisé (mellah) pour désigner les quartiers juifs au Maroc ou en Tunisie. En turc moderne, milliyet signifie nation. (Wikipédia)
(2) Capitulation ici n’a pas le sens péjoratif de reddition, il a son origine dans le terme latin capitula, chapitre, car ces traités étaient rédigés en plusieurs rubriques ou chapitres.
(3) Kouchner le promoteur de cette nouvelle forme de colonialisme avait conclu au terme d’une enquête payée par Total que les droits de l’homme étaient respectés par la junte militaire birmane, niant la pratique répandue des travaux forcés sur les sites de production. (Kouchner, Total et la Birmanie, Le Monde, 13.6.2011)
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Badia Benjelloun
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