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Cisjordanie - 20 octobre 2012
Par Khaled Amayreh
En l'absence du Hamas et au milieu de conditions tout à fait antidémocratiques, le Fatah tient des élections locales et municipales dans des dizaines de villes et villages de Cisjordanie. Le Hamas a refusé d'y participer, invoquant une atmosphère d'Etat policier et l'absence de libertés civiques sous la gouvernance du Fatah. La décision des dirigeants de Ramallah de tenir des élections malgré le désaccord permanent avec le Hamas a apparemment pour but de renforcer l'emprise du Fatah sur le pouvoir dans le territoire occupé, et peut-être également de détourner l'attention de la population de la crise économique dévastatrice qui broie la plupart des Palestiniens. Elle se manifeste dans des coûts de la vie d'un niveau indécent, une pauvreté endémique et des revenus désespérément faibles qui obligent beaucoup de familles palestiniennes à adopter des mesures d'austérité sévères, dont des coupes sur les produits de consommation de base.
Selon des observateurs et quelques sondages d'opinion sporadiques, le succès des élections, du point de vue du Fatah, dépendra de l'ampleur du boycott. Certains militants du Fatah ont exprimé leur pessimisme à cet égard.
"Je crains que le taux de participation ne dépasse pas 50%. Dans le pire des scenarii, il pourrait même être inférieur à 35%. Le Hamas gagnera sans avoir un seul vote," dit Ahmed Qawasmeh, porte-parole du Fatah à Hébron.
Qawasmeh impute également son pessimisme à "l'absence d'unité" parmi les candidats Fatah.
"On voit des gens du Fatah en compétition les uns contre les autres. C'est à cent lieues des affirmations selon lesquelles le Fatah est uni. Le Fatah n'a rien appris de la défaite que le Hamas lui a infligée en 2006."
Hussein Amr, autre dirigeant du Fatah, exprime un optimisme prudent. Il fait valoir que le Fatah est toujours le groupe le mieux organisé et que ses chances de l'emporter sont assez bonnes.
"Je crois que le Fatah gagnera dans quelques villes et dans la plupart des villages. Il se prépare à ces élections depuis des mois. D'ailleurs, il devrait bénéficier du boycott du Hamas, à moins bien sûr que les partisans du Hamas choisissent de donner leurs voix aux rivaux du Fatah," dit Suleiman al-Ja'abari, militant d'Hébron et homme politique local.
L'apathie de la population
Néanmoins, les diverses forces politiques et sociales s'accordent à dire que l'apathie de la population sera un facteur décisif dans ces élections. La décision du Hamas de boycotter les élections n'est pas la seule explication à cette indifférence générale. La combinaison de frustrations, de désillusions vis-à-vis du régime de l'Autorité palestinienne et de problèmes économiques aigus fait que les gens dédaignent les élections.
Non pas que les gens ordinaires soient moins politisés qu'avant, ou soient devenus apolitiques.
"C'est juste que beaucoup pensent que ces élections ne changeront rien. Au final, la capacité d'un conseil local à apporter des changements positifs est très limitée," dit Muhammad Natshe, militant islamiste à Hébron.
"Que peuvent-ils faire ? L'eau est entre les mains d'Israël. L'électricité est entre les mains d'Israël. Les routes et les passages frontaliers sont contrôlés par Israël," dit-il. "Même si les meilleurs étaient élus, ils ne pourraient quand même pas faire grand chose."
Le facteur israélien
Malgré le chambard sur la démocratie palestinienne, Israël a de fait toujours le dernier mot dans les affaires palestiniennes. Des responsables israéliens ont dit en maintes occasions qu'ils arrêteraient les candidats du Hamas qui feraient campagne ou qui participeraient aux élections.
Ni l'Autorité palestinienne ni la communauté internationale n'a donné de garanties sérieuses contre l'ingérence israélienne dans le processus électoral.
"Certains peuvent reprocher au Hamas d'avoir boycotté les élections. Mais je veux leur dire : pouvez-vous garantir que les candidats islamistes ne seront pas raflés par l'armée israélienne et jetés dans les camps de concentration du désert ? Alors, à quoi sert de participer à des élections si, ce faisant, vous risquez de passer des mois ou des années en captivité ?", interroge Walid Suleiman, un militant islamiste de Dura, au sud de la Cisjordanie .
Suleiman n'est pas opposé aux élections en soi. Il dit que c'est le droit légitime de la population d'élire ses conseils locaux.
"Mais le processus du choix de nos représentants doit être équitable, juste, sans entraves et transparent. Et par dessus tout, tous les groupes et partis qui participent doivent avoir des chances égales."
Suleiman dit que pratiquement tous les Palestiniens ont été traqués et ciblés par Israël et ses services du renseignement.
"Mais personne ne peut nier le fait qu'Israël fait une fixation sur le Hamas, alors que le Fatah et les autres factions de l'OLP peuvent agir relativement librement en Cisjordanie ."
En outre, il est peu probable qu'Israël permettrait que des élections aient lieu en Cisjordanie si les Islamistes avaient la moindre chance de les remporter.
C'est une des principales raisons expliquant pourquoi le Hamas n'a pas voulu participer aux élections de ce samedi.
Israël et l'Autorité palestinienne ont coordonné les mesures de sécurité contre le Hamas. Il est donc pratiquement impossible que l'AP restaure l'unité avec le Hamas tout en continuant à mener une coordination sécurité avec Israël contre le mouvement.
"Les deux tâches sont inconciliables," dit Walid Suleiman.
Une impasse politique
Les élections locales palestiniennes arrivent à un moment où le processus politique entre Israël et les Palestiniens est dans l'impasse. Le chef de l'AP, Mahmoud Abbas, a averti Israël cette semaine d'un "tsunami islamiste" si un Etat palestinien viable et territorialement contigu n'était pas établi.
Cependant, un Israël manifestement arrogant et insolent, enhardi par la domination politique juive sur la politique états-unienne, a répondu cette semaine à une direction palestinienne faible et démoralisée par deux provocations.
D'abord, le Premier ministre Netanyahu a adopté le soi-disant "Rapport Levy" (1), qui considère la Cisjordanie comme un "territoire non occupé". La manœuvre ouvre la voie à la légalisation de la plupart, voire tous les avant-postes illégaux construits sur des terres privées volées aux Palestiniens.
Ensuite, le gouvernement israélien a décidé de construire des centaines de logements pour de nouveaux immigrants juifs près de la ville arabe de Beit Jala, près de Bethléem.
L'expansion acharnée de l'entreprise de colonisation de peuplement juive signifie, du moins d'un point de vue palestinien, qu'Israël est farouchement déterminé à détruire ce qui pouvait rester de chance pour la solution de deux Etats.
(1) "Israël: Netanyahu veut adopter un rapport légalisant la colonisation", AFP, sur Romandie.com, 17.10.2012.
Source : Palestine Info
Traduction : MR pour ISM
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