Fermer

S'inscrire à la mailing list ISM-France

Recevez par email les titres des derniers articles publiés sur ISM-France.

Votre adresse courriel

Fermer

Envoyer cet article

Votre adresse courriel
Envoyer l'article à
Votre message
Je profite de l'occasion pour m'abonner à la newsletter ISM France.
ISM France - Archives 2001-2021

Imprimer cet article Envoyer cet article
Article lu 3290 fois

Moyen Orient -

Idéologie vertueuse

Par

L'auteur est membre du Centre égyptien d'écoute des priorités féminines.

Le pouvoir se présente souvent sous la forme d'une main secourable. En plus des invasions et de l'occupation, les puissances étrangères usent de moyens plus subtils pour faire avancer leurs idées. L'un d'entre eux est de cibler l'essence générative des sociétés, où les femmes sont le centre.
Quel rôle jouent les femmes, dans les mouvements islamiques, pour défendre la spécificité culturelle et la souveraineté du monde arabe et musulman ?

Idéologie vertueuse

Le rapport publié récemment par la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale sur le statut des femmes dans les mouvements islamiques plonge dans le monde "mystérieux" des militantes, monde qui est devenu récemment un objet de curiosité pour les centres de média et de recherches.

Heureusement, le rapport indique au lecteur que les mouvements islamiques sont nombreux, et révèle les principaux points de vue et préjugés occidentaux sur les femmes dans les mouvements islamiques.

Malheureusement, dans maints endroits, le rapport se fait l'écho de ces points de vue et préjugés et donne une image imparfaite des femmes dans les mouvements islamiques au bénéfice du modèle féministe. Une telle attitude discriminatoire est un sérieux manquement à la méthodologie scientifique qui est supposée relater des faits, sans pousser les lecteurs vers des conclusions désirées.

Par exemple, le rapport dit carrément que le féminisme occidental est le modèle auquel tous les mouvements de femmes devraient être mesurés pour acquérir une reconnaissance. Il dit : "Les organisations [islamiques] sont également intéressantes parce qu'elles essaient de développer un concept de droits des femmes indépendant de l'héritage occidental. Il n'est pas sûr qu'elles y parviennent". Là, le papier doute de la réussite de toute tentative d'aborder les droits des femmes hors les carcans des paradigmes occidentaux. Il considère également les préoccupations des groupes islamistes sur les droits des femmes comme douteux tant qu'ils ne se conforment pas aux définitions occidentales.

Cette façon de nier la compétence des femmes islamistes à formuler des théories et des pratiques de droits des femmes issues de leur propre système de valeur pose question, et je me demande si cette attitude de déni vise à saper la confiance en soi des femmes islamistes, pour les préparer à accepter les programmes alternatifs étrangers qui les sauveront de leur propre vide intellectuel supposé.

Imposer un paradigme occidental de cette manière prouve que la recherche de la Fondation Carnegie est non seulement partiale mais aussi irrationnelle, car elle essaie de stéréotyper diverses expériences sous le seul paradigme spécifique du "féminisme de genre", qui ne fait même pas consensus à l'Ouest, et qu'il n'est pas pertinent d'appliquer aux femmes arabes qui meurent des guerres ou de la malnutrition.

Le rapport accuse les femmes islamistes d'ignorance lorsqu'elles rejettent le paradigme occidental, de "savoir peu de choses sur les différences qui existent parmi les militantes à l'Ouest", alors que la vérité est qu'elles le rejètent parce que nos priorités de femmes arabes ne peuvent pas s'éloigner de notre système de valeur, ce qui serait inopérant dans cette région.

Le rapport va plus loin, accusant les islamistes d'être, contrairement aux ONG occidentales et à quelques ONG arabes privilégiées, désuets et ignorants des questions sur l'évolution des femmes, en dépit du fait qu'il y ait deux comités spéciaux, dirigés par des femmes issues du mouvement islamique, concernées exclusivement par la prise en compte de l'évolution des questions des femmes, en interne et à l'étranger. La base de données qu'elles alimentent est une référence importante au bénéfice des ONG. Elles participent régulièrement aux sessions importantes des Nations Unies et jouent leur rôle dans la rédaction de documents importants des NU.

