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France - 12 juillet 2021
Par Youssef Girard
Depuis un an, Emmanuel Macron a imposé une nouvelle terminologie dans la vie politique française : la lutte contre le « séparatisme » islamique. Néanmoins, derrière cette terminologie nébuleuse, le président français n’invente strictement rien de nouveau sous le soleil de l’Hexagone. Il ne fait que recycler de vieux poncifs éculés d’une France menacée par des hordes de barbares mahométans.
Le discours tenu par Emmanuel Macron le 2 octobre 2020 aux Mureaux n’invente donc rien mais il marque la volonté de l’exécutif de promouvoir une nouvelle législation spécifiquement dirigée contre la minorité musulmane vivant en France. Cette nouvelle législation s’inscrit dans un contexte plus large de réaffirmation d’un suprématisme blanc allant de l’imposition d’une « Charte des imams » à la volonté de dicter une lecture officielle de l’histoire de France, singulièrement de son histoire coloniale, en passant par la négation des violences policières et du racisme systémique contre les minorités non-blanches.
Ainsi, dans un contexte international de remise en cause du colonialisme et du racisme, la France apparaît, en raison des prises de position de son gouvernement et de ses appareils idéologiques d’État, comme la première protectrice de la suprématie blanche dans le monde.
Néanmoins, cette position ne s’inscrit-elle pas dans une longue tradition française de répression et d’oppression des non-Blancs en général et des musulmans en particulier ?
Les racines coloniales de la gestion des musulmans et de l’islam
Les rapports des autorités françaises avec les musulmans et l’islam vivant sur son territoire s’inscrivent notamment dans la continuité de l’histoire coloniale de la France, particulièrement celle de la colonisation de l’Algérie. Parallèlement à la conquête génocidaire de l’Algérie qui a vu la disparition de 30 à 58 % de la population algérienne entre 1830 et 1872, la France a fait des musulmans algériens un corps d’exception en inscrivant le principe d’inégalité entre colons et colonisés dans la loi.
Si l’Algérie fut départementalisée avec l’avènement de la IIe République en 1848, les colonisés musulmans et juifs restaient exclus de la citoyenneté française. Le statut de citoyen était réservé aux seuls colons européens qui bénéficiaient d’un privilège lié à leur appartenance raciale. Adopté le 24 octobre 1870, le décret Crémieux qui accordait la citoyenneté française aux « Israélites indigènes », c’est-à-dire aux 35.000 juifs algériens, marquait le fait que pour la France les musulmans étaient un corps d’exception inassimilable auquel le droit commun ne saurait être appliqué. De ce fait, la légalité coloniale faisait des Algériennes et des Algériens des êtres diminués, des « sous-hommes », car les attributs de l'humanité étaient réservés aux seuls Européens, « la race des Seigneurs » du monde colonial, et accessoirement aux Juifs blanchis par la colonisation.
La législation coloniale soumettait les Algériennes et les Algériens à une législation spécifique, le Code de l'indigénat adopté en 1881, qui faisait des colonisés des « sujets français » privés de liberté et de droits politiques. Ainsi, le Code de l'indigénat interdisait aux Algériennes et aux Algériens les réunions sans autorisation, les départs du territoire de leur commune de résidence sans permis de voyage ou les actes dits « irrespectueux ». En revanche, les Algériens pouvaient être punis d'amendes ou d'une peine d'internement administratif pour une durée indéterminée. La responsabilité collective s'appliquait aux Algériens sous forme de séquestres des propriétés ou d'amendes collectives qui pouvaient être infligées à des villages entiers. Toutes ces mesures iniques visaient à maintenir l'ordre colonial en infériorisant les Algériennes et les Algériens.
