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Palestine - 12 novembre 2014
Par Ahmad Yousef
Cet article, publié sur l'édition en anglais d'Al-Akhbar du 10 novembre, est une traduction de l'édition en arabe.
Le Hamas n'est pas actuellement dans son âge d'or, mais il n'est pas non plus dans la pire situation qui soit. Le "jeu des axes", la Bande de Gaza étiquetée comme "menace nationale" par l'Egypte et des divergences croissantes avec le Fatah soulèvent des questions auxquelles Ahmad Yousef, conseiller de l'ancien Premier ministre à Gaza Ismail Haniyeh, va essayer de répondre.
Yousef est un des dirigeants du Hamas et l'un de ses plus éminents penseurs à Gaza. Il a fait ses études supérieures aux Etats-Unis et est rapidement devenu membre du Conseil de la Shura du Hamas mais ses positions ont parfois suscité la controverse. Il est considéré comme l'un des dirigeants du Hamas les plus ouverts sur la scène politique.
Juillet 2014 - La résistance palestinienne tire une roquette Fajr 5 de fabrication iranienne sur le territoire de Palestine envahi et occupé en 1948
Al-Akhbar : Si nous devions résumer l'expérience politique du Hamas au cours des huit années passées, où l'avenir nous conduit-il ?
Ahmed Yousef : Une partie de l'expérience gouvernementale du Hamas, qui a commencé en juin 2006, est louable, en particulier sur le front de la résistance. Mais il y a eu des erreurs, en matière de performance politique et de relations régionales.
Arrivé au pouvoir avec la légitimité acquise aux élections législatives, le soutien populaire aurait pu renforcer le Hamas s'il avait réussi à établir un partenariat politique où tous les partis se seraient unis pour faire face à aux attaques israéliennes répétées et à la collusion régionale et internationale. Hélas, je reconnais que notre expérience politique fut limitée et nos rêves irréalistes. Nous n'avons pas pris en compte les acteurs internationaux qui ont comploté contre nous et nous ont enlisés dans des batailles secondaires qui nous ont couté cher en terme de soutien populaire.
A l'avenir, nous nous tournerons à nouveau vers la population, mais avec une nouvelle compréhension parce que nous ferons partie du système politique palestinien basé sur une logique de "partenariat au lieu de conflit". Nous renforcerons notre base arabe et islamique tout en étant ouverts à des mouvements qui soutiennent la Palestine en Occident.
Al-Akhbar : A votre connaissance, quelles sont les limites de la participation du Hamas aux prochaines élections ?
AY : La décision au sein de l'organisation est de continuer à participer au processus politique, et les élections représentent un moment historique. Jusqu'à présent, le Hamas n'a pas déterminé sa stratégie pour les prochaines élections présidentielles et législatives. La base de l'élection législative n'est toujours pas claire. Nous pensons cependant qu'aux présidentielles, nous soutiendrons un candidat national qui incarne la compétence et l'intégrité et pour les législatives, nous nommerons de jeunes cadres jouissant du soutien populaire.
Nous pensons que le Hamas a le soutien de 30 pour cent de l'opinion publique palestinienne, comme le Fatah. Cela ouvre, pour les deux partis, la possibilité de se présenter sur une seule liste électorale ou d'essayer d'accueillir des partis plus petits et de former un front national-islamiste sur des objectifs unifiés.
Al-Akhbar : Parler d'une liste électorale commune avec le Fatah, à la lumière de vos divergences en cours, soulève de nombreuses questions.
AY: Par le passé, la compétition politique a conduit à la rupture des relations et la marginalisation de l'autre. Aujourd'hui, toutefois, chacun cherche l'autre pour forger des alliances parce que des membres du Hamas et du Fatah sont conscients qu'il n'est pas possible de s'exclure mutuellement. La question, cependant, est soumise à la situation au Fatah et si sa base électorale veut s'unir sous une seule direction. Mais le Hamas se rend compte qu'il a besoin d'un partenaire national pour contrecarrer tout blocus dirigé contre lui.