Je me souviens m'être trouvée, à bord d'un avion qui allait à New-York, pour participer à la session "Beijing, dix ans après", et alors que notre délégation islamiste préparait fiévreusement son amendement au document, des membres de délégations arabes officielles sont venus nous demander de quoi il s'agissait. Leurs gouvernements ne les avaient envoyés que pour les avoir, en photo, dans la salle de réunion, simplement pour donner au monde l'impression qu'ils se préoccupaient de ces questions.

Les auteurs du rapport Carnegie pensent que les partis islamiques instrumentalisent les femmes. D'une manière injuste, ils suspectent les actions positives des mouvements islamiques pour les droits des femmes d'être prises "du bout des lèvres" et simplement motivées par l'impératif pragmatique de gagner "une légitimité internationale", plus que par la vision réformiste qu'ils s'efforcent d'appliquer dans tous les aspects de la vie.

De plus, les auteurs du rapport décrivent la nomination des candidates aux élections parlementaires comme destinée à les servir ("les candidates peuvent aider les partis islamistes à gagner des voix"), alors que la nomination des candidats, dans les groupes islamistes, est un processus complexe de filtrage qui prend en compte les compétences et les antécédents dans l'action politique, et non des considérations de genre.

Ce que les auteurs doivent comprendre,c' est que si ces partis avaient décidé, dès le début, d'adopter une approche instrumentale pour gagner le pouvoir – soit en se servant des femmes ou autres –ils y seraient parvenus depuis longtemps déjà. En outre, le mouvement islamique n'est pas favorable à l'application du système de quotas, mais il choisit en fonction du talent individuel et des compétences.

La même ignorance du travail interne des groupes islamiques entraîne les auteurs à jeter le blâme sur les dirigeants des groupes, qui ne mettraient pas les femmes en position de leader. Mais si ces auteurs savaient comment ces dirigeants sont souvent kidnappés chez eux, en pleine nuit, et emmenés dans des lieux inconnus où ils sont soumis à toutes sortes de violations des droits de l'homme, y compris des humiliations et crimes sexuels, insisteraient-ils sur le sacrifice de femmes simplement pour satisfaire leur programme féministe ?

Quelquefois, la préférence de l'idéologie féministe dépasse l'entendement ; la déclaration suivante, qui critique le concept islamique d'égalité, en est un exemple : "le concept d'égalité des sexes et la séparation de leurs rôles se rapproche inconfortablement de l'idée de 'séparés mais égaux' qui fut à la base de la ségrégation et de la discrimination raciales aux Etats-Unis."

Mise à part l'absurdité de la comparaison entre le discours islamiste et l'apartheid de race américain, l'énoncé révèle un niveau superficiel de compréhension du concept féministe d'égalité, qui appelle à confondre les rôles des deux sexes. Les féministes ici ne veulent pas dire, comme nous le croyons, des appels bienveillants à ne pas confiner les femmes dans des rôles domestiques, ou aux hommes à aider à la maison, mais soutiennent des demandes plus pernicieuses.

J'ai personnellement entendu des dirigeantes féministes qui définissaient "égalité" comme "échange des rôles" entre hommes et femmes, avec l'exemple spécifique d'hommes partageant la grossesse, la naissance et d'allaitement maternel, par d'éventuelles interférences médicales – et de droits des femmes à conduire des camions et à aller couper le bois dans la jungle !

Pour ceux qui sont toujours prêts à être fascinés par tout ce qui vient de l'Ouest, cette définition de l'égalité ne peut pas marcher dans notre monde arabe, parce que nos femmes ne trouveront jamais de jungles où aller couper le bois, et nos hommes n'auront jamais de seins pour allaiter les bébés.

Source : Al-Ahram

Traduction : MR pour ISM

Faire un don

Afin d'assurer sa mission d'information, ISM-France fait appel à votre soutien.

Oui ! Je soutiens ISM-France.


Contacter ISM France

contact@ism-france.org

Suivre ISM France

S'abonner à ISMFRANCE sur Twitter RSS

Avertissement

L'ISM a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient. Les auteurs du site travaillent à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui leur seraient signalées.

Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas l'ISM ne saurait être tenu responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.

D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont il n'a pas la gestion, l'ISM n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.

A lire également...
Même lieu

Moyen Orient

Même sujet

Même date

14 octobre 2007