Manifestation fondamentale de la vie culturelle et spirituelle des Algériennes et des Algériens, le culte musulman relevait du même principe d’exception. Dans une Algérie divisée en trois départements français, la loi de 1905 s’appliqua aux cultes catholique, juif et protestant. Seul le culte musulman fut soumis à un régime d’exception coloniale. Pourtant, l’article 43 de la loi du 9 décembre 1905 stipulait explicitement l’application du principe de séparation des cultes et de l’État « en Algérie et aux colonies ». Néanmoins, en vertu du décret du 27 septembre 1907 portant sur l’application de la loi de 1905 en Algérie, qui fut reconduit à de multiples reprises jusqu’à l’indépendance en juillet 1962, l’administration coloniale continuait de maintenir le culte musulman sous sa subordination immédiate. Afin de contrôler l’islam, les imams, les muftis ou les cadis étaient directement nommés et salariés par la puissance occupante qui les contraignait à être les « voix de la France » dans les mosquées et autres lieux de culte musulman. Par cette mainmise sur le culte musulman, la République coloniale orientait l’interprétation des sources de l’islam dans un sens favorable au maintient de sa domination.
Dénonçant cette subordination du culte musulman, en 1957, Malek Bennabi écrivait dans une brochure intitulée SOS… Algérie : « Dans le domaine moral, il [le colonialisme] a engendré une organisation du culte qui a fait passer toute la vie religieuse du musulman sous contrôle de l’administration colonialiste. Et l’on a vu cette chose scandaleuse : le culte musulman dirigé par un catholique. Si bien que le recrutement de l’imam et du mufti ne se faisait plus selon les besoins de la population et à sa satisfaction, mais à des fins policières » (2).
Les politiques islamophobes mises en œuvre actuellement par l’État français s’inscrivent donc dans la continuité immédiate de cette histoire coloniale séculaire qui a construit les musulmans et l’islam comme un corps d’exception.
La loi sur l’interdiction du hijab à l’école ou l’ouverture de la boîte de Pandore
Depuis la loi du 15 mars 2004 sur l’interdiction du hijab dans les établissements scolaires publics, les responsables politiques français, de droite comme de gauche, proposent régulièrement le vote de lois ou la promulgation de décrets visant spécifiquement l’islam et les musulmans. Au-delà du contenu même de cette loi, qui est en soi discriminatoire, la loi du 15 mars 2004 a constitué un précédent. La France a voté une loi spécifique, même si cela n’a pas été formulé ainsi pour des raisons de respect d’une légalité formelle, contre une minorité religieuse déterminée, les musulmans. La République a ouvert une boîte de Pandore qu’il s’avérera bien difficile de refermer. Avec le vote de cette loi, il est devenu possible et acceptable, pour la majorité des Français, de voter des lois spécifiques contre une minorité religieuse qui pourra être légalement soumise à une législation d’exception. Après la loi du 15 mars 2004, une loi interdisant le port du niqab a déjà été votée en 2010.
De ce fait, la loi contre le « séparatisme » voulue par Emmanuel Macron s’inscrit dans ce que l’historien Hans Mommsen appelle une spirale de « radicalisation cumulative » de la société qui aboutit à adopter un discours, une pratique et une législation toujours plus répressive contre la minorité musulmane. Cette « radicalisation cumulative » se traduit pratiquement par la mise en place d’un appareil législatif discriminatoire et par l’adoption de pratiques administratives et policières spécifiquement dirigées contre les musulmanes et les musulmans. Ces pratiques aboutissent à une fuite en avant dans la répression contre la communauté musulmane traitée comme un corps d’exception.
Cette « radicalisation cumulative » entraîne également une « radicalisation discursive » de l’État et de ses appareils idéologiques avec l’appui de groupes de pression qui poussent à la mise en place d’une répression accrue contre l’islam et les musulmans. Cette « radicalisation discursive » s’exprime notamment dans les médias où les prises de parole se font en faveur d’une répression toujours plus intense contre la communauté musulmane, car l’État n’irait jamais assez loin et ne taperait jamais assez fort dans sa répression. Ces discours islamophobes permettent d’entériner les législations discriminatoires et de préparer le terrain à de nouvelles lois répressives, voire des passages à l’acte violent de la part de groupes ou d’individus.
Ainsi, la loi sur le séparatisme, déjà votée en première lecture à l’Assemblée nationale, sera très certainement adoptée. Mais il y a fort à parier que dans les années à venir de nouvelles lois et dispositions islamophobes soient adoptées aboutissant à la mise en place d’un véritable appareil législatif spécifique, une sorte de « néo-Code de l’Indigénat », s’appliquant uniquement à la minorité musulmane.