Al-Akhbar : Toute chose à un prix. Pour en revenir aux annonces du Fatah, pouvez-vous accepter un programme politique basé sur des négociations avec l'occupation israélienne ?
AY: En ce qui concerne le Hamas, nous avons supprimé tous les obstacles à la dynamisation des institutions politiques. Le problème est qu'il y a des parties au sein de l'Autorité palestinienne (AP) qui entravent nos tentatives de rejoindre des institutions comme l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), le Conseil national palestinien (CNP) et le Conseil central, de peur que le Hamas monopolise le processus de prise de décision.
La voie pour rejoindre ces institutions est toujours fermée aux mouvements islamistes et à certains mouvements nationaux, en dépit des promesses répétées et des mémorandums d'accord décidés au Caire, à Damas, à Doha et à Gaza.
Au sujet des négociations avec l'occupation israélienne, la position du Hamas est que Abu Mazen (Mahmoud Abbas), en tant que chef de l'OLP, peut négocier - mais dans le cadre d'une position avec laquelle nous sommes tous d'accord et qui protège les droits de notre peuple en Palestine et dans la diaspora. Le Hamas se rend compte que les négociations sont un élément central de toute résolution politique du conflit. Voilà pourquoi cette question ne devrait pas être laissée à une seule partie qui décide seule, mais elle doit faire l'objet de consultations.
En même temps, nous nous rendons compte qu'Israël n'a pas de projet de paix avec les Palestiniens et traîne les pieds pour imposer des faits accomplis sur le terrain. Nous ne sommes pas dupes. Nous ne nions pas que les négociations sont un passage obligé que nous pourrions avoir à gérer, mais l'histoire montre que les conflits ne sont pas résolus seulement par les négociations. La justesse requiert toujours quelqu'un pour la défendre.
Ahmad Yousef lors d'un discours, le 5 mai 2011 à Gaza-ville (photo APA/Mohammed Asad)
Al-Akhbar : Après le retrait tactique du Hamas du gouvernement, quelles sont les chances de son retour ?
AY : Gouverner fut un moment important dans la culture politique de l'organisation et une expérience difficile parce que nous nous sommes retrouvés dans le gouvernement mais sans pouvoir gouverner. Toutes les relations internationales passaient par la présidence tandis qu'il y avait un boycott international du gouvernement Haniyeh, à l'exception de l'Iran, de la Syrie, du Qatar et de la Turquie. L'expérience nous a appris que la situation en Palestine requiert un partenariat, et monopoliser le pouvoir sous occupation ne peut pas réussir. Personnellement, je pense que le docteur Salam Fayyad est une personnalité sur laquelle une majorité peut se mettre d'accord étant donné son indépendance et son acceptation par la communauté internationale, sans parler de son expérience en matière de gouvernance.
Entre être dans ou hors du gouvernement, le Hamas préfère aujourd'hui avoir une présence forte au parlement afin de préserver nos principes de base et empêcher le pouvoir exécutif ou la présidence de prendre des décisions susceptibles d'affecter les droits de notre peuple. Voilà pourquoi nous voulons rejoindre et réformer l'OLP.
Al-Akhbar : D'ici là, qu'allez-vous faire ?
AY: Compte tenu du déséquilibre du pouvoir et des problèmes dans la région, le Hamas est obligé de limiter sa présence dans la gouvernance des institutions. En même temps, il doit se concentrer sur la reconquête de sa base populaire et sur le renforcement de ses capacités de résistance tout en maintenant une présence politique qui ne pousse pas l'Occident et Israël à appliquer davantage de pression.
Al-Akhbar : Observant la région, comment voyez-vous les bombardements dans le Sinaï et au-delà ?
AY: Les opérations militaires qui visent l'armée égyptienne ne servent pas la stabilité à laquelle nous aspirons en Egypte. Le but de ces opérations est de semer le chaos et de terroriser des gens innocents. Ceci viole les enseignements de notre religion. Il n'est pas permis de commettre des massacres contre des forces stationnées dans les zones frontalières.
