Gaza - 4 août 2013

Gaza : Normalisation avec Israël sous le nez du Hamas

Par Uruba Othman

En dépit des violations quotidiennes des droits palestiniens par Israël, et des atrocités de son armée, la plus récente étant l'Opération "Colonne de Nuée", certains Palestiniens considèrent ceux qui sont censés être leurs ennemis comme de bons amis. La normalisation est devenue une réalité dans certaines régions de Palestine et beaucoup de Palestiniens, que ce soit volontairement ou à leur insu, y prennent part.

Manifestation contre la reprise des "pourparlers de paix" entre l'Autorité palestinienne et les dirigeants sionistes, à l'appel du FLPL, Ramallah, le 28 juillet 2013 (photo by REUTERS/Mohamad Torokman)
Par exemple, il n'est plus étrange de voir des camps palestino-israéliens communs sous le patronage de l'ANP à Ramallah. En fait, ce qui serait étrange serait qu'une quinzaine de jours s'écoulent sans qu'on entende parler de quelque réunion secrète entre des personnalités palestiniennes et israéliennes dans les zones contrôlées par l'occupation ou au cœur des villes palestiniennes contrôlées par l'ANP, ou même à l'extérieur de la Palestine historique.

Palestiniens et militants anti-normalisation sont habitués aux déclarations de l'ANP autorisant la normalisation. Mais pour eux, lorsque des déclarations similaires sont diffusés par le gouvernement de Gaza, c'est tout simplement scandaleux. Prenez par exemple l'incident notoire de Tahsin al-Saqa, directeur du marketing au ministère de l'Agriculture à Gaza, qui a dit que la participation des agriculteurs de Gaza à la foire internationale de l'agriculture Agro-Mashov à Tel Aviv en juin dernier avait pour but d' "acquérir une expertise et connaître les nouvelles technologies du secteur agricole."

Il y a deux mois, les dirigeants de la Bande de Gaza contrôlée par la résistance ont tiré des roquettes Fajr-5 et M-74 qui ont atterri non loin du site de la foire agricole. Mais peu de temps après, ils n'ont pas hésité à autoriser une délégation d'agriculteurs, en coordination avec l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, à quitter Gaza et à participer à l'événement - où ils ont présenté des produits cultivés à Gaza, ouvrant la voie à des exportations vers Israël.

Le ministère de l'Agriculture du gouvernement de Gaza n'a pas fourni d'explication convaincante sur son approbation à cette action flagrante de normalisation, et n'a pas non plus commenté les déclarations de Saqa. Le ministère a publié un communiqué de presse déclarant, "La participation au salon agricole fut le résultat d'une décision personnelle des agriculteurs eux-mêmes, pour acquérir de l'expérience pour des projets de développement à Gaza."

Un agriculteur qui a participé à la foire agricole a confirmé à Al-Akhbar que la participation de Gaza avait eu lieu en toute connaissance et accord du gouvernement Hamas pour promouvoir les produits agricoles locaux et établir des relations commerciales.

En réalité, le salon agricole en Israël ne fut pas le premier événement à rassembler victime et agresseur ces derniers temps. En janvier dernier, 30 agriculteurs de Gaza ont participé à un événement similaire dans la colonie Eshkol, à l'ouest du Naqab, près de la frontière avec Gaza.

Khalil al-Sheikh, journaliste travaillant au Centre arabe pour le développement agricole, a dit que le gouvernement conduit par le Hamas ne voit pas la participation à des événements israéliens comme de la normalisation, mais comme de la coordination dans laquelle les Palestiniens sont obligés de s'engager à cause des liens économiques palestino-israéliens dans le cadre du protocole de Paris.

Sheikh a souligné que le gouvernement était pleinement informé de la coopération entre les entreprises locales et les autorités israéliennes d'occupation pour l'exportation de certains produits agricoles. Cependant, a ajouté Sheikh, certaines ONG estiment que la participation à de tels événements est inacceptable.

A Gaza, la normalisation n'est pas limitée à l'agriculture, mais touche également la musique et les arts, et elle est essentiellement dirigée vers les jeunes. Il y a deux ans, le chef d'orchestre israélien Daniel Barenboim est venu à Gaza, qui ne s'était pas encore remis de la guerre menée par Israël. Barenboim était invité par les Nations Unies et certaines organisations palestiniennes pour diriger un orchestre de 40 musiciens à l'Hôtel Mathaf, à Gaza, un événement sans précédent dans l'histoire de la Bande.

Dans la même veine, Haidar Eid, membre de la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d'Israël (PACBI) a déclaré à Al-Akhbar que le gouvernement Hamas a démenti avoir autorisé un chef d'orchestre israélien à se produire à Gaza. Il est cependant pratiquement impossible de tenir un tel événement dans la petite enclave dirigée par le Hamas sans que ce dernier ne soit au courant.

En ce qui concerne la lutte contre la normalisation dans la Bande de Gaza, Eid a déclaré, "Nous révélons toutes les activités de normalisation dans les médias, et nous mettons en garde les parties concernées contre ce qu'elles font."

En 2013, une organisation appelée Une Voix s'est activée parmi les jeunes à Gaza, dans l'espoir de rallier davantage de soutien pour ce qu'elle appelle une entente permanente et globale entre Israël et la Palestine, qui mettrait fin à l'occupation. Ce postulat sous-tend de sessions de formations de l'organisation à Gaza, souvent sous couvert de "compétences en leadership et travail en équipe" sans forte dissuasion contre ces activités de normalisation déguisées.

Source : Al Akhbar

Traduction : MR pour ISM