Lutte contre le « séparatisme » et préservation de l’hégémonie blanche
Si la loi contre le « séparatisme » s’inscrit dans la continuité de l’histoire coloniale longue et dans la spirale de « radicalisation cumulative » inaugurée par la loi du 15 mars 2004, elle a également une actualité plus immédiate. Elle doit évidemment servir au président Macron à préparer l’élection présidentielle de 2022 en braconnant sur les terres idéologiques du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen. Il s’agit pour Emmanuel Macron de se présenter aux électeurs français comme celui qui est le mieux à même de mettre au pas des musulmanes et des musulmans accusés de tous les maux. L’opération électorale apparaît clairement. Elle est même explicitement revendiquée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui souhaite que « les électeurs du Front national votent » pour La République en Marche (LREM) d’Emmanuel Macron.
Néanmoins, la loi contre le « séparatisme » ne saurait être seulement réduite à une simple basse manœuvre électorale. En effet, elle s’inscrit dans un contexte national et international beaucoup plus large de contre-offensive visant à préserver l’hégémonie blanche.
Depuis plusieurs années, l’hégémonie blanche est remise en cause tant au niveau théorique que dans la pratique sociale et politique par un vaste et divers mouvement décolonial qui traverse le monde aussi bien dans les anciens pays colonisés d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud que dans les anciennes métropoles d’Europe ou d’Amérique du Nord. La contestation de l’hégémonie blanche s’est notamment manifestée par la volonté de relire l’histoire de l’esclavage atlantique et de la colonisation en remettant en cause le point de vue occidental et en refusant de prendre l’Europe et son évolution historique comme norme universelle. Cette lame de fond théorique marque la montée en puissance des populations non-blanches dans un monde encore dominé par les Blancs et leurs références culturelles.
Durant l’année 2020, un vaste mouvement de révolte contre les violences policières et le racisme systémique s’est développé en Occident depuis la mise à mort de George Floyd par le policier Derek Chauvin. Dans ce cadre, la question des symboles faisant l’apologie de la colonisation, et donc de ses crimes, dans l’espace public a pris une place importante.
Face à ces contestations, les autorités françaises ont opposé une fin de non-recevoir intégrale. La question des violences policières contre les minorités non-blanches a été balayée d’un revers de la main. Celle de la remise en cause des symboles coloniaux dans l’espace public a été écartée au nom d’une histoire de France qui serait « un bloc », pour reprendre les mots d’Emmanuel Macron, auquel les non-Blancs devraient se soumettre. La question du racisme systémique a été enterrée au nom d’un soi-disant « universalisme français » qui s’opposerait au « multiculturalisme anglo-saxon », selon la vieille thèse nationale-républicaine de Régis Debray. Toutefois, se sentant assiégé, le gouvernement français et tous les suprémacistes blancs ont rapidement lancé une vaste contre-offensive blanche.
Celle-ci s’est déclinée sur plusieurs fronts mais toujours selon la même logique de préservation de l’hégémonie blanche : loi sur le « séparatisme » pour remettre les musulmans à leur place ; lutte contre l’« islamo-gauchisme » à l’université pour faire taire toutes les recherches critiques sur le racisme ou la colonisation ; rapport Stora pour essayer de définir et d’imposer une histoire officielle de la colonisation de l’Algérie aux enfants de l’immigration post-coloniale ; dénonciations des études décoloniales, post-coloniales ou intersectionnelles et refus du multiculturalisme au plus haut sommet de l’État. Finalement, cette vaste contre-offensive blanche vient nous rappeler une des fonctions historiques du racisme qui est de maintenir les groupes discriminés à une place subalterne et d’utiliser les groupes blancs occupant une position moyenne comme un instrument de préservation du système en garantissant leurs privilèges raciaux.
Ainsi, la vaste contre-offensive blanche de l’État français et de ses appareils idéologiques est destinée à rassurer un public blanc apeuré par l'affirmation d'une parole non-blanche, remettant en cause ses privilèges, dans un espace public français. Pour Emmanuel Macron, il est nécessaire de montrer à ce public durablement imbibé de colonialisme qu’il est le premier défenseur de l’ordre racial qui place ses membres au sommet d’une pyramide mise en place depuis cinq siècles. L’engagement des militants décoloniaux a finalement stimulé les « réflexes de défense » d’Emmanuel Macron et de tous les suprémacistes blancs. De ce fait, la France apparaît comme la première protectrice de la suprématie blanche dans le monde.