Le Hamas est prêt à une coopération sécuritaire et politique qui maintienne la sécurité en Egypte, dans le Sinaï et dans la zone frontalière. S'il était prouvé que des Palestiniens étaient derrière ces crimes, les services de sécurité à Gaza ne le prendront pas à la légère et au contraire puniront quiconque est impliqué.
Al-Akhbar : Comment le Hamas peut-il persévérer face aux changements dans la région, en particulière des alliances contre lui ?
AY: La situation régionale et internationale est toujours difficile et, malgré la sympathie envers les Palestiniens après la dernière attaque d'Israël, les Arabes sont préoccupés par leurs conflits. L'Occident a déterminé sa stratégie, à savoir une guerre contre l'Etat islamique d'Irak et de Syrie (ISIS), et il a réussi à mobiliser les Etats arabes et islamiques contre lui. Tout ceci éloignera de la Palestine l'attention des peuples et des régimes. Nous nous rendons compte que nous allons passer par des moments difficiles. Ceci exige que nous [les forces islamistes] fassions un effort en Palestine pour renouer nos relations nationales. Nous insisterons sur l'indépendance des décisions et des positions du Hamas et que ses intérêts continuent d'être régis par des principes et non des considérations régionales.
Al-Akhbar : Cela ne signifie pas que le Hamas ne joue aucun rôle dans la région.
AY: Nous avons décidé de ne pas prendre parti parce que la cause palestinienne a besoin du soutien de tous les Arabes et les musulmans. Toute implication dans la politique des axes nous cause des problèmes. Voilà pourquoi nous allons maintenir une position neutre et faire de notre mieux pour proposer des avis et des conseils.
Al-Akhbar : Comment vont les relations entre le Hamas et les Etats du Golfe ?
AY: Malheureusement, la plupart des pays du Golfe nous ont claqué la porte au nez avec les développements tragiques du Printemps arabe. A part le Qatar, ils sont tous hostiles aux islamistes parce qu'ils croient qu'ils constituent une menace. L'Arabie saoudite, qui a embrassé des mouvements islamistes pendant plus de six décennies, leur a tourné le dos et a mobilisé contre eux en Orient et en Occident dans une développement qui a stupéfié tout le monde. Le Qatar, d'autre part, a procuré un refuge aux dirigeants du Hamas et à certains cadres de l'accord d'échange de prisonniers "Loyauté des Libres". Il a également tendu une main bienveillante aux Palestiniens, dépassant toutes les autres nations et offert un milliard de dollars à la Conférence du Caire.
Al-Akhbar : Est-ce que la dernière guerre a amélioré l'opinion du Hamas vis-à-vis de l'Iran ?
AY: Comme en témoigne l'histoire, nous nous sommes battus seuls soutenus par la fermeté de notre peuple dans la Bande de Gaza. Mais nous admettons que nos frères en Iran méritent un certain crédit pour les compétences dont ils ont fait preuve dans l'industrie militaire et de combat. D'un point de vue politique, l'Iran fut plus honorable que certains Etats arabes. Alors que des dirigeants arabes ne nous ont pas soutenus, Hassan Nasrallah, dans ses déclarations, a exprimé son soutien et a fait l'éloge de nos capacités sur le champ de bataille.
Indépendamment des considérations et des positions politiques de certains partis, nos relations avec Téhéran et avec le Hezbollah devraient continuer à être fortes. Nous ne devons pas oublier ce que représente la Révolution islamique vis-à-vis de notre lutte contre Israël. Nous sommes dans le même bateau tandis que l'Occident, les Etats-Unis et Israël complotent cruellement contre nous.
Al-Akhbar : Alors qu'est-ce qui entrave le développement de vos relations avec l'Iran ?
AY: La guerre sanglante entre l'opposition et le régime du Président Bashar al-Assad en Syrie a poussé le Hamas à prendre une position qui l'a poussé loin de l'Iran, un allié stratégique de la cause palestinienne. Mais nous devons garder à l'esprit que l'Iran est un Etat d'une importance vitale, avec des capacités militaires et une influence qui renforcent la nation musulmane et préservent sa place parmi les nations.
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM
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