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Nation arabe - 28 avril 2021
Par Youssef Girard
La nation arabe vient de perdre une figure de la résistance à la colonisation, le cheikh Hafez Salama, qui était surnommé le cheikh des moudjahidin de Suez. Âgé de quatre-vingt quinze ans, il est décédé lundi 26 avril 2021 des suites de complications médicales au Caire. Il a été enterré mardi 27 avril dans la capitale égyptienne.
Hafez Salama est né le 6 décembre 1925 à Suez en Égypte alors que la ville était occupée par les Britanniques qui contrôlaient le canal. Il grandit dans une famille aisée travaillant dans le commerce du textile. Il apprit la langue arabe et la religion musulmane dans le cercle familial avant de poursuivre ses études à l’Université d’al-Azhar au Caire. Après être sorti diplômé de l'Université d’al-Azhar, cheikh Hafez Salama travailla comme prédicateur puis il devint conseiller du Grand Imam d'al-Azhar jusqu’en 1978 date à laquelle il prit sa retraite.
Toutefois, Hafez Salama fut surtout connu pour son engagement dans les luttes de libération nationale arabe et dans la résistance contre la colonisation. Ainsi, il joua un rôle déterminant dans la résistance populaire contre l'occupation britannique du canal de Suez dans les années 1940 et au début des années 1950. Le canal de Suez était un point de passage stratégique pour l’Empire britannique car il permettait de relier le Royaume-Uni à l’Empire des Indes et au-delà dans le commerce mondial car il reliait l’Europe à l’Asie. En raison de cette activité politique, Hafez Salama fut arrêté une première fois.
En 1948, Hafez Salama adhéra aux Jeunesses de Mohammed et au travers de ce groupe il poursuivit sa lutte contre l’occupation britannique du canal de Suez. Hafez Salama joua également un rôle important dans l'organisation du soutien à la résistance palestinienne pendant la guerre de 1948. Il forma une division, dont la tâche principale était d'attaquer les bases des forces britanniques à Suez et de saisir toutes les armes et munitions possibles. Hafez Salama livrait ensuite ces armes aux Palestiniens qui luttaient contre la colonisation.
Après la défaite des armées arabes de 1948, il se mobilisa en faveur d’œuvres caritatives devant venir en aide aux réfugiés palestiniens qui avaient été expulsés de leur terre par la colonisation israélienne. Entre 1947 et 1949, environ 800.000 Palestiniens furent expulsés de leur terre et plus de cinq cents villages palestiniens furent détruits durant ce qui fut nommé, à la suite du philosophe Constantin Zureiq, la nakba, la catastrophe.
En octobre-novembre 1956, lors de l'agression tripartite – France, Royaume-Uni, Israël – contre l'Égypte suite à la nationalisation du canal de Suez par Gamal Abdel-Nasser (1), cheikh Hafez Salama mena la résistance populaire dans la région du canal.
Après la défaite de juin 1967, cheikh Hafez Salama s’engagea dans la « guerre d’usure » contre l’armée israélienne en organisant notamment un soutien moral aux soldats égyptiens. Dès les premiers jours du mois de juillet 1967, Gamal Abdel-Nasser ordonna de lancer des attaques dans la zone du canal de Suez afin de tester les capacités de résistance de son armée. A partir de mars 1969, Gamal Abdel-Nasser lança une « guerre d’usure », appelée plan « granit », dans la région du canal qui consistait à bombarder les positions israéliennes ou à mener des actions commandos derrière les lignes ennemies.
Durant la guerre d’octobre 1973, cheikh Hafez Salama dirigea la résistance populaire dans la ville de Suez qui était assiégée par l’armée israélienne. L’union de la résistance populaire et des forces armées égyptiennes permit d’empêcher l’occupation de la ville au cours d’une résistance qui dura du 23 au 28 octobre.
Engagé dans la lutte contre la colonisation depuis l’adolescence, cheikh Hafez Salama dénonça les accords de Camp David en 1978 et la politique de capitulation d’Anouar el-Sadate qui le fit arrêter en septembre 1981.
Après sa libération, cheikh Hafez Salama poursuivit son engagement anticolonialiste en faveur de la Palestine et du Liban en butte aux attaques israéliennes. Il s’engagea également contre le projet d’implantation d’une usine pétrochimique à Suez par crainte des effets néfastes sur l’environnement, et donc sur la population.
En janvier 2011, cheikh Hafez Salama soutint la révolution égyptienne qui renversa Hosni Moubarak. Il participa notamment aux manifestations de la place Tahrir où les Égyptiens revendiquaient la chute du régime en place.
Hafez Salama restera comme un symbole de la résistance populaire à la colonisation et des luttes de libération nationale arabe.
(1) Cf. Nadine Acoury, « 26 juillet 1956 – Nasser nationaliste le canal de Suez », ISM-France, 27/07/2009
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