Les effets de cette nouvelle législation raciste
La contre-offensive blanche ne relève pas uniquement du discours car la loi contre le « séparatisme » va avoir des conséquences concrètes et immédiates sur la vie de nombre de musulmanes et de musulmans vivant en France.
L’une des premières conséquences va être de restreindre encore un peu plus l’accès au marché de l’emploi aux femmes portant le hijab qui en sont déjà largement exclues. En effet, la loi instaure le principe de « neutralité » des agents de droit privé d’une entreprise délégataire de service public. L’interdiction de port de signes religieux – concrètement du hijab et autres expressions de la foi musulmane – sera ainsi élargie aux entreprises délégataires de service public comme EDF, la SNCF, La Poste, certains services de sécurité, les entreprises d’entretien, etc. De plus, une nouvelle procédure dite de « carence républicaine » va être créée afin de permettre aux préfets de suspendre les décisions ou les actes des entreprises délégataires de service public, lorsque celles-ci ne respecteraient pas le principe de « neutralité » ; et l’évaluation de ce non-respect dépendra uniquement du seul préfet de manière totalement arbitraire.
L’extension des pouvoirs des préfets leur permettra également de faire annuler des arrêtés municipaux qui mettraient en place des menus végétariens – c’est-à-dire perçu compatible avec le régime alimentaire spécifique de plusieurs minorités religieuses, notamment les musulmans – dans les cantines municipales ou qui proposeraient des horaires aménagés pour les femmes dans les piscines de la commune.
Les mariages des personnes de confession musulmane vont être épiés de près par l’administration française puisque l’article 17 de la loi vise à contraindre les officiers d’état civil à saisir la justice en cas de doute sur le consentement des futurs mariés. Ainsi, les mariages entre musulmans seront potentiellement soupçonnés d’être des unions forcées.
La loi remet également en cause la liberté d’association puisqu’elle « rénove » les règles de dissolution d’associations, en permettant notamment de leur imputer les agissements de certains de leurs membres. Dans le même sens, elle contraindra les associations qui demandent une subvention à s’engager, par un « contrat d’engagement républicain », à respecter les valeurs de la République. Un non-respect pourra entraîner le remboursement de la subvention. La nouvelle loi renforce également le contrôle sur les fonds de dotations et les associations, notamment celles qui défiscalisent des dons. Enfin, elle renforcera le contrôle sur les fédérations sportives soupçonnées, certainement, de compter trop de licenciés musulmans.
La loi touche pareillement à la liberté de culte des musulmans. Modifiant la loi de 1905, la loi vise à « encourager » les associations cultuelles musulmanes à adopter le statut « loi 1905 » qui est plus contraignant. Des dispositions pour éviter les changements de responsables à la tête des associations seront mises en place. Celles-ci devront faire constater tous les cinq ans leur « qualité cultuelle » par les préfectures, ce qui laisse place à l’arbitraire de la décision administrative. Les associations cultuelles devront également déclarer tout don étranger de plus de 10.000 euros, avec pouvoir d’opposition de l’administration. Les associations qui resteront dans le statut « loi 1901 » devront transmettre annuellement leurs comptes certifiés à l’administration. La loi prévoit également un nouveau régime de fermeture administrative temporaire d’un lieu de culte en raison des « théories » qui y seraient diffusées sans préciser quelles « théories » sont visées. De plus, elle crée une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les lieux de culte.
Cependant, au-delà de ces différents changements et restrictions qu’elle prévoit, ce qu’il faut souligner c’est l’esprit général de cette loi contre le « séparatisme » qui crée une suspicion permanente et généralisée vis-à-vis des musulmans et du culte musulman. En soutenant une législation d’exception et en renforçant une suspicion permanente et généralisée à l’encontre de la minorité musulmane, cette loi ne peut-être analysée que comme une loi raciste digne des pages les plus sombres de l’histoire coloniale française.
« L’heure de nous-mêmes a sonné »
Aujourd’hui, face à la contre-offensive blanche, la minorité musulmane reste largement paralysée par la peur d’un pouvoir de plus en plus menaçant et répressif. La stratégie de l’intimidation est d’ailleurs ouvertement revendiquée par le ministre de l’Intérieur lui-même lorsqu’il assume lancer des perquisitions contre des personnes soupçonnées d’aucun délit, et en dehors de tout cadre judiciaire, uniquement « pour faire passer un message » (3) ; celui de l’intimidation et de la peur.
En dehors de la communauté musulmane, les mobilisations de la gauche associative, syndicale et politique contre cette vaste contre-offensive blanche reste pour le moins discrète. En effet, nombreuses sont les personnes qui, à gauche, sont résolument opposées à la loi « Sécurité Globale », car elles pensent que cette loi attente directement à leurs libertés. Dans le même temps, les mêmes sont « partagées » sur la loi contre le « séparatisme », qui concerne uniquement les musulmans. Percevant les musulmanes et les musulmans, de manière explicite ou implicite, comme un problème, la majorité de la gauche sociale et politique reste incapable de se mobiliser contre l’islamophobie dont, certains dans ses rangs ont fait la promotion durant des décennies.
Alors, dans cette conjoncture où ils se retrouvent isolés, les musulmans doivent apprendre à compter sur leurs propres forces pour vaincre la peur et résister à la contre-offensive blanche du gouvernement et de tous les suprémacistes blancs. Ainsi, « l’heure de nous-mêmes a sonné », pour reprendre la célèbre expression d’Aimé Césaire.
Déjà différentes initiatives se font jour pour organiser une résistance et faire entendre une autre voix que celle du renoncement et de la soumission à ces politiques racistes. A travers la signature d’une « Tribune de la dignité » publiée le 9 février 2021 sur le blog de Médiapart, un collectif de plus de 500 cadres de la communauté musulmane hexagonale s’est opposé à la « Charte » que le gouvernement veut imposer aux associations cultuelles musulmanes. Parallèlement, et malgré les menaces du ministre de l’Intérieur, trois fédérations membres du Conseil français du culte musulman (CFCM) – le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), le Millî Görüs (CIMG) et Foi et Pratique (Tabligh) – ont refusé de signer cette « Charte ».
De manière plus large, car ne portant pas uniquement sur des questions cultuelles, un Front contre l’islamophobie et pour l’égalité des droits pour toutes et tous s’est constitué dans le but de lutter contre la politique islamophobe du gouvernement français. Dans son appel, ce Front, réunissant plus de cinquante associations nationales et locales, dénonce l’instrumentalisation par le gouvernement français de la lutte contre le terrorisme, de la laïcité, de la lutte contre les inégalités de genre et de l’État de droit pour justifier une politique islamophobe et liberticide. L’appel de ce nouveau Front se conclut, après un appel à une mobilisation nationale le 21 mars, par ces mots lourds de sens dans un contexte de répression : « N’ayons pas peur ! Il s’agit de défendre nos droits, nos libertés, notre dignité »(4).
Toutefois, même si la contre-offensive blanche est menaçante, brutale et violente, elle peut bâtir toutes les digues et construire tous les murs d’Hadrien qu’elle veut, elle ne pourra pas éternellement résister à la vague décoloniale – avec ses rugissements, ses courants, ses remous et ses vents contraires – déferlant sur le système raciste mis en place depuis cinq siècles. Dans le monde entier, nous assistons en réalité au crépuscule des idoles de la suprématie blanche qui poussent leurs derniers hurlements terribles avant de disparaître.
Youssef Girard
(1) Article paru dans le numéro 41 de la revue Le Jeune Musulman du mois de mars-avril 2021. Cet article a été rédigé avant les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat qui ont vu de nouvelles mesures répressives être proposées par les Assemblées législatives.
(2) Malek Bennabi, SOS… Algérie, in. La guerre de la libération, Alger, Alem El Afkar, 2010, page 33
(3) Aimé Césaire, Lettre à Maurice Thorez, Paris, 24 octobre 1956
(4) « Non à la loi islamophobe et liberticide !», Blog de Médiapart, 11/02/2021.
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Youssef